

Des plaies difficiles à cicatriser pour les proches.
Ivan Marcil vit dans un monde sans visages, un monde bleuté, de masques et de visières. Depuis quelques mois, il est un des rares intervenants en soins spirituels (ISS) au Québec à qui on donne accès à une unité de soins intensifs.
Après avoir guéri de la COVID, il a demandé à accompagner les patients admis aux soins intensifs de l’hôpital Pierre-Boucher. Une ruche inaccessible aux familles, sauf quand sonne la dernière heure des mourants. « Pour ceux qui sont seuls, ma présence aide énormément. Ceux qui sont en éveil ont BESOIN de parler. Beaucoup de soignants se confient aussi », dit-il. Depuis dix mois, il vit au chevet et au rythme des patients emportés par la COVID.
Dépêchée à l’hôpital de Chicoutimi, France Fortin a aussi vu son travail de conseillère spirituelle bousculé par la pandémie. Nombre de familles infectées n’ont pu se rendre au chevet d’un parent condamné, dit-elle. « Beaucoup d’adieux se sont faits à distance. Un jour, un mari et sa femme, alités dans deux unités différentes, se sont fait une ultime déclaration d’amour sur leur tablette. » Soudés dans une dernière étreinte virtuelle. « Un autre homme, lui, ne voulait plus desserrer l’iPad de sa poitrine. »
Les Fêtes ont été crève-cœur. « J’ai accompagné un patient jusqu’au bout avec des chants de Noël », confie-t-elle. Même les familles présentes, derrière leurs masques, et éplorées de ne pouvoir embrasser leur proche une dernière fois, ont eu un criant besoin d’aide. « Avec les gants, elles peuvent toucher la main, mais pas donner un baiser. »
Escamotées ou à distance, ces miettes de tendresse sont essentielles, estime France, infectée en novembre. Mais bien plus que le virus, c’est la détresse des malades et des familles qui l’ont transformée. « Ça a fait de moi une meilleure intervenante, mais aussi une meilleure personne. »
Des plaies difficiles à cicatriser pour les proches.
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