Quels changements dans le monde post-COVID?

Ce texte fait partie du cahier spécial L'état du Québec 2021
Le grand « après-COVID » attendu par tant de personnes au début de la pandémie semble avoir perdu de son attractivité. On entend moins parler des changements majeurs promis pour ce lendemain de jour J que serait le déconfinement. Pour autant, avons-nous moins soif de changements importants ?
Le sociologue Gérard Bouchard avait vu venir ce changement d’humeur. Il reconnaît que la crise actuelle déstabilise « l’ordre des choses » et « fait miroiter la possibilité d’un retour à la case départ, d’un authentique recommencement ». Il se garde toutefois bien « d’illusions délétères » selon lesquelles la pandémie changerait profondément les comportements, voire la nature humaine. La croyance en une possibilité de grand recommencement « risque de s’émousser avec la fin de la pandémie », dit-il.
Si la période de restrictions liées à la pandémie de COVID-19 que nous vivons n’est pas la catharsis annoncée ou souhaitée par tant, elle a tout de même des répercussions sur nos vies et sur la société.
C’est désormais un lieu commun que de parler de l’omniprésence du numérique en temps de confinement. Il est d’ailleurs assez ironique, fait remarquer l’enseignant en sociologie au collégial Philippe de Grosbois, que cette intensification de l’utilisation du numérique se soit passée au moment même où « nous réfléchissions aux manières de retrouver de l’autonomie dans notre utilisation de technologies devenues envahissantes ».
La situation actuelle pourrait donc exacerber ce sentiment d’envahissement par les technologies et de rejet du numérique. Il faudra alors éviter la dichotomie entre l’authenticité des échanges en personne et la superficialité des interactions en ligne : « l’espace physique et l’espace numérique sont davantage en interrelation qu’en opposition », dit Philippe de Grosbois.
Souverainetés économique et alimentaire
Si cette frontière entre le « virtuel » et le « réel » est poreuse, les frontières physiques entre pays sont plus visibles que jamais avec la pandémie de COVID-19. C’est là l’un des enjeux politiques où les changements post-pandémie pourraient être majeurs. Pour les chercheuses Laurence Brassard, Gabrielle Gagnon, Mathilde Bourgeon et Élisabeth Vallet, « à l’instar de ce qui s’est passé après le 11 septembre 2001, la frontière sera [et est déjà] nécessairement redéfinie dans un monde post-COVID-19 ».
Cette fermeture à géométrie variable des frontières est aussi à craindre pour la professeure d’économie Michèle Rioux. Dans ce domaine, le pire scénario possible serait « la fermeture des frontières et l’émergence de systèmes de surveillance et de contrôle inclusifs sur le plan des libertés individuelles ». C’est que certains risques sont associés aux fermetures économique et physique des frontières. L’obstruction des échanges commerciaux et le verrouillage de l’immigration créeraient des risques « de voir s’installer une tendance à la désintégration de l’ordre économique mondial débouchant sur une trajectoire de démondialisation », ajoute-t-elle.
Ainsi, tout en excluant l’autosuffisance économique complète du Québec et une démondialisation effrénée, Michèle Rioux souhaite une réflexion sur certains leviers vers la souveraineté économique, comme l’alimentation. C’est aussi ce que propose la professeure en droit de l’Université Laval Geneviève Parent. Selon elle, il faut bien canaliser l’engouement pour l’autonomie alimentaire « pour assurer des retombées structurantes pour le Québec, efficaces et durables. L’autonomie ne signifie pas l’autarcie », ajoute-t-elle.
Même si la profondeur des changements peut varier, ces autrices et auteurs qui se retrouvent dans L’état du Québec 2021 nous font entrevoir ce qui pourrait se passer à la fin de cette pandémie.
Des inégalités exacerbées
Ce qui est certain pour ces personnes, c’est que, peu importe les changements, l’enjeu majeur pour la société québécoise post-pandémie sera les inégalités, de tous types.
« Les inégalités sociales se sont accentuées, dit Gérard Bouchard, la COVID-19 ayant surtout frappé les groupes déjà défavorisés. » Cela a eu pour impact d’affaiblir le tissu social. La société civile aura donc à entretenir et à approfondir « la vitalité démocratique » plutôt que de tout miser sur le numérique, explique Philippe de Grosbois. De manière plus large, Michèle Rioux regarde les institutions et les gouvernements qui devraient intervenir efficacement pour « éviter les problèmes liés à la pandémie et pour créer des conditions plus favorables à la stabilité d’un système économique qui pourrait devenir plus inclusif et plus progressiste ».
Ces voix et plusieurs autres ont des propositions inspirantes, qui se retrouvent dans L’état du Québec 2021, pour faire face à ces inégalités.
Rien n’est coulé dans le béton. Ultimement, ce seront les citoyennes et citoyens qui pourront guider ce qui changera après la pandémie.
À lire à ce sujet dans «L’état du Québec 2021»
La relance du Québec sous l’angle de l’identité
« L’après-COVID-19 : un monde nouveau ? »
(Gérard Bouchard)
La relance du Québec sous l’angle de la numérisation
« Une première pandémie à l’ère numérique »
(Philippe de Grosbois)
La relance du Québec sous l’angle de la mondialisation
« Une occasion de repenser la mondialisation et le rôle des États »
(Michèle Rioux)
La relance du Québec sous l’angle de la relation aux frontières
« La pandémie et l’asymétrie de la frontière »
(Laurence Brassard, Gabrielle Gagnon, Mathilde Bourgeon, Élisabeth Vallet)
La relance du Québec sous l’angle de l’alimentation
« Vers une plus grande autonomie alimentaire »
(Geneviève Parent)
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