Les Québécois sont solidaires malgré la pandémie

Rose Carine Henriquez Collaboration spéciale
«Il y a un besoin important dans tout ce qui est de l’ordre de la distribution alimentaire, autant au niveau du financement qu’au niveau des ressources», explique Yannick Eliott, vice-président du développement philanthropique chez Centraide du Grand Montréal.
Photo: iStock «Il y a un besoin important dans tout ce qui est de l’ordre de la distribution alimentaire, autant au niveau du financement qu’au niveau des ressources», explique Yannick Eliott, vice-président du développement philanthropique chez Centraide du Grand Montréal.

Ce texte fait partie du cahier spécial Philanthropie

En mars dernier, le gouvernement du Québec lançait un appel à tous les Québécois, les incitant à aller faire du bénévolat. Le besoin était alors aussi criant du côté des organismes communautaires, qui sont en première ligne de cette crise.

Du jour au lendemain, le milieu communautaire s’est retrouvé en manque de bras. D’un côté, les personnes retraitées d’habitude très impliquées bénévolement n’étaient plus disponibles, parce que trop vulnérables au coronavirus. De l’autre, les bénévoles provenant des milieux professionnels qui composent par exemple une grande partie des ressources humaines de Centraide du Grand Montréal devaient composer avec le télétravail, la distanciation physique et les normes sanitaires.

« Ça a mis une pression supplémentaire sur les employés, explique Yannick Eliott, vice-président du développement philanthropique chez Centraide du Grand Montréal. Ils devaient prendre le relais et trouver des solutions qui ne sont pas toujours évidentes dans un contexte comme celui-ci. »

À l’échelle canadienne, de nombreuses organisations font face à des enjeux similaires. Selon une enquête d’Imagine Canada qui s’attarde sur les impacts de la pandémie sur les organismes caritatifs, presque la moitié des répondants affirment avoir de la difficulté à recruter des bénévoles. De plus, environ un tiers d’entre eux révèlent que les bénévoles sont moins disponibles. Une des raisons soulevées par le rapport est justement l’incompatibilité des conditions de travail ou de bénévolat avec les mesures de distanciation physique.

Même si on constate que les Québécois ont été généreux, les organismes s’attendent à une baisse de revenus par rapport aux années précédentes, qui serait de l’ordre de 37 % depuis le début de la pandémie, toujours selon les données d’Imagine Canada. « Actuellement, on répond vraiment à l’urgence, mais ce qui nous inquiète, ce sont les douze prochains mois, insiste Yannick Eliott. Le milieu communautaire est mis sous tension importante, les pertes anticipées pour certains organismes sont vraiment importantes. » L’inquiétude se situe à long terme sur la capacité de rebondir du milieu communautaire.

Le nerf de la guerre

 

Le baromètre de l’Observatoire québécois des inégalités indiquait dans son édition du mois d’août que le nombre de demandes en aide alimentaire faites par la ligne téléphonique 211 était 70 % plus élevé en juillet qu’en février dernier. « Il y a un besoin important dans tout ce qui est de l’ordre de la distribution alimentaire, autant au niveau du financement qu’au niveau des ressources », confirme Yannick Eliott.

Éric Allen, bénévole très engagé dans le milieu communautaire depuis une vingtaine d’années, explique que l’Agence de développement durable de Montréal Centre-Nord, OBNL, dont il préside le conseil d’administration a dû réorienter sa mission et a ainsi distribué des bons d’achat dans les quartiers Saint-Michel, Saint-Léonard et Montréal-Nord.

Le milieu communautaire est mis sous tension importante, les pertes anticipées pour certains organismes sont vraiment importantes

 

M. Allen s’implique également au sein de la Table de concertation de Saint-Michel, ce qui l’a amené à participer aux activités de l’organisme Mon resto Saint-Michel. « Il y avait une distribution de nourriture qui se faisait plusieurs fois par semaine, j’y allais le mercredi, on remplissait mon véhicule de boîtes de denrées et on allait partager cela. »

Un appel intergénérationnel

 

Le lancement du portail jebenevole.ca, créé dans l’optique de jumeler les organismes en manque de ressources et les gens qui avaient la capacité de s’impliquer, a certainement eu un effet positif, selon Yannick Eliott. « J’ai l’impression que la plateforme a aidé, affirme-t-il. On a félicité l’initiative, car ça a permis d’aller rejoindre des groupes de la population qui sont peut-être moins au fait des besoins de bénévolat dans la communauté. »

Il s’agit d’une réalité qu’Éric Allen constate sur le terrain. « Tous les citoyens plus jeunes qui avaient déjà une main dans le tordeur, comme on dit, ont décidé de faire ce qu’il fallait pour que l’aide alimentaire soit au rendez-vous. Même les plus jeunes, accompagnés d’intervenants, sont allés faire de la livraison de nourriture. »

L’engagement n’est pas mort

Malgré les contraintes de recrutement, on est encore loin de dire que les Québécois ne s’impliquent plus. « On voit au contraire une recrudescence de l’intérêt de prendre du temps pour aider les gens », croit Yannick Eliott. La situation actuelle pousse en revanche les différents acteurs du milieu à diversifier leurs pratiques, que ce soit par le biais d’activités virtuelles comme la collecte de fonds automnale de Centraide Grand Montréal, qui se déroule actuellement en ligne. Toujours selon Imagine Canada, 54 % des organismes caritatifs qui ont participé à l’étude offrent maintenant en ligne les services autrefois offerts en personne.

Quant à Éric Allen, sa motivation ne faiblit pas et il avoue que cela va de soi pour lui d’entreprendre ce genre d’actions, car ça nourrit son besoin de voir les choses changer.

« On ne réalise pas, les premières fois qu’on fait du bénévolat, pourquoi on le fait, mais quand on voit les impacts, on comprend pourquoi on continue à le faire », confie-t-il.

Selon le bénévole, les citoyens doivent prendre plus de place et leur parole doit être entendue. « Il ne faut pas qu’ils soient juste des bras, mais ils doivent être parties prenantes des décisions. Le défi qu’on va avoir à traverser, c’est l’intégration des personnes qui ont le désir de donner du temps, mais qui souhaitent aller plus loin dans leur investissement. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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