La pandémie fait bondir l’anxiété et les signes dépressifs chez les jeunes

La pandémie a gravement miné la santé mentale des jeunes Québécois du secondaire, du cégep et de l’université. Près de la moitié d’entre eux (48 %) présentent des signes inquiétants d’anxiété généralisée, voire de dépression majeure, selon une enquête de l’Université de Sherbrooke publiée jeudi.
« Nous n’avons jamais eu des données aussi élevées que ça », dit au bout du fil la professeure Mélissa Généreux, qui a supervisé cette étude mandatée par la Direction de la santé publique de l’Estrie. Il ne fait aucun doute à ses yeux que la lutte contre la COVID-19 a fait bondir les taux à un niveau record.
Les élèves du secondaire sont maintenant trois fois plus nombreux à qualifier leur santé psychologique de « passable ou mauvaise », comparativement à un précédent coup de sonde de la Dre Généreux en janvier 2020. Et ce bond s’observe à tous les niveaux, autant chez les garçons que chez les filles.
Dans le cadre de son enquête dévoilée jeudi, l’équipe de la professeure a interrogé pas moins de 16 500 élèves âgés de 12 à 25 ans, répartis dans 47 établissements d’enseignement de l’Estrie et de la Mauricie–Centre-du-Québec. Deux participants sur trois — soit 11 500 jeunes — fréquentent le secondaire, alors que les autres (5000 personnes) sont inscrits au cégep ou à l’université.
Une série de questions leur a été posée à l'aide d’un sondage en ligne pour évaluer leur état de santé mentale, mais aussi pour connaître leurs sources de stress et leurs moyens de le combattre. Conclusion ? Plus l’âge des répondants augmente, plus la proportion de symptômes compatibles avec un trouble d’anxiété généralisée ou une dépression majeure s’accroît.
Au secondaire, le pourcentage des élèves du premier cycle (1re et 2e années) aux prises avec ces symptômes atteint 35 %. Il bondit à 50 % chez leurs camarades du deuxième cycle (3e, 4e et 5e années). Quant aux étudiants des cégeps et des universités présentant ces symptômes, leur taux frise les 60 %.
Bouleversements
D’après Mélissa Généreux, ces écarts s’expliquent par la nature des mesures sanitaires qui varient d’un niveau scolaire à l’autre. Au secondaire, ce sont les élèves du 2e cycle qui ont vécu jusqu’ici le plus de turbulences. Contrairement à ceux du premier cycle, ils doivent se plier à une formule hybride d’enseignement en classe et à la maison. Les étudiants au cégep et à l'université ne sont pas en reste, le tout-virtuel ayant largement été adopté dans leur cas.
Avant que ne frappe la COVID-19, les problèmes de dépression et les troubles anxieux ne cessaient d’augmenter dans cette tranche d’âges de la population, particulièrement vulnérable, tient à préciser la Dre Généreux. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte apporte son lot de questionnements, de changements et d’adaptations. Une période qui se vit maintenant « enfermé à la maison avec très peu de contacts sociaux » en raison du confinement, note-t-elle.
Dans le cadre du sondage, les jeunes interrogés ont nommé les principaux facteurs nuisant à leur santé psychologique. La disparition des activités scolaires et parascolaires dans plusieurs établissements se fait grandement sentir : 41 % des élèves du secondaire sondés estiment que cela nuit « de manière importante à leur santé psychologique ». Ce pourcentage grimpe à 61 % pour les étudiants des cégeps et des universités.
Sans surprise, la hausse du temps d’écran et les cours en ligne sont également montrés du doigt par les répondants. Avoir plus que jamais les yeux rivés sur son ordinateur, son téléphone ou sa tablette nuit à la santé mentale de 39 % des jeunes du secondaire et de 49 % de ceux inscrits au cégep ou à l’université.
Quant aux cours en ligne, 49 % des étudiants au cégep et à l'université estiment qu’ils affectent leur santé mentale. Au secondaire, ce taux s'établit à 28 %.
Les chercheurs précisent néanmoins qu'un écart substantiel s'observe entre le 1er et le 2e cycle (18 % et 35 % respectivement). C'est peu surprenant, disent-ils, « car les élèves du 2e cycle suivent une formule en alternance, avec 50 % des activités scolaires réalisées en ligne plutôt qu’en présentiel ».
Solutions
Mélissa Généreux espère que le portrait sombre qu’elle dépeint interpellera les autorités de santé publique et les milieux scolaires. Ils doivent impérativement prendre en considération les impacts psychosociaux des mesures sanitaires sur la population, surtout sur les jeunes, insiste-t-elle.
La docteure les presse également de réfléchir à la reprise d’activités scolaires et parascolaires dans les écoles de manière sécuritaire, quitte à les tenir à l’extérieur. « Les jeunes nous l’ont tellement dit dans l’enquête : “Donnez-nous la chance de nous réimpliquer à nouveau” », dit-elle.
En ce qui concerne les cégépiens et les étudiants d'université plus spécifiquement, la Dre Généreux suggère d’offrir un seuil minimum de cours en présence plutôt qu’en ligne, citant celui de 25 % déjà adopté par l’Université de Sherbrooke.
« Les jeunes ne sont pas fous. Ils savent très bien que ce n’est pas demain la veille qu’on va retrouver notre vie d’avant. S’ils pouvaient retrouver un peu des éléments de socialisation qu’ils ont perdus dans la dernière année, ça leur ferait le plus grand bien. »