2020 dans l’oeil d’Adil Boukind
Les photographes posent un regard très personnel sur l’actualité. Nous leur avons demandé de choisir les meilleures photos de cette année plutôt… inusitée. De rencontres intimistes en événements électrisants, voici leur sélection. Aujourd’hui : Adil Boukind.

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17 février | Depuis près d’une heure, Adil Boukind s’entasse avec d’autres photographes dans un tout petit espace qui leur est réservé au palais de justice de Montréal. Il a dû jouer des coudes pour se faire une place : il est arrivé parmi les derniers, prévenu de son affectation à la dernière minute. Parti en vitesse de chez lui, il en a oublié son précieux flash. Éric Salvail sort enfin de l’ascenseur, en direction de la sortie. Adil n’a que quelques secondes pour le photographier. Il s’empare de son appareil au moment où l’animateur déchu traverse rapidement la pièce sous la rafale de clics. Le flash de lumière de l’appareil d’un collègue lui aura été salutaire. « C’est la seule bonne que j’ai eue », lance le photographe, un sourire dans la voix. Adil Boukind Le Devoir

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1er juin | Les Loria, qui ont demandé l’asile au Canada il y a plus d’un an, traversent des moments difficiles : la maman, Cristal, est décédée subitement le 14 mai dernier, une semaine avant de célébrer ses 25 ans. Adil Boukind les retrouve dans le stationnement d’un supermarché d’Anjou, où l’organisme Carrefour Solidarité Anjou distribue des paniers alimentaires. L’ambiance est lourde, se souvient le photographe, qui confie avoir été surtout frappé par l’amour que porte le père Enrique à son fils de quatre ans, Axel. Un amour entier, inconditionnel. « C’est la personne la plus importante à ses yeux », résume-t-il, soucieux d’en capturer l’essence à travers sa lentille. Ce qu’il réussira à faire, laissant Enrique et Axel se retrouver après la séance photo plus « officielle ». « C’est clairement l’une des photos les plus chargées émotionnellement que j’ai prises cette année. » Adil Boukind Le Devoir

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8 octobre | Yvon Deschamps a fait un bref retour sur scène en novembre dernier, au Théâtre de la Ville à Longueuil, à l’occasion d’une soirée animée par Monique Giroux. Pour marquer le coup de ce spectacle-entretien, Adil Boukind rejoint le célèbre humoriste à un jet de pierre d’où il vit, à Montréal. Le photographe ne le cache pas : il ressentait alors une certaine pression à rencontrer le père de l’humour québécois. Généreux de sa personne, celui-ci le met immédiatement à l’aise. Suivant les conseils de la conjointe d’Yvon Deschamps, Judi Richards, ils se déplacent vers un coin de verdure baigné par la lumière du soleil. « Il m’a donné cette expression qui le représente parfaitement. J’ai tout de suite su que c’était la bonne. » Adil Boukind Le Devoir

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10 juillet | Lili Boisvert en a surpris plus d’un cette année en publiant son tout premier roman de fantasy. Loin de l’essai journalistique et sociologique, Anan : le prince nous transporte dans un univers créé de toutes pièces par l’autrice (Le principe du cumshot, VLB éditeur). « Je voulais donner l’impression qu’on est un peu dans sa tête, de voir comment elle pense », explique Adil Boukind, qui a rencontré Mme Boisvert au Jardin botanique de Montréal en juillet. Il prend quelques photos, puis lui propose un concept atypique à la fin de la séance. « Elle a été super joueuse, elle a bien voulu s’allonger sur le gazon malgré sa robe blanche. Ç’a été une expérience super agréable dans le processus artistique », se remémore le photographe. Adil Boukind Le Devoir

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29 octobre | Pour photographier l’étoile montante du hip-hop Zach Zoya, « les astres étaient alignés », résume Adil Boukind, se remémorant sa rencontre cet automne avec le jeune rappeur montréalais originaire de Rouyn-Noranda. En l’espace de quelques minutes, il tire le portrait du chanteur dans le décor urbain d’une ruelle de la métropole, enfumée par la cheminée d’une buanderie attenante. La lumière est parfaite. Contrairement à d’autres photos où il doit parfois « créer la scène » en variant les décors, celle-ci lui a été livrée sur un plateau d’argent. Le photographe a également tenté une photo en contre-plongée, ce qu’il fait très rarement. Quoi de mieux pour donner de la hauteur à un artiste sur le point de prendre son envol. Adil Boukind Le Devoir