Les archives des Sulpiciens en sécurité?

Les archives des Sulpiciens représentent l’équivalent d’un kilomètre de documents textuels. Il faut ajouter notamment à cela 75 000 pièces iconographiques et plus de 8 000 cartes géographiques. Sur la photo, le vieux séminaire de Saint-Sulpice, à Montréal.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Les archives des Sulpiciens représentent l’équivalent d’un kilomètre de documents textuels. Il faut ajouter notamment à cela 75 000 pièces iconographiques et plus de 8 000 cartes géographiques. Sur la photo, le vieux séminaire de Saint-Sulpice, à Montréal.

Première sortie publique de la direction des Sulpiciens qui ont recours à une firme de relations publiques pour tempérer les réactions consternées suscitées par la fermeture de leurs archives et le congédiement de spécialistes.

La haute direction de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice sort pour la première fois de son mutisme depuis que Le Devoir a révélé cette semaine qu’elle avait licencié son personnel spécialisé et abandonné à son sort son importante collection de biens patrimoniaux. Selon le père Jorge Humberto Pacheco Rojas, supérieur provincial des Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal, « il n’est aucunement question de poser des gestes qui mettraient en danger nos archives et nos biens patrimoniaux ».

Les Sulpiciens ont mandaté la firme de relations publiques National pour diffuser leur message à cet effet.

Selon le supérieur provincial Rojas, cité par National, les Sulpiciens vont continuer de protéger ces biens, « comme nous l’avons toujours fait ».

Toujours selon ce que rapporte cet intermédiaire habitué des « gestions de crise », les biens patrimoniaux des Sulpiciens « sont d’une importance historique, capitale ». Le père Rojas ajoute ceci : « Nous en sommes conscients et nous allons continuer d’agir en conséquence. »

Cela n’a pas suffi, loin de là, à rassurer les spécialistes qui ont appris cette semaine que cette congrégation, qui est à l’origine de la fondation de Montréal, avait mis la clé dans la porte de ses services des archives et licencié ses spécialistes, souvent en poste depuis de nombreuses années.

Selon le magazine Présence, spécialisé en information religieuse québécoise, canadienne et internationale, « la décision des Sulpiciens de congédier les professionnels responsables de la conservation de leurs archives suscite à la fois des réactions de colère et d’inquiétude au Québec ».

Le Regroupement des archivistes religieux (RAR) a par exemple dénoncé l’attitude de la direction des Sulpiciens dans une lettre ouverte, que l’on peut lire depuis son site Internet. Ces spécialistes pointent du doigt le peu de cas qui est fait des archives au Québec. Plusieurs centres, vivant de peine et de misère, ont dû faire face à des coupures supplémentaires au cours des dernières années.

David Bureau, président du conseil d’administration du RAR, écrit ceci : « Manque d’argent, manque de ressources matérielles (particulièrement pour l’entreposage adéquat), manque de personnel : tous des facteurs aggravants qui se sont accumulés depuis près de 20 ans et qui nous forcent aujourd’hui à constater que même des archives que nous croyions essentielles et inattaquables peuvent subitement être en danger. »

Or, « les archives religieuses sont une clé pour comprendre notre cheminement collectif et pour initier les plus jeunes à la richesse de notre histoire », dit-il. Selon ce spécialiste, le gouvernement du Québec n’a pas pris les dispositions nécessaires pour corriger le mauvais sort fait aux archives. Si bien que la situation ne fait que s’aggraver.

Si le gouvernement a annoncé consacrer 15 millions $ au patrimoine religieux récemment, rien n’est fait en particulier pour les archives religieuses, lesquelles constituent une importante mémoire de la société québécoise dans plusieurs secteurs d’activité humaine. « Cet exercice est absolument futile, avance M. Bureau, si aucun montant n’est accordé à la préservation des archives religieuses. » Il ajoute que, ce faisant, « on ne fait que maintenir debout des coquilles vides » en attendant que le pire survienne.

« Ce qui nous frappe et nous blesse profondément dans le drame des archives sulpiciennes, c’est le désintérêt d’hommes d’Église pour l’histoire de leur propre congrégation et de sa contribution à la société québécoise », lance M. Bureau.

« Nous voulons bien accorder le bénéfice du doute aux pères Mora, Rojas, Arfuch et Lussier de ne pas connaître parfaitement leur fonds documentaire. Mais cela ne les dégage en rien de leur responsabilité – sinon envers leur congrégation au moins envers la population québécoise et canadienne. » Et le président de cette association d’archivistes d’ajouter, au nom des membres de son conseil d’administration, qu’il déplore également le silence de l’archevêché de Montréal, lequel devrait rapidement « mettre en place un plan d’urgence concret pour les archives de toutes les communautés sur son territoire ».

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