Plaidoyer pour la qualité de la langue française

Martine Letarte Collaboration spéciale
Monique Cormier a passé énormément de temps seule à faire de la recherche pointue sur les dictionnaires, mais elle a aussi toujours voulu partager ses connaissances avec l’ensemble de la société.
Photo: Rémy Boily Monique Cormier a passé énormément de temps seule à faire de la recherche pointue sur les dictionnaires, mais elle a aussi toujours voulu partager ses connaissances avec l’ensemble de la société.

Ce texte fait partie du cahier spécial Les prix de l'Acfas

Monique Cormier, professeure titulaire au Département de linguistique et de traduction à l’Université de Montréal (UdeM), a obtenu le prix Acfas André-Laurendeau, décerné chaque année à une chercheuse ou à un chercheur pour souligner l’excellence et le rayonnement de ses travaux et de ses actions dans le domaine des sciences humaines. Fervente promotrice de la langue française, la linguiste partage avec nous son sentiment quant à l’utilisation et à l’avenir du français dans la société québécoise.

C'est dans un encan à la fin des années 1990 que Monique Cormier, déçue d’avoir dû laisser tomber l’idée d’acheter une édition ancienne du dictionnaire de l’Académie française faute de moyens, s’est rabattue sur l’ouvrage d’Abel Boyer The Royal Dictionary. In Two Parts. First, French and English. Secondly, English and French. « Je ne le connaissais absolument pas et c’est un ancien professeur à Paris qui m’a dit qu’il était un lexicographe extrêmement important, mais que personne ne l’avait vraiment étudié, raconte-t-elle. Défricher un terrain vierge m’a tout de suite intéressée et je me suis lancée dans cette aventure avec un bonheur extraordinaire. »

Auparavant, Monique Cormier avait beaucoup travaillé sur le dictionnaire de l’Académie française. « Le professeur Bernard Quemada, l’un des pionniers de la lexicographie française au XXe siècle, m’avait enseigné lors d’un séminaire à l’École pratique des hautes études, à Paris, et c’est lui qui m’a fait comprendre que les dictionnaires pouvaient être un vrai sujet d’étude, raconte Monique Cormier. C’est aussi lui qui m’a ouvert la porte des archives de l’Académie française, à Paris. »

Créer des liens entre l’université et la société

Monique Cormier, également vice-rectrice associée à la langue française à l’UdeM, a passé énormément de temps seule dans des bibliothèques à faire de la recherche pointue sur les dictionnaires, mais elle a aussi toujours voulu partager ses connaissances avec l’ensemble de la société. Elle a par exemple été présidente de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec. « Je trouvais important de faire le lien entre l’université, qu’on disait souvent fermée, et le milieu de la pratique », affirme celle qui a été nommée chevalière de l’Ordre national du Québec en 2011.

Monique Cormier a également participé à la Commission des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française pour recommander que toutes les universités québécoises se dotent d’une politique linguistique. Cette proposition a été retenue dans le rapport et a donné lieu à une modification à la Charte de la langue française en 2002. « Aujourd’hui, toutes les universités du Québec ont une politique qui encadre l’utilisation du français et des autres langues au sein de leur établissement », explique celle qui a d’ailleurs reçu le prix Georges-Émile-Lapalme en 2009, la plus haute distinction au Québec, pour avoir contribué à la promotion et à la qualité de la langue française.

Des questions toujours d’actualité

Alors que la place du français dans les cégeps fait les manchettes actuellement, Monique Cormier suit le débat avec intérêt. « La pression pour enseigner en anglais et pour organiser des activités en anglais est extrêmement importante dans tous les établissements d’enseignement supérieur, dit-elle. Comment peut-on espérer que les jeunes formés au cégep en anglais seront capables d’utiliser une terminologie française dans leur domaine ? C’est impensable. De plus, on voit très bien que les jeunes qui étudient au cégep en anglais poursuivent assez normalement leurs études à l’université en anglais. Cela signifie que ce sera problématique pour l’avenir du français en milieu de travail. »

À l’heure du numérique, la chercheuse est encore attachée au dictionnaire papier. « On va voir un mot, puis on en trouve un autre, on découvre : il permet un vagabondage que le numérique ne permet pas, à mon point de vue », affirme-t-elle.

L’amour des dictionnaires papier de Monique Cormier ne l’empêche pas en revanche d’avoir sur son téléphone Le Petit Robert de la langue française et le Dictionnaire historique de la langue française du Petit Robert. « Lorsque je cherche quelque chose, par exemple si je suis dans le métro, je peux tout de suite le vérifier, explique-t-elle. L’instantanéité du numérique est extraordinaire. Je déplore toutefois qu’à l’heure actuelle, les grandes maisons d’édition n’aient pas suivi pleinement le grand virage. Je me serais attendue à ce que le numérique offre encore plus de possibilités. Il faudrait que la recherche s’intéresse plus à l’aspect numérique pour que des développements plus importants se fassent. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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