Des parents appréhendent un manque de places en garderie

Le déconfinement graduel entamé risque de causer d'importantes difficultés à certains parents qui n’auront pas accès aux services de garde.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Le déconfinement graduel entamé risque de causer d'importantes difficultés à certains parents qui n’auront pas accès aux services de garde.

Avec le retour à l’école et la reprise économique de certains secteurs, plusieurs services de garde font face à des besoins qui excèdent la capacité de 30 % à 50 % exigée par la santé publique. Devant cette demande qui explose, des parents, dont plusieurs enseignants, s’inquiètent de ne pas pouvoir recommencer à travailler.

« Lundi prochain, quand mes élèves vont arriver à l’école, je ne peux pas concevoir que je ne serai pas là, et que ce sera parce que je n’aurai pas trouvé de garderie », a dit Geneviève Brassard, enseignante dans une école primaire de Lanaudière.

Comme plusieurs enseignants de son entourage, elle fait partie des nombreux parents de l’extérieur de Montréal qui craignent ne pas pouvoir reprendre le travail le 11 mai prochain : le centre de la petite enfance que fréquentent normalement ses deux enfants a une longue liste de parents travailleurs essentiels et il n’est pas certain de pouvoir lui offrir une place. « On m’a dit que le nombre d’enfants admissibles est plus grand que le nombre de places », a-t-elle expliqué. Elle devrait avoir une réponse mercredi.

Sa situation fait écho à celles de nombreux enseignants de partout au Québec, confirme la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ). « La semaine dernière, j’ai même eu des enseignants qui disaient qu’ils allaient démissionner si on n’était pas capables de leur garantir un endroit sécuritaire pour leurs enfants », a affirmé sa présidente, Josée Scalabrini. Elle admet que les craintes se sont calmées vendredi, alors que les directions d’école se sont montrées compréhensives en ce qui a trait à la réalité des enseignants.

Les parents devant rendre lundi le sondage sur leurs intentions de fréquentation du service de garde, il était encore trop tôt pour connaître avec exactitude l’ampleur des besoins. « Mais plusieurs CPE vont être au-delà des 30 à 50 % et, dans certains, on nous a dit que c’était de 75 à 80 % des parents qui auraient eu besoin du service », a dit la présidente de l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), Geneviève Belisle.

Au CPE Le Soleil de Jeannot à Granby, qui a deux installations totalisant 132 enfants, la demande de service pour le 11 mai est de 60 %, confirme la directrice, Myriam Urquizo-Grégoire. « Par contre, ce ne sont pas tous les parents qui sont dans le secteur prioritaire. Il va falloir clarifier ça avec certaines familles. » Et s’il est facile de comprendre qu’un travailleur de la santé est prioritaire, à qui accorder la priorité entre deux enseignants ? « Ça va être un casse-tête », reconnaît-elle. Avec son conseil d’administration, elle a dressé une liste de priorités selon les possibilités d’un des deux parents de faire du télétravail. « On s’est basés sur les directives du ministère, et c’est notre CA, qui est composé à majorité de parents utilisateurs, qui a pris la décision. Par souci de transparence, on va divulguer la liste à tous nos parents », a dit Mme Urquizo-Grégoire.

Dans le Vieux-Québec, l’une des trois installations du CPE Les Petits Murmures a un protocole d’entente avec le personnel du CHU de Québec-Université Laval, où bon nombre de parents sont des travailleurs de la santé. Le premier coup de sonde a révélé que 75 % des parents souhaitent se prévaloir du service, mais grâce à ses appels aux parents et à leur collaboration, les besoins ont baissé à 50 %, s’est réjouie Chantal Cauchon, la directrice.

Le privé veut une compensation

 

Du côté des services de garde privés non subventionnés, la demande ne s’annonçait pas si forte. « Selon nos sondages, le taux d’occupation joue entre 20 et 25 % pour les premières semaines », a indiqué Marie-Claude Collin, présidente de la Coalition des garderies privées non subventionnées du Québec. Pour économiser, plusieurs parents avaient décidé d’attendre au 1er septembre avant d’envoyer leurs enfants, puisque le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, leur avait promis que leur place était assurée sans frais, avant de se raviser et de changer cette date pour le 22 juin.

Reste que, pour elle, rouvrir un service de garde privé non subventionné qui n’accueillerait que 30 % des enfants et qui a été forcé de fermer pendant plusieurs semaines est tout simplement impossible. « Sans compensation financière, on n’ouvrira pas. Même à 50 %, c’est impossible », explique Mme Collin.

Le ministère de la Famille serait en discussion avec le réseau privé pour trouver une solution. Quant au problème de places, il rappelle qu’il est impossible pour les installations d’ouvrir au-delà de 50 % pour des raisons de santé publique. « On parle avec nos partenaires et les organismes communautaires comme les haltes-garderies et on regarde quelles sont les solutions en cas de débordement », a indiqué Antoine de La Durantaye, l’attaché de presse du ministre Lacombe. Entre-temps, il invite les parents à contacter « Ma place 0-5 ».

Des règles strictes

La réouverture des services de garde s’accompagne d’une série de mesures sanitaires établies par la santé publique. Selon cet aide-mémoire de trois pages, les parents, qui devront conduire leurs enfants « selon un horaire », ne pourront pas entrer ni circuler dans l’installation. Les éducatrices auront à leur disposition masques, gants et lunettes de protection ou visière. Tout devra être distancé : les matelas, les chaises et les aires de jeux. Les enfants ne pourront plus jouer avec des casse-tête, de la pâte à modeler ou des jeux de cartes, qu’on suggère de retirer, car ils sont difficiles à nettoyer. Les doudous et toutous ne devront pas se transporter de la maison à la garderie. Il est conseillé de « favoriser au maximum les sorties extérieures », tout en limitant le nombre de personnes utilisant la cour en même temps. Les modules de jeux extérieurs ne seront accessibles que s’il est possible de les désinfecter régulièrement. Dès qu’un enfant présentera des symptômes, il devra être aussitôt retiré et gardé à la maison.

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