Tuerie en Nouvelle-Écosse: la pire fusillade de l’histoire récente du Canada

Au moins 19 personnes sont tombées sous les balles d’un tireur en Nouvelle-Écosse, dont une policière en service, a confirmé la GRC dimanche soir, au terme d’une chasse à l’homme de plus de douze heures. Le suspect est également décédé. Il s’agit de la pire fusillade au pays.
« C’est tragique ! C’est beaucoup de morts, surtout dans une région aussi peu peuplée », estime Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, spécialisé dans les questions liées à la défense.
Si les autorités ont confirmé la mort d’au moins 17 personnes au moment où ces lignes étaient écrites, le bilan pourrait encore s’alourdir. « Nous ne savons pas encore le nombre exact de victimes. L’enquête se poursuit dans des secteurs qui n’ont pas encore été explorés », a indiqué Chris Lether, surintendant principal de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de la Nouvelle-Écosse, lors d’un point de presse dimanche après-midi. C’est la Serious Incident Response Team qui sera responsable de l’enquête.
Au nombre des victimes : la policière Heidi Stevenson, mère de deux enfants. Elle cumulait près de 23 ans d’expérience et avait été appelée sur le terrain pour maîtriser le tireur actif. Un deuxième agent en service a été blessé, mais on ne craint pas pour sa vie.
Le suspect a perdu la vie au terme d’une chasse à l’homme de plus de douze heures, ont confirmé les autorités. Son décès est survenu lors de l’intervention des forces policières, dans une station-service d’Enfield, à environ 35 kilomètres au nord-ouest du centre-ville d’Halifax.
D’après la GRC, il s’agit de Gabriel Wortman, un homme blanc de 51 ans. Il était denturologiste à Dartmouth, dans la région d’Halifax, selon le site Internet de la Société de denturologie de la Nouvelle-Écosse.
Ses motivations restent pour le moment inconnues. La GRC n’a pas précisé si le suspect connaissait les victimes.
Longue chasse à l’homme
Tout a commencé samedi soir vers 22 h 30, heure locale, dans la communauté rurale de Portapique. La police a été avisée que de nombreux coups de feu avaient été entendus dans une résidence. À leur arrivée, les agents ont constaté plusieurs morts à l’intérieur et autour du bâtiment. Le suspect, lui, avait déjà disparu.
Les recherches ont mené les agents à plusieurs autres scènes de crime dans la nuit, alors que des citoyens ont rapporté plusieurs incendies de bâtiments dans les environs.
À 9 h, dimanche matin, les recherches étaient toujours en cours, et la GRC a demandé dans un tweet aux citoyens de Portapique de se mettre à l’abri dans leur résidence et de verrouiller les portes, précisant que le suspect était « armé et dangereux ».
La situation s’est compliquée lorsque ce dernier a été aperçu dans un véhicule ressemblant à ceux de la GRC, identifié toutefois sur le côté par un numéro : 28B11. Il aurait ensuite changé de voiture, selon la GRC, qui recherchait alors un véhicule utilitaire Chevrolet de couleur argent, plus au nord. Le suspect aurait emprunté l’autoroute 102 dans la région de Brookfield. Au total, il aurait parcouru plus de 100 km, entre Portapique et Enfield, avant d’être finalement intercepté.
Geste prémédité ?
Pour M. Leather, les moindres détails joueront un rôle important dans l’enquête. « Le fait que cet individu avait un uniforme et une voiture de patrouille à sa disposition démontre certainement qu’il ne s’agit pas d’un acte aléatoire », a-t-il dit.
Pour le professeur Christian Leuprecht, tout porte à croire à un geste prémédité depuis plusieurs semaines. « Obtenir des armes, un véhicule qui ressemble à celui de la GRC, et même un uniforme. Ça prend du temps pour préparer et se procurer tout ça », explique-t-il en entrevue avec Le Devoir. Il croit donc peu probable que cet événement ait un rapport avec le contexte particulier de pandémie du coronavirus.
Bien que tragique, la tournure des événements — soit le nombre de morts et la perte d’une agente en fonction — n’étonne pas le professeur. « En milieu rural, dans un petit village, il est facile de prévoir que la police arrivera seulement au bout d’un certain temps, car c’est un territoire vaste et étalé », fait-il valoir. Le lieu des crimes a même peut-être été choisi spécialement par le tireur pour faire le plus de victimes possible.
Il est de plus difficile de compter sur l’arrivée rapide de renforts sur place. M. Leuprecht indique que c’est en milieu rural que l’on constate le plus souvent la mort d’un policier en service. « Ce n’est pas comme en ville, où il y a des policiers municipaux prêts à intervenir en quelques minutes. »
À son avis, cette fusillade va certainement pousser la GRC à revoir ses procédures pour mieux protéger ses policiers tout en protégeant le public, dit-il. « C’est bien de voir que les corps de police sont mieux entraînés qu’il y a quelques années pour intervenir dans un contexte de fusillade, ils sont mieux équipés pour agir et se protéger aussi. Mais la capacité d’envoyer du renfort est essentielle et ça reste tout un défi. Il va falloir y penser. »
Une tragédie inconcevable
Plus tôt dans la journée, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, a qualifié l’incident d’un « des actes de violence les plus insensés de l’histoire de notre province ». « Je n’aurais jamais pensé en allant me coucher hier soir que je me lèverais en apprenant l’horrible nouvelle qu’un tireur était en fuite en Nouvelle-Écosse », a dit M. McNeil.
Il a également offert toutes ses condoléances aux familles : « aucune parole ne suffira pour consoler les familles affectées par ce qui s’est produit lors des 24 dernières heures ».
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a également commenté la situation pendant sa conférence de presse quotidienne sur la pandémie de coronavirus. « Je suis de tout cœur avec les gens qui sont affectés par cette terrible situation, a-t-il dit. J’aimerais remercier les policiers pour leur travail acharné et la population pour sa coopération avec les autorités. »
Avec La Presse canadienne