Le retour de l'urgence climatique
Après une année 2020 aux parfums de calamité, quels espoirs peut-on fonder sur les 12 mois à venir ? Les nouvelles réalités pandémiques ne manqueront pas d'influencer les débats de société ainsi que les questions scientifiques, notamment sur les opérations de vaccination. 2021 marquera aussi une occasion de se distancier de l'actuelle crise sanitaire pour s'attaquer de plus belle à une autre urgence, climatique, celle-là, dont les effets ont continué de se faire sentir en arrière-plan.
Science | Quel taux de vaccination permettra de vaincre la COVID-19?
L’un des plus grands suspenses de 2021 sera scientifique. Quel taux de vaccination, au sein d’une population, suffira-t-il pour mettre un terme à l’épidémie de COVID-19 ?
La théorie de base est déjà connue. Avec un vaccin efficace à 95 % pour empêcher la transmission et un taux de reproduction de base (R0) de 3, il est nécessaire de vacciner 70 % de la population pour générer la fameuse immunité de groupe. (R0 correspond au nombre moyen de personnes infectées par chaque malade dans une population entièrement susceptible et sans confinement.)
Pour l’instant, on sait que les vaccins de Moderna et de Pfizer/BioNTech empêchent très efficacement le développement des symptômes. Toutefois, on ignore toujours s’ils bloquent aussi la dissémination asymptomatique du coronavirus. Les études cliniques de phase III n’ont pas répondu à cette question ; le suivi post-vaccination devrait y arriver au cours de 2021.
Quant au paramètre R0, il est utile en première approximation, mais une analyse plus fine sera nécessaire pour prévoir le moment exact où l’épidémie prendra fin, explique le modélisateur des maladies infectieuses Marc Brisson. « La couverture vaccinale chez ceux qui transmettent le plus, comme les travailleurs de la santé et les enfants, comptera pour beaucoup », dit ce professeur à l’Université Laval qui collabore avec l’INSPQ.
L’année 2021 nous apprendra aussi quelle est la durée de l’immunité procurée par les vaccins. À long terme, cette variable jouera sur le pourcentage de vaccination pouvant stopper l’épidémie. Plus l’immunité dure longtemps, moins le pourcentage de vaccination nécessaire est élevé. Heureusement, quatre mois après l’administration du vaccin de Moderna à certains participants, le bouclier immunitaire était assez fort pour espérer une protection qui dure plus d’un an.
Comme s’il n’y avait pas déjà suffisamment d’embûches jonchant le chemin vers la fin de la crise sanitaire, la nouvelle souche britannique de coronavirus, qui serait environ 50 % plus transmissible que la variété dite « sauvage », pourrait aussi rehausser la couverture vaccinale nécessaire. En effet, la proportion de personnes vaccinées doit être plus grande pour atteindre l’immunité de groupe si le virus se transmet plus facilement.
Quoi qu’il en soit, le suspense trouvera sa résolution définitive… quand l’épidémie prendra fin. L’Agence de la santé publique du Canada prévoit d’obtenir assez de doses de vaccin contre la COVID-19 pour vacciner tous les Canadiens qui le souhaiteront d’ici la fin du mois de septembre 2021.
Alexis Riopel

Environnement | Ottawa passera-t-il de la parole aux actes sur le flanc climatique?
Malgré la crise sans précédent à laquelle a été confronté le gouvernement canadien au cours des derniers mois, Ottawa est finalement parvenu à présenter, en novembre, un projet de loi climatique censé permettre au pays d’atteindre la « carboneutralité » d’ici 2050.
La tâche qui s’annonce en matière de lutte contre la crise climatique ne manquera toutefois pas d’être colossale. Le plus récent bilan fédéral disponible des émissions de gaz à effet de serre (GES) fait en effet état d’une hausse des émissions entre 2016 et 2018. Une bonne partie de ce bilan peu reluisant s’explique par les GES du secteur des transports, qui comptent pour le quart du bilan du pays. Mais le poids de l’industrie des énergies fossiles, qui dépasse celui des transports, est plus important que jamais. Concrètement, l’industrie pétrolière et gazière émet aujourd’hui près de deux fois plus de GES qu’il y a de cela 30 ans. Il faut dire qu’au cours de cette période, la production a bondi de 170 % au pays, selon ce que précisent les documents du fédéral.
Pour espérer corriger radicalement la trajectoire des émissions canadiennes, le gouvernement Trudeau promet d’augmenter significativement la taxe carbone au cours de la prochaine décennie, malgré l’opposition de plusieurs provinces. On souhaite aussi miser sur l’électrification des transports, sur la plantation de deux milliards d’arbres et sur une révision quinquennale de la stratégie climatique, afin d’éviter de répéter les échecs du passé.
À la lecture de la « loi-cadre » proposée par les libéraux, certains experts ont toutefois souligné que celle-ci manque d’éléments concrets pour juger de sa valeur. « Les gouvernements ne font qu’annoncer des objectifs climatiques depuis plus de 20 ans, sans prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs. Cette loi-cadre est dans la parfaite continuité d’annonces bien intentionnées qui ne sont pas accompagnées de mesures concrètes et efficaces », a résumé le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau.
Le gouvernement Trudeau s’est voulu rassurant en promettant, dans les mois suivant l’adoption du projet de loi, une révision de la cible climatique pour 2030. Cette cible, héritée des conservateurs de Stephen Harper, n’a toujours pas été modifiée, cinq ans après la prise du pouvoir par les libéraux.
Les groupes environnementaux ont quant à eux tenu à rappeler au fédéral que la réduction des émissions de GES passe inévitablement par un recul sans précédent du secteur des énergies fossiles, un poids lourd de l’économie canadienne.
Or, dans ce domaine, le gouvernement Trudeau a plutôt multiplié les appuis au cours de la dernière année. Il a aboli le processus d’évaluation environnementale jusqu’ici en vigueur pour les forages en mer, au large de Terre-Neuve. Il a salué le début de la construction de tronçons du pipeline Keystone XL au Canada, mais aussi la poursuite des travaux d’expansion de Trans Mountain et l’autorisation de remplacer le pipeline Ligne 3, d’Enbridge. À eux trois, ces oléoducs pourront transporter 2,48 millions de barils de pétrole des sables bitumineux chaque jour.
Alexandre Shields

Environnement| Le gouvernement Legault approuvera-t-il GNL Québec?
Le débat sur le projet d’exportation de gaz naturel de GNL Québec devrait reprendre rapidement au début de 2021, puisque le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sera remis au ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avant la mi-janvier. Ce dernier devrait donc le rendre public avant la fin du mois.
Il est cependant difficile, pour le moment, d’anticiper quelles pourraient être les conclusions des deux commissaires qui ont dirigé l’examen du plus important projet industriel privé de l’histoire du Québec. Le président de ce BAPE, Denis Bergeron, a notamment refusé de préciser s’il tiendra compte de toutes les émissions de gaz à effet de serre liées au projet.
Pour les opposants, cet enjeu est pourtant crucial, puisque l’exploitation et le transport du gaz naturel albertain qui alimenterait l’usine de liquéfaction au Saguenay devraient générer plus de huit millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. Les promoteurs répliquent que le gaz, une fois exporté, devrait générer des réductions annuelles mondiales d’émissions de l’ordre de 28 millions de tonnes. Une affirmation impossible à confirmer, puisqu’on ne connaît ni les clients potentiels ni les marchés d’exportation.
Dans ce contexte, les opposants auront-ils raison de ce projet qui, en incluant un gazoduc de 480 kilomètres, exigerait des investissements de 14 milliards de dollars ? Selon la principale association internationale de promotion du gaz naturel liquéfié, le mouvement « antiénergie fossile » sera suffisamment fort pour bloquer GNL Québec.
Cette contestation, qui s’est largement exprimée lors des audiences du BAPE et qui est aussi portée par Québec solidaire et le Parti québécois, ne semble toutefois pas trouver écho auprès du gouvernement Legault. Depuis 2019, plusieurs ministres se sont même portés à la défense de cette usine conçue pour faciliter la mise en marché de gaz exploité principalement par fracturation. En février dernier, François Legault a même affirmé que le projet pourrait « aider la planète » à lutter contre la crise climatique provoquée par notre dépendance aux énergies fossiles.
Le gouvernement a par ailleurs refusé d’imposer un moratoire sur la hausse du trafic maritime sur le Saguenay, le temps que les scientifiques analysent les répercussions sur le béluga, une espèce en voie de disparition et vulnérable à la pollution sonore générée par des navires comme les méthaniers. Le projet gazier nécessiterait le passage quotidien de tels navires au cœur du seul parc marin du Québec.
Même si le gouvernement Legault donnait son feu vert au projet, GNL Québec n’aura pas nécessairement la voie libre, puisque le financement fait toujours défaut. Les choses se sont gâtées au début de 2020, avec le retrait du principal investisseur attendu pour le projet, le fonds Berkshire Hathaway, propriété du milliardaire américain Warren Buffett. Depuis, l’entreprise a dû procéder à deux reprises à des licenciements et les présidents des deux entités impliquées dans le projet (GNL Québec et Gazoduq) ont quitté leur poste. Le discours officiel demeure néanmoins le même : la décision sur la construction sera prise en 2022.
Alexandre Shields