Le missionnaire nigérian qui fait une différence dans les communautés innues de la Côte-Nord

Ali Nnaemeka appartient à la congrégation des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée, qui travaille auprès des communautés autochtones au Québec depuis 1844.
Photo: Courtoisie de Ali Nnaemeka Ali Nnaemeka appartient à la congrégation des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée, qui travaille auprès des communautés autochtones au Québec depuis 1844.

Les sept cents kilomètres qui séparent Schefferville de Mingan, sur la Côte-Nord, n’empêchent pas Ali Nnaemeka de réaliser sa mission auprès des communautés innues de Matimekush-Lac John et d’Ekuanitshit. Depuis son arrivée du Nigeria, il y a six ans, le missionnaire oblat de Marie-Immaculée se partage entre les deux communautés chrétiennes non seulement pour accomplir ses responsabilités eucharistiques, mais également pour soutenir leurs membres.

« Je suis un nomade, cela ne me dérange pas de me partager entre les deux communautés », dit jovialement au Devoir le père Ali, qui profitait des longs trajets qu’il devait faire en train entre les deux régions toutes les deux semaines pour parler avec les gens autour de lui, jusqu’à l’arrivée de la COVID-19. Actuellement, il fait plutôt le trajet en avion, afin de protéger les communautés qu’il dessert.

Immersion dans la culture innue

 

Ali Nnaemeka appartient à la congrégation des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée, qui travaille auprès des communautés autochtones au Québec depuis 1844. « On m’a proposé de venir travailler dans des communautés autochtones au Québec, et j’ai accepté ! », lance-t-il.

Dix mois après son ordination au Nigeria, il se rend donc sur la Côte-Nord, le 23 décembre 2014, juste à temps pour les célébrations de Noël. « Ma première participation dans la communauté a été le soir du 24 décembre », précise le missionnaire issu du peuple igbo, du sud-est du Nigeria, diplômé en philosophie et en théologie au Cameroun et en Italie.

Ces dernières semaines, notre communauté a été éprouvée par plusieurs décès. Ce n’est pas facile. Ali arrive toujours comme un baume, on a besoin de sa présence dans notre communauté.

« Ce fut complexe au départ, car il fallait que j’apprenne l’histoire du Canada et du Québec pour mieux comprendre la réalité autochtone », explique-t-il. Exempt de responsabilités pastorales durant sa première année, il fait son initiation à la culture et à la langue innues et en profite pour rendre visite aux aînés de la communauté. En les écoutant parler de leurs traditions, il s’initie également à leur spiritualité.

« J’ai encore des difficultés en matière de conversation et de compréhension de la langue innue aujourd’hui, mais je peux lire des textes, célébrer l’eucharistie et les prières, et faire des chants sans difficulté », souligne-t-il fièrement.

Un baume pour la communauté

 

« Sans lui avoir parlé, j’ai su que le courant passerait avec Ali et, aujourd’hui, nous sommes devenus frères », nous confie Jean-Charles Piétacho, chef de la communauté d’Ekuanitshit, à Mingan, depuis 1991, qui a ressenti un profond respect de la part du prêtre missionnaire pour sa communauté, son passé et ses traditions.

« J’ai été très touché lorsqu’un jour, il m’a dit qu’il ne faisait que passer par ici pour nous rappeler ce que nous possédions déjà », admet M. Piétacho, chargé de la traduction des homélies lors des célébrations eucharistiques. « Il apprend tranquillement notre langue, mais cela ne l’empêche pas d’être présent et de s’impliquer auprès de nos jeunes et de nos aînés, et dans l’organisation communautaire », dit-il.

« Ces dernières semaines, notre communauté a été éprouvée par plusieurs décès. Ce n’est pas facile. Ali arrive toujours comme un baume, on a besoin de sa présence dans notre communauté. »

Entre les milieux scolaire et sportif

 

La mission d’Ali Nnaemeka s’étend au-delà des responsabilités eucharistiques. Il s’implique davantage en milieu scolaire et sportif à Schefferville afin d’aider et d’encourager les jeunes à exploiter leur potentiel et à trouver leur passion. « J’ai participé à trois Jeux autochtones en tant qu’accompagnateur et entraîneur de basketball et de soccer. Je m’implique aussi comme photographe, vidéaste ou bénévole dans des événements à l’école, des pow-wow ou d’autres activités d’été », raconte le père Ali, heureux de partager sa passion pour la photo ou la vidéo avec les jeunes de la communauté qui souhaitent s’y initier. « Les jeunes me voient plus comme un grand frère qu’un prêtre », ajoute-t-il.

« La présence d’Ali chez nous contribue à la revalorisation de l’école, et son implication donne de beaux résultats », affirme Donat Jean-Pierre, directeur de l’école Kanatamat Tshitipenitamunu, qui compte aujourd’hui 107 élèves du préscolaire au secondaire. « Sa capacité d’éveiller la confiance, la curiosité et le potentiel des jeunes amène une belle dynamique. Il aide nos jeunes à mieux se préparer et à croire un peu plus à leurs possibilités. »

« Je ne leur vends pas des espoirs »

Ali dit s’identifier davantage à ce que les jeunes des communautés autochtones vivent, venant lui-même d’un pays colonisé. « Ils sont dans un milieu enclavé et n’ont pas les mêmes ressources des jeunes qui sont à Montréal. Leur réalité n’est pas celle qu’ils voient à la télé. Venant d’une réalité encore plus précaire, je ne leur vends pas des espoirs, je leur dis simplement que c’est possible de s’en sortir », indique-t-il.

Depuis quelques semaines, père Ali anime le cours d’éthique et culture religieuse à l’école de Schefferville. « Il fait participer les élèves à des sujets d’actualité autour de la communauté et dans le contexte de tout ce qui se passe actuellement à travers le monde », note M. Jean-Pierre. À partir d’éléments puisés de films et de légendes autochtones, Ali Nnaemeka vise à contribuer davantage au développement personnel des jeunes et à leur résilience dans le contexte scolaire.

« Ma mission dans les deux communautés est importante. Je resterai dans le territoire tant et aussi longtemps qu’on aura besoin de ma présence », affirme-t-il.

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