Des autistes et des déficients intellectuels infectés

Les six enfants et adolescents d’une unité de réadaptation intensive, située à l’hôpital Rivière-des-Prairies, ont été infectés par la COVID-19.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Les six enfants et adolescents d’une unité de réadaptation intensive, située à l’hôpital Rivière-des-Prairies, ont été infectés par la COVID-19.

La COVID-19 se répand dans des unités de réadaptation et des ressources d’hébergement destinées aux gens ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme. Près d’une cinquantaine de personnes qui y séjournent sont atteintes de la maladie, confirme le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Deux en sont mortes, selon le comité qui représente ces usagers. Des organismes de défense sont inquiets.

Les six enfants et adolescents d’une unité de réadaptation intensive, située à l’hôpital Rivière-des-Prairies, ont été infectés par la COVID-19. Des employés aussi. Depuis, les jeunes sont pratiquement confinés 24 heures sur 24 dans leur chambre. Une situation difficile à vivre pour les usagers « non verbaux », qui peinent à s’exprimer.

« Ça vient chambouler leur quotidien », dit Caroline Simoneau, représentante nationale de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. « Ça peut entraîner potentiellement plus d’agressivité de la part des usagers. »

C’est pour éviter la propagation du virus que ce confinement a été imposé, rétorque Carla Vandoni, directrice des programmes de déficience intellectuelle, trouble du spectre de l’autisme et déficience physique au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. « C’est pareil dans les CHSLD. On garde les gens le plus possible dans leur chambre. C’est sûr qu’il y a des usagers [dans l’unité touchée] qui comprennent moins bien, mais c’est pour la sécurité de tout le monde. »

Comment on fait pour confiner un usager, qui a un trouble grave du comportement, et qui n’a plus de porte à sa chambre parce qu’il l’arrachait tout le temps ?

Quelques usagers ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme, d’une autre unité de l’hôpital Rivière-des-Prairies, ont été contaminés par le nouveau coronavirus. La majorité des cas se sont toutefois déclarés dans des ressources intermédiaires et des résidences à assistance continue pour adultes, indique le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. « Tout le monde va bien », dit Carla Vandoni. Les usagers infectés, qui ne respectent pas bien les consignes de confinement ou peinent à le faire, ont été transférés à l’hôpital Notre-Dame, précise-t-elle.

Deux personnes, qui vivaient dans une ressource intermédiaire, sont toutefois décédées de la COVID-19, selon le comité des usagers du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED) de Montréal. Une information que le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal dit ne pas être en mesure de confirmer, ces données ne faisant pas encore partie, explique-t-on, des données officielles.

Des familles dans le noir

 

Le ministre de la Santé et des Services sociaux (MSSS) affirme ne pas avoir de données précises sur les cas de COVID-19 dans les ressources d’hébergement accueillant les gens ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme. Mais il y a « peu de contamination chez les usagers et chez les employés », indique le cabinet du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant.

L’organisme Parents pour la déficience intellectuelle (PARDI) déplore le manque d’informations fournies par les établissements aux familles. Depuis de nombreuses semaines, les parents ne peuvent plus visiter leurs enfants vivant en ressources intermédiaires ou en ressources de type familial, en raison du confinement. « On est inquiets, dit la coordonnatrice du PARDI, Delphine Ragon. Ces milieux ne sont pas tous adaptés en termes d’accompagnement. Il y a parfois des situations où c’est à la limite de la négligence. »

Le MSSS a demandé à ce que des visites de vigie soient effectuées dans ces ressources d’hébergement, comme c’est le cas pour tous les milieux de vie des aînés.

« Sur le terrain, il y a des ressources intermédiaires qui ont eu une visite, mais d’autres seulement un appel, dit Anick Viau, directrice adjointe de la Société québécoise de la déficience intellectuelle. Ce n’est pas la ressource qui va te dire “ça se passe donc mal chez nous”. »

L’Association québécoise des comités des usagers en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme revendique un meilleur accès à cette clientèle vulnérable pour mieux défendre leurs droits. C’est d’autant plus important dans le contexte de la pandémie, potentiellement explosif, dit sa présidente.

« Il y a des usagers qui ont de la misère à communiquer au téléphone », souligne Manon Pedneault.

Anick Viau souligne qu’il ne faut pas mettre toutes les ressources intermédiaires dans le même panier. « Il y en a des extraordinaires », dit-elle. Reste que les employés qui y travaillent, dit-elle, sont « peu ou pas » formés. « Ils sont souvent payés au salaire minimum », ajoute-t-elle.

La Société québécoise de la déficience intellectuelle réclame depuis de nombreuses années un investissement du gouvernement pour améliorer les conditions de travail de ces travailleurs et leur formation.

 

Gérer une telle crise est un véritable défi, reconnaît l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec. « Comment on fait pour confiner un usager, qui a un trouble grave du comportement, et qui n’a plus de porte à sa chambre parce qu’il l’arrachait tout le temps ? » illustre Louis Lemay, conseiller aux membres du regroupement.

Ces lieux d’hébergement sont souvent de petite taille (neuf usagers et moins), ajoute-t-il. « Chacun n’a pas sa toilette dans la chambre », dit Louis Lemay. Pas évident de toujours respecter la distance de deux mètres. « On a affaire à une clientèle pas collaborative, mais ce n’est pas de mauvaise foi, dit-il. Elle ne comprend pas [la situation]. »

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