Le clergé déçu de l’attitude de Québec

Les lieux de culte rouvrent sans annonce officielle.
Photo: Renaud Philippe Le Devoir Les lieux de culte rouvrent sans annonce officielle.

Les lieux de culte rouvriront le 22 juin prochain, après trois mois de rituels virtuels dénués de toute célébration collective. Cette perspective réjouit l’ensemble des communautés religieuses, mais la communication expéditive et informelle faite par Québec mercredi déçoit et nourrit chez elles le sentiment d’avoir été négligées par le gouvernement.

« Ça s’est fait par la porte d’en arrière. C’est une grande déception. Les groupes religieux au Québec ont été d’une grande collaboration dans cet effort collectif de lutte contre le virus. Le gouvernement avait spécifiquement demandé aux groupes religieux de cesser leurs activités, ce qu’on a fait », déclare Mgr Pierre Murray, secrétaire général de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.

Ils s’attendaient à une sortie officielle du premier ministre Legault. Mais les dirigeants religieux, également membres de la Table interreligieuse de concertation pour la réouverture des lieux de culte, ont appris dans la matinée qu’il n’y aurait pas d’intervention du premier ministre et qu’il fallait se fier aux mesures du 15 mai dernier concernant les rassemblements intérieurs de 50 personnes.

« On a fait nos devoirs, on a développé des protocoles pour protéger nos fidèles et la société en général. On s’attend à un respect mutuel », dit l’ex-imam Hassan Guillet, qui aurait souhaité les mêmes égards que ceux manifestés aux autres secteurs de la vie publique rouverts les uns après les autres.

C’est en réponse à une question d’une reporter que l’unique mention publique a été faite à la fin du point de presse de la ministre déléguée à l’Éducation, Isabelle Charest, et du directeur national de santé publique, Horacio Arruda, portant sur l’assouplissement des restrictions dans l’univers du sport.

À la suite de la formation de la Table interreligieuse de concertation — qui regroupe des représentants de l’Église catholique, de l’Église anglicane, des Églises évangéliques, de différentes traditions juives, de différentes mosquées et du Centre canadien d’œcuménisme —, des travaux de rédaction conjoints sur un protocole de réouverture ont été effectués.

« À partir de là, on s’attendait à ce que ça aille au premier ministre pour l’annonce d’une réouverture. C’est là que ça a commencé à devenir de plus en plus flou. On a eu l’annonce de lundi dernier qui permettait les rassemblements publics intérieurs jusqu’à 50 personnes avec d’autres consignes. On s’est demandé si c’était ça, l’annonce. On a vérifié, on nous a dit que non, explique Mgr Pierre Murray. Ce qui nous dérange aussi, c’est qu’on ne se sent pas compris, c’est comme si on nous comparait à une salle de cinéma. »

Louis Bourque, directeur de l’Association d’églises baptistes évangéliques au Québec (AEBEQ), va dans le même sens. « On a été presque ignorés. Il a fallu frapper plusieurs fois à la porte, envoyer plusieurs communiqués et courriels. C’est pour cette raison que la Table de concertation interreligieuse existe. Ça n’aboutissait nulle part. »

Pour Judith Cournoyer, qui travaille dans l’équipe de leadership pastorale d’une paroisse de Montréal, l’annonce a été méprisante dans son caractère non formel. « On a été privés de nos rassemblements pendant 16 semaines, ça a été une souffrance. Maintenant qu’on rouvre, on n’est même pas capables [de le faire] dans le respect », précise la jeune femme de 21 ans.

Pourtant, selon Diego Saavedra Renaud, agent de pastorale depuis quelques années dans Côte-des-Neiges, le contexte de crise provoqué par la pandémie accentue le rôle crucial que peut jouer une église ou une institution religieuse. « Le déconfinement ne sera pas une partie de plaisir. Ça va être très compliqué et très coûteux, qu’on le veuille ou pas », rappelle l’homme de 33 ans au passage.

Même si l’annonce a été jugée « confondante » pour la communauté des fidèles, rabbi Reuben Poupko, représentant du Conseil des rabbins de Montréal, se réjouit de la réponse favorable à la réouverture des lieux de culte.

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