La pandémie, ce puissant révélateur

Catherine Martellini Collaboration spéciale
La coopérative de solidarité Panier futé a été lancée en 2016 afin d’offrir des  produits alimentaires frais et abordables.
Photo: Vincent Marchessault La coopérative de solidarité Panier futé a été lancée en 2016 afin d’offrir des  produits alimentaires frais et abordables.

Ce texte fait partie du cahier spécial Innovation sociale

La crise de la COVID-19 aura souligné à gros traits le lien ténu qui existe entre la santé et les problèmes de précarité, d’exclusion sociale et de densité de population, notamment à Montréal-Nord. Des organismes ont rivalisé de moyens pour atténuer les effets sur les citoyens de ce quartier déjà fragilisé.

« Même si nous lancions plusieurs signaux d’alarme aux différentes instances parce qu’on savait que la COVID-19 allait frapper plus fort dans le quartier, nous constations que rien ne se faisait », explique Will Prosper, artiste et cofondateur de Hoodstock, un organisme qui lutte entre autres contre les inégalités systémiques.

Les services à la population se faisaient de plus en plus rares. Les bibliothèques étaient par exemple fermées et les services d’immigration et autres services municipaux étaient restreints, notamment parce que les travailleurs de la Ville craignaient de se rendre dans le quartier.

L’accès à la technologie se voyait par conséquent réduit également pourplusieurs familles qui n’ont pas la chance d’avoir un ordinateur à la maison. Rappelons que la population vivant en dessous du seuil de pauvreté à Montréal-Nord est l’une des plus importantes du Canada.

Hoodstock, qui ne gère normalement pas de problèmes liés à la santé,recevait alors de nombreuses demandes à ce sujet. « On a dû s’adapter rapidement et apprendre à traiter cette crise sanitaire », souligne-t-il.

Pour y arriver, l’organisme, en partenariat avec les associations Parole d’excluEs et Un itinéraire pour tous, a lancé la campagne de sociofinancement Protégeons Montréal-Nord, parrainée par Exeko. L’initiative visait à mobiliser les jeunes du quartierpour sensibiliser la population à prendre des mesures de façon à réduire le nombre de cas d’infection à la COVID-19.

« Avec l’argent amassé, on a réussi à réunir une centaine de bénévoles, qui ont distribué des dizaines de milliers de masques confectionnés par des couturières locales afin de soutenir par le fait même l’économie de Montréal-Nord », précise Will Prosper.

« Toute cette mobilisation a été possible grâce au travail qu’on avait entamé depuis un an et demi avec notre comité de jeunes leaders, à qui on apprenait les rouages démocratiques, les manières d’être actifs et de débattre dans la société, mentionne-t-il. Ils étaient prêts à mettre leurs connaissances en pratique quand la crise a frappé. »

En plus de la distribution de masques, Hoodstock a participé à diverses initiatives pour réduire l’impact de la pandémie sur la santé des citoyens, comme la distribution de 24 000 portions de plats cuisinés grâce à la Tablée des chefs, l’animation de rue avec des artistes pour briser l’isolement et des cours de DJ dans des parcs auprès des jeunes, qui se révélaient aussi l’occasion de les sensibiliser à la distanciation physique.

L’urgence comme moteur de changement

Avant même que la pandémie ne frappe, Montréal-Nord était déjà aux prises avec des déserts alimentaires : les citoyens avaient du mal à bien se nourrir, en raison notamment des épiceries qui sont trop éloignées ou les prix trop élevés pour leurs faibles revenus.

Afin d’offrir des produits alimentaires frais et abordables, Parole d’excluEs, un organisme qui lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, alancé en 2016 la coopérative de solidarité Panier futé. Avant la COVID-19, les membres choisissaient les alimentspar Internet ou par téléphone et venaient chercher leur panier à un des points de chute de leur quartier.

 

Mais avec la pandémie, et pour éviter que des gens se rencontrent aux points de chute, l’organisme a dû intégrer dès la mi-mars une cellule d’urgence alimentaire coordonnée par l’arrondissement avec le soutien de la Table de quartier de Montréal-Nord et du CIUSSS-NIM. Panier futé a alors adapté son offre en lançant des paniers solidaires d’urgence gratuits, qui étaient acheminés dans les 24 à 48 heures.

« Cette façon de procéder venait compléter les mesures des banques alimentaires qui offrent généralement des paniers chaque semaine, chaque deux semaines ou une fois par mois », mentionne Isabel Heck, chercheuse à Parole d’excluEs.

Ce sont 287 paniers d’urgence qui ont été délivrés pour la période du 28 mars au 29 mai, dans Montréal-Nord, avec une forte concentration dans le nord-est, secteur particulièrement défavorisé et dense. La composition des paniers était aussi grandement variée.

« Plutôt que de recevoir un panier tout choisi d’avance, ils pouvaient choisir ce qui leur manquait réellement parmi une sélection de fruits et de légumes, de produits laitiers, de viandes et de protéines, souligne Marc Brûlé, gestionnaire de soutien à Panier futé coop. Cet élément a eu un impact fondamental, d’une part sur la santé des familles, mais aussi sur toute la question de la dignité retrouvée des citoyens de pouvoir choisir les aliments dont ils ont besoin. »

287
C'est le nombre de paniers d’urgence qui ont été délivrés dans Montréal-Nord entre le 28 mars et le 29 mai.

La livraison des paniers s’est révélée un autre important changement qu’a dû apporter l’organisme et qui a apporté une vraie plus-value.

« La livraison évitait que les gens aient à se déplacer pendant 40 minutes à la recherche de nourriture alors que certaines familles monoparentales devaient s’occuper d’enfants qui demeuraient à la maison pendant la pandémie », souligne Marc Brûlé.

Ces deux innovations font partie des améliorations que Parole d’excluEs souhaite laisser en place dans le futur.

Toutes ces initiatives sont réalisées avec de nombreux organismes. « Il ne faut pas mesurer les retombées sur la santé en prenant une initiative de façon isolée, souligne Isabel Heck. C’est tout un écosystème d’organismes qui contribuent chacun à leur façon à assurer un milieu de vie plus sain. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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