Décès d’une femme autochtone à l’hôpital de Joliette: une infirmière congédiée
Une infirmière qui a tenu des propos dénigrants et dégradants envers une femme autochtone, Joyce Echaquan, peu avant son décès, a été congédiée, a annoncé mardi le premier ministre François Legault.
La mère de famille est morte à l’hôpital de Joliette, lundi soir, dans des circonstances troublantes.
Le premier ministre a qualifié la situation de « totalement inacceptable ». Il a aussi confirmé, lors de son point de presse quotidien sur la pandémie de COVID-19, que deux enquêtes sont en cours, soit celle du coroner et une autre menée par le CIUSSS de Lanaudière, qui a l’hôpital sous son égide.
Avant son décès, elle s’est filmée de sa civière. Elle halète et hurle, manifestement agitée. Vers la fin de la vidéo d’environ sept minutes, on peut voir du personnel hospitalier — infirmières ou préposées — entrer dans sa chambre.
On les entend, sans voir leur visage lorsqu’elles parlent, proférer des propos insultants et dégradants envers la femme attikamek. « Je pense que tu as de la misère à t’occuper de toi, on va le faire à ta place », dit l’une d’entre elles. « T’es épaisse en câlisse », ajoute une autre.
Alors que la patiente proteste, la première lui lance : « Ben, t’as fait des mauvais choix, ma belle. Qu’est-ce qu’ils penseraient, tes enfants, de te voir comme ça ? »
« C’est meilleur pour fourrer qu’autre chose », lance l’autre. « Surtout que c’est nous autres qui paient pour ça. »
La vidéo, qui a largement circulé dans les médias sociaux, a déclenché une onde de choc et d’indignation.
Le Bureau du coroner a confirmé mardi avoir ouvert une investigation sur les causes et circonstances de ce décès. C’est le coroner André Cantin qui en sera responsable. Il s’agit de la procédure normale lorsqu’un décès survient dans des circonstances obscures.
Mais une telle investigation n’est pas suffisante pour éradiquer le racisme, estime Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL).
« Une enquête du coroner ne doit pas être une occasion pour le gouvernement de se défiler de ses responsabilités. Un rapport du coroner ne viendra rien changer sur le racisme dont fait preuve le personnel infirmier. C’est une question d’attitude et une question de culture », a-t-il déclaré mardi lors du dévoilement du Plan d’action de l’APNQL sur le racisme et la discrimination à l’endroit des Premières Nations du Québec.
M. Picard souhaite que le gouvernement en fasse plus.
Le CIUSSS de Lanaudière annonce lui aussi qu’une enquête interne est en cours. « La Direction a été informée [lundi] en fin de journée de la situation et si ce qui nous a été rapporté est vrai, c’est inacceptable », est-il écrit dans une déclaration transmise aux médias. « Nous prendrons les mesures nécessaires, suivant les résultats de l’enquête. »
Ça suffit, dit la nation
attikamek
Le Conseil de la nation attikamek (CNA) en a assez. La discrimination envers les Autochtones dans les services publics est malheureusement encore beaucoup trop présente, déplore-t-il.
Alors que la vidéo publiée par la défunte, en souffrance et appelant à l’aide, « révèle une condescendance troublante et des propos racistes de la part du personnel soignant », le CNA demande qu’une enquête indépendante soit menée, et que l’application des recommandations du rapport Viens soit accélérée.
« Il est malheureux de constater qu’en 2020 de tels comportements puissent encore se produire. Il est de la responsabilité de tous de les dénoncer, surtout dans le contexte des services de santé et dont la déontologie devrait nous protéger de l’inconfort du racisme », a mentionné dans un communiqué Constant Awashish, grand chef de la nation attikamek.
Verna Polson, la cheffe de la nation anichinabée, parle de « colère ». « Je ressens ce matin une grande colère, et tout le Québec devrait la ressentir. »
« Je suis triste aussi à la pensée que ses enfants ce matin n’ont plus de maman. Ce racisme systémique qui existe aujourd’hui au Québec, nous, les femmes autochtones, le vivons chaque jour. Nous le vivons de la part des instances gouvernementales », a-t-elle ajouté, elle aussi présente au dévoilement du plan d’action de l’APNQL.
La ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, a tenu à réagir à la situation qu’elle a qualifiée d’« alarmante ». « Nous voulons savoir ce qui s’est produit. Une enquête est en cours afin de faire la lumière sur ce drame. Quels que soient les résultats de cette enquête, les propos entendus sont inacceptables et intolérables. » Les citoyens sont choqués et veulent le faire savoir.
Au moins trois événements sont déjà organisés, pour dénoncer et pour soutenir les proches de Joyce Echaquan et les communautés autochtones.
Deux manifestations sont prévues mardi : l’une à Pikogan, en Abitibi, et l’autre à Lac-Simon, en Outaouais. Une vigile a été organisée et doit avoir lieu mardi soir devant l’hôpital de Joliette, dans Lanaudière.