L'orientation professionnelle, un service trop méconnu en situation de crise

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur
La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions manifestes sur la vie de nombreux travailleurs. Une perte d’emploi, un repositionnement ou un questionnement professionnels ne sont jamais anodins, mais on ignore souvent le degré de détresse psychologique qui les accompagne. Dans ce contexte, qui ne date d’ailleurs pas de la crise sanitaire, l’orientation professionnelle peut jouer un rôle crucial pour reprendre en main sa vie.
Depuis les années 2000, 60 % des personnes qui consultent en orientation professionnelle souffrent d’anxiété, voire de détresse psychologique. C’est ce constat alarmant, valable aussi bien pour les adolescents que les adultes, qui a poussé Francis Milot Lapointe, alors étudiant en orientation professionnelle, à se lancer dans la recherche et la formation en counselling. « Notre emploi occupe une proportion importante de notre existence, et un travail épanouissant nous apporte du bien-être et de la confiance dans toutes les sphères de notre vie », explique celui qui est devenu professeur à l’Université de Sherbrooke. « Par contre, ajoute-t-il, nos recherches montrent que la plupart des personnes qui vivent un questionnement ou une transition professionnelle sont sujettes à l’anxiété ou même à la dépression. »
De nombreuses personnes se sentent moins utiles qu’avant la pandémie
Or, ce sentiment de détresse psychologique a, selon les dernières données colligées par M. Milot Lapointe et son collègue Yann Le Corff, bondi jusqu’à 85 % depuis le début de la pandémie. De nouveaux éléments de stress se sont effectivement greffés à ceux que rapportent d’ordinaire les personnes qui viennent consulter, à savoir l’incertitude liée à un marché du travail instable et en évolution rapide, la pression de la réussite et les contraintes liées aux engagements familiaux. Comme le rapporte l’expert, « les gens ont encore plus de mal à se projeter dans l’avenir qu’avant. Certains d’entre eux vivent beaucoup de pression à leur travail, d’autres se questionnent sur la pertinence de leur emploi alors que l’accent a été mis au cours des derniers mois sur le caractère essentiel ou non essentiel des domaines d’activité. De nombreuses personnes se sentent moins utiles qu’avant la pandémie. »
Accompagner plutôt que prescrire
Pourquoi se tourner vers un conseiller d’orientation lorsqu’on traverse de telles situations ? Quand on évoque ce métier, le souvenir du tableau psychométrique rempli au secondaire, suivi ou non d’une rencontre peu éclairante avec un professionnel, nous vient en tête. Toutefois, comme le souligne M. Milot Lapointe, cette profession a beaucoup évolué depuis les années 1980. Si l’on ne compte malheureusement encore qu’un conseiller pour des milliers d’élèves dans certains établissements, plus de 50 % des interventions s’effectuent aujourd’hui hors du milieu scolaire et s’adressent à un public adulte. « À la clinique universitaire dans laquelle j’évolue, confirme le chercheur, notre clientèle est essentiellement constituée de travailleurs en questionnement de carrière. Nous accueillons en ce moment beaucoup de personnes de 20 à 30 ans évoluant dans la restauration, ainsi que d’autres dans la quarantaine issues du domaine de la santé et de l’éducation. »
L’image des conseillers un peu mécaniques a donc cédé sa place, sur le terrain, à celle de professionnels qui conjuguent à leurs connaissances du marché du travail des habiletés psychosociales nécessaires à l’accompagnement de leurs clients. « Notre paradigme, depuis un bon moment, est celui d’une société au sein de laquelle la reconversion est possible tout au long de la vie, explique M. Milot Lapointe. Notre rôle est conséquemment plus réflexif que prescriptif. Il est essentiel d’amener les gens à se questionner fondamentalement sur leurs intérêts et leurs valeurs avant de les guider vers des emplois ou des formations. Il faut aussi les outiller adéquatement pour qu’ils puissent mieux faire face à l’imprévisibilité. »
L’après
La pandémie a accentué la détresse psychologique d’un certain nombre d’individus, mais elle a aussi précipité leur reconversion professionnelle avec ce que l’expert considère comme un effet libérateur. Elle a également, selon lui, semé les germes d’une vision différente du travail et de la carrière auprès de toutes les générations. « Même si ce mouvement a déjà été amorcé avec la génération Y et l’essor du télétravail, dit-il, je crois que les notions de bien-être et de flexibilité seront de plus en plus importantes pour les travailleurs. Les employeurs devront donc en tenir compte dans le futur. »
Une version précédente de ce texte, qui indiquait erronément que Francis Milot Lapointe était professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a été modifiée.
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