Six initiatives contre la pandémie

1. Technologie
Imprimantes 3D, à vous de jouer
« On en sort actuellement 100 par jour, mais la semaine prochaine, on espère doubler notre production. » Jeanne Couture, directrice générale d’Artefact urbain, est enthousiaste. L’initiative lancée par son entreprise culturelle fonctionne bien.
Après avoir perdu tous ses contrats à cause de la pandémie, la firme qui conçoit normalement des maquettes pour des œuvres d’art public fabrique aujourd’hui des visières de protection « temporaires » pour le milieu de la santé. « On a créé un réseau avec nos contacts dans le milieu des arts et on s’est monté une petite armée d’artistes et de makers qui ont accès à une imprimante 3D », explique Mme Couture.
Chacun a accès au même modèle offert en ligne gratuitement. Artefact se charge en outre de l’assemblage et de la livraison aux clients. La firme s’occupe aussi de prendre les commandes.
La demande est d’abord venue d’optométristes au pays, car le père du directeur technique d’Artefact, Aaron Bass, pratique ce métier. Inquiet de voir les réserves de visières s’épuiser au sein de son ordre professionnel, il en a glissé un mot à son fils.
« On est rentrés dans le réseau des optométristes au départ, mais là, on vient de recevoir une commande d’un hôpital de Sherbrooke pour 100 visières. Des infirmières de Montréal nous appellent pour nous en commander parce que c’est back order [en rupture de stock] partout. Du personnel dans les pharmacies aussi… », explique Jeanne Couture.
Une visière est vendue au prix coûtant de 20 $, et les artistes reçoivent 5 $ pour chaque unité fabriquée. L’idée n’est donc pas de faire du profit, affirme Mme Couture, mais de prêter main-forte aux travailleurs de la santé.
En ces temps de pandémie, ils en ont bien besoin.
Guillaume Lepage
2. Éducation
Des professeurs rassurants
Un peu partout au Québec, des professeurs se mobilisent pour prendre des nouvelles de leurs élèves et les rassurer.
La première fois que Mme Sophie a appelé sur Skype pour prendre des nouvelles de son élève, les yeux de Milo, 9 ans, se sont agrandis de stupéfaction. « Il était bouche bée, raconte sa mère, Julie Robillard. Il était un peu ému et même gêné. »
Le lendemain, c’est la classe au grand complet qui était réunie avec Mme Sophie sur la plateforme Zoom. « Elle prend de leurs nouvelles, leur demande ce qu’ils font de leurs journées. Elle les rassure aussi : elle leur dit de ne pas s’inquiéter, que les professeurs de l’année prochaine vont être au courant qu’ils n’ont pas eu toute la matière. Elle les sécurise », résume la mère de Milo.
La première rencontre a si bien fonctionné que Mme Sophie a décidé de récidiver tous les jeudis matin, pour le plus grand bonheur de Milo et de sa mère, qui trouve que Mme Sophie est vraiment la #meilleureprof.
D’autres initiatives similaires ont vu le jour ces dernières semaines. L’une des plus populaires est celle de Gabrielle Chamberland. L’enseignante en adaptation scolaire de l’école Chomedey-de-Maisonneuve a contacté une trentaine de professeurs du Québec, qui ont chacun enregistré un petit message d’encouragement pour leurs élèves. La vidéo « À toi mon élève » est devenue virale. Les professeurs disent à leurs élèves qu’ils pensent à eux, qu’ils s’ennuient, qu’ils les aiment et tentent de se faire rassurants en leur répétant que « ça va bien aller ».
Jessica Nadeau
3. Réflexion
Réfléchir ensemble à la crise
Si les librairies sont fermées et que certaines maisons d’édition ont mis leurs nouvelles publications sur pause, il est toujours permis de réfléchir et de faire circuler les idées. Écosociété a ainsi lancé cette semaine une série de capsules vidéo « Immunité critique », dans lesquelles des essayistes se penchent sur la crise actuelle, avec le sens critique qui leur est cher.
« Plus que jamais, nous avons besoin de solidarité, de courage et d’idées fortes. Non seulement pour traverser cette épreuve, mais aussi pour donner un sens à notre trajectoire collective », explique la maison d’édition.
C’est l’occasion donc de prendre un pas de recul pour mieux comprendre ce que nous vivons durant la pandémie, mais aussi penser déjà à l’après-coronavirus.
C’est le philosophe et auteur Alain Deneault qui a lancé les festivités lundi en rappelant que nous mesurons pleinement ces dernières semaines le coût des paradis fiscaux, qui ont d’après lui appauvri les services publics, et particulièrement le milieu de la santé.
« Dans un très grand nombre de contextes, la question des paradis fiscaux se pose. Et aujourd’hui évidemment, de manière dramatique. Parce qu’on aurait besoin d’un état fort, d’instruments, d’infrastructures, de personnel en ce moment, mais pour ce faire, il faut le financer », a-t-il expliqué en direct de son bureau, en plein confinement.
Dans les prochaines capsules vidéo, les répercussions de la crise actuelle seront analysées sous tous les angles : changements climatiques, souveraineté alimentaire, économie, politique, etc..
Annabelle Caillou
4. Production
Les microdistilleries se mettent au désinfectant
Au lieu de produire de l’alcool, plusieurs microdistilleries ont décidé de participer à la fabrication de désinfectant pour les mains, un produit devenu rare en pleine pandémie de coronavirus.
Les autorités publiques ne cessent de le répéter : lavez-vous les mains. Et puisqu’il n’est pas facile au quotidien d’avoir toujours de l’eau et du savon à portée de main, les magasins et les pharmacies se sont fait complètement dévaliser de gel désinfectant, comme le Purell.
Le Regroupement Gelamain Québec a donc décidé la semaine dernière de produire près de 25 000 litres de désinfectant à mains sous différents formats. Ils seront distribués gratuitement dans le réseau de la santé et à certains services essentiels. Le regroupement espère par la suite augmenter sa production pour pouvoir aussi en offrir aux fournisseurs et aux distributeurs de l’industrie agroalimentaire.
Breuvages Trybec (Cowansville), la Distillerie 3 Lacs (Valleyfield), la distillerie La Chaufferie (Granby), la distillerie Cirka (Montréal), la distillerie Fils du Roy (Saint-Arsène) et la distillerie Vice & Vertu (Québec) sont les premiers producteurs à avoir embarqué dans le projet. D’autres microdistilleries de l’Association des microdistilleries du Québec ont déjà démontré leur intérêt.
Annabelle Caillou
Don de masques
Étant donné que les masques se font de plus en plus rares, des particuliers et des entreprises se mobilisent pour donner leurs surplus au réseau de la santé.
« À tous mes contacts dans le domaine de la santé, ce n’est pas grand-chose, mais j’ai quatre boîtes de masques que je pourrais livrer à une clinique dans le besoin », a écrit Nadine Bouchard sur sa page Facebook.
En trente minutes à peine, la propriétaire d’un salon d’esthétique de Brossard a trouvé preneur : une clinique médicale et un organisme à but non lucratif qui fait des interventions à domicile pour les personnes avec des problèmes de santé mentale.
Avant de mettre son message sur Facebook, Nadine Bouchard a songé à contacter le ministère de la Santé pour offrir ses masques, mais elle ne pensait pas qu’ils prendraient la peine de lui répondre « uniquement pour quatre boîtes », explique-t-elle.
Ils sont plusieurs comme Mme Bouchard à ne pas oser contacter le ministère pour des quantités qui semblent dérisoires en comparaison des besoins qui sont immenses, constate Philippe Tremblay, président de la compagnie québécoise Vertdure, spécialisée dans le traitement de pelouse.
C’est pourquoi l’entrepreneur a eu l’idée d’utiliser les camions et les points de service de sa compagnie pour faire la collecte de tous les masques disponibles au Québec. En quelques jours à peine, des centaines de compagnies ont répondu à l’appel, et plus de 20 000 masques ont déjà été amassés.
De grandes compagnies se mettent aussi de la partie. Desjardins a annoncé jeudi avoir fait don de 60 000 masques de protection au gouvernement du Québec. « Desjardins avait fait l’acquisition de ce matériel il y a quelques mois à la suite de la révision de son plan de continuité en cas de pandémie », a expliqué l’entreprise dans un communiqué.
Jessica Nadeau
6. Recherche
La course aux respirateurs artificiels
Un professeur de l’Université Queen’s, en Ontario, Arthur McDonald, travaille présentement à mettre au point un respirateur artificiel 100 % canadien destiné à la production de masse. Pour ce faire, l’appareil doit être composé d’un minimum de pièces facilement accessibles sur le marché canadien, et il doit être parfaitement fonctionnel.
Le Dr McDonald, l’un des trois lauréats du prix Nobel de physique en 2015, n’est évidemment pas seul dans sa tâche. Il est épaulé par des chercheurs de l’accélérateur de particules TRIUMF, à Vancouver, et des laboratoires nucléaires canadiens de Chalk River, en Ontario.
Les équipes du Dr McDonald s’inspirent des travaux de l’équipe de Cristiano Galbiati, un professeur de Princeton qui travaille présentement à Milan, où le coronavirus frappe durement. Il a conçu un prototype, qui fait l’objet d’une série de tests actuellement. Si les résultats sont concluants, le Dr Galbiati s’est engagé à diffuser rapidement les plans de l’appareil au bénéfice du monde entier.
Plus près de nous, la firme montréalaise CAE, surtout connue pour fabriquer des simulateurs de vol, a déjà mis au point un respirateur artificiel. Elle a développé l’appareil en 11 jours, avec une équipe de 12 personnes. Il faut dire que l’entreprise commercialise déjà des appareils médicaux destinés à la formation du personnel soignant. Pour l’instant, CAE attend le feu vert de Santé Canada pour commercialiser son produit, directement depuis ses installations montréalaises.
Guillaume Lepage