Montréal sonne le glas du campement de la rue Notre-Dame

Ce sera bientôt la fin pour le campement de la rue Notre-Dame, où des citoyens sans logement se sont installés au cours des derniers mois, faute de mieux. La Ville de Montréal a ordonné dimanche une « évacuation d’urgence », au lendemain de l’incendie d’une des tentes. Les campeurs seront dirigés vers les services d’urgence, alors que les intervenants du milieu répètent que la solution passe par une plus grande disponibilité de logements abordables.
« L’incendie survenu samedi est non seulement très préoccupant, il aurait pu être tragique et entraîner des décès. Comme administration municipale, nous avons la responsabilité d’assurer la sécurité de nos concitoyennes et concitoyens. Nous allons donc faire le nécessaire pour loger les campeuses et campeurs dans un endroit sécuritaire dès maintenant », a fait valoir dimanche la mairesse de Montréal, Valérie Plante, par voie de communiqué.
La Ville a précisé que des intervenants pourront diriger les gens « vers des ressources d’hébergement d’urgence et un service de déménagement est disponible afin de les aider à emballer leurs effets personnels ». Un service de transport est également mis à la disposition des personnes du campement pour les accompagner vers une, ainsi qu’au refuge opéré par Mission Bon Accueil à l’hôtel Place Dupuis.
« Opération d’urgence »
La Ville n’a pas précisé quand doit être complétée l’évacuation des quelques dizaines de personnes qui se trouvent toujours sur le terrain appartenant au ministère des Transports, le long de la très achalandée rue Notre-Dame. Une porte-parole, Catherine Cadotte, a simplement évoqué « une opération d’urgence qui est en cours », sans donner davantage de détails sur un potentiel échéancier.
Chose certaine, des employés du Service de sécurité incendie de Montréal ont commencé dès dimanche midi à distribuer des avis d’évacuation aux citoyens, de tente en tente. « Si vous voulez m’expulser, je vais aller où ? Me jeter dans le fleuve ? », a répliqué l’un d’eux aux employés venus le rencontrer. « Il n’est pas question que je parte d’ici. Je ne partirai pas d’ici si je ne peux pas avoir de vrai logement. Mais il est où mon vrai logement ? J’aimerais le savoir, parce qu’ils nous demandent de partir », a-t-il ajouté, en promettant d’aller faire « la grève de la faim » devant la maison de la mairesse.
À ses côtés, Robert Brunet, de l’Association pour la défense des droits sociaux du Montréal métropolitain, a réclamé un soutien pour les gens qui seront forcés de quitter les lieux sous peu. « Les gens devraient pouvoir recevoir de l’aide des pouvoirs publics, comme du chauffage et des services sanitaires, pour demeurer sur place. Mais comme ça ne semble pas possible, on demande à la Ville de traiter les gens avec dignité, et notamment leurs biens personnels. »
Besoin de logements
Pour Michel Monette et Catheryn Roy-Goyette, de l’organisme d’aide Care-Montréal, la solution pour sortir les résidents du campement de la rue passe d’abord par un meilleur accès au logement. « Des campements, il y en a depuis des années à Montréal, et ce n’est pas le dernier. C’est le genre de situation qui va continuer de se produire tant que les solutions ne seront pas adaptées aux humains. Et la meilleure solution, c’est le logement. Ce n’est pas d’évincer les gens », insiste M. Monette, directeur général de l’organisme qui vient en aide aux gens dans le besoin dans Hochelaga-Maisonneuve.
« Tant qu’on ne s’attaquera pas à la crise du logement, le problème va se reproduire. Tant et aussi longtemps qu’on ne construira pas massivement des logements sociaux, qu’on va laisser notre parc immobilier se dégrader et qu’on aura des maisons de chambres bourrées de coquerelles et de moisissures, des gens n’auront pas accès à un logement adéquat », a fait valoir Mme Roy-Goyette.
Selon elle, le problème vient en partie de la lourdeur de la bureaucratie gouvernementale pour permettre aux gens d’accéder à un logement. « Le grand absent, c’est le gouvernement du Québec. C’est lui qui a la responsabilité pour la gestion des programmes pour aider les gens à trouver des logements. Mais en raison de la rigidité des critères du gouvernement, nous sommes incapables de reloger les gens », a insisté celle qui suit depuis plusieurs mois le dossier du campement Notre-Dame, tout en venant en aide aux gens qui s’y sont installés.
L’un d’eux, qui ne souhaitait pas être identifié, a déploré l’expulsion à venir en insistant sur le fait qu’il n’aura pas davantage accès à un logement, alors que l’hiver s’installe. « On nous traite comme des enfants, et maintenant, on va nous laisser mourir comme des animaux », a-t-il résumé. Une crainte partagée par certains, dimanche, alors que des campeurs s’affairaient à rassembler leurs maigres effets personnels en prévision de leur départ forcé.