Face au coronavirus, la solidarité et le rire sont de merveilleux remèdes à la peur

Dans un vent de panique qui a traversé le Québec jeudi, les rayons de papier de toilette se sont vidés.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Dans un vent de panique qui a traversé le Québec jeudi, les rayons de papier de toilette se sont vidés.

Gérer l’incertitude, faire face à l’adversité, tisser des solidarités : tant d’aptitudes, aujourd’hui érodées, que la présente crise du coronavirus fait rejaillir. Et si quelque chose de salutaire pouvait ressortir de ce moment déstabilisant que l’on partage collectivement ?

On ne connaît pas, ou encore si peu, l’incertitude avec laquelle on doit aujourd’hui composer. Et pourtant, elle a été le lot de tant de générations qui nous ont précédés, en temps de guerre ou de crise économique.

« On a beaucoup moins de capacité qu’avant de faire face à l’adversité, soutient Pascale Brillon, professeure de psychologie à l’UQAM. Autrefois, la maladie, la mort, la douleur faisaient partie de nos vies. On s’inclinait devant une force extérieure qui était au-dessus de nous, on l’acceptait. Aujourd’hui, on s’arcboute plus. »

Cette incertitude est encore la réalité quotidienne de millions d’habitants du globe provenant de régions moins privilégiées. Mais ici, chez nous, elle est à des lieues du confort, du sentiment de contrôle sur nos vies et de l’instantanéité auxquels on est habitués. Une nouvelle réalité, qui sera certainement éphémère, mais à laquelle il faut s’habituer rapidement. Une occasion peut-être aussi de nous reconnecter avec cette résilience que connaissaient nos grands-parents.

La résilience, c’est cette souplesse, cette capacité à rebondir dans l’adversité, à surmonter l’imprévu et à s’adapter. « C’est comprendre que les problèmes ne sont pas quelque chose d’anormal, qu’ils font partie de la vie, qu’on est capable de rebondir et que ça va nous permettre de mieux tolérer l’adversité dans le futur », détaille Pascale Brillon, également directrice du laboratoire de recherche Trauma et résilience de l’UQAM.

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Il est néanmoins tout à fait légitime de ressentir de la peur et de l’anxiété, souligne Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. « On est face à une menace à notre santé, quelque chose qui est complètement nouveau, qui a un caractère très imprévisible, on ne sait pas complètement ce qui se passe et il n’y a pas encore une façon d’enrayer le virus », convient-elle.

Mais devant une telle situation, deux types de pensée peuvent se développer. Soit une pensée orientée vers des actions positives et constructives, comme se laver davantage les mains, éviter les contacts sociaux, annuler un voyage et faire des activités agréables à la maison. Ou une pensée plus nuisible, paralysante, qui appréhende le pire. « C’est se demander pourquoi ça arrive, qu’est-ce qui arriverait s’il fallait que ça s’aggrave ou encore s’il fallait qu’on manque de nourriture », cite-t-elle en exemple.

En l’espace de quelques heures jeudi, c’est ce vent de panique qui a traversé le Québec. Le risque de contracter le coronavirus n’était pourtant pas tellement plus élevé que dans les jours précédents. Mais le discours du gouvernement a emprunté un tournant inédit. « Il y avait un caractère exceptionnel dans les mesures annoncées par le premier ministre Legault qui ont eu un effet paradoxal », analyse Christine Grou. « Les gens sont devenus très alarmés, ils se sont dit c’est sérieux et très grave, alors qu’objectivement, ils devenaient à ce moment mieux protégés. »

Sources fiables

Pour encourager le sentiment d’autoefficacité chez les citoyens (on est capable de traverser cette épreuve ensemble), un délicat équilibre doit être maintenu dans les communications des autorités gouvernementales, estime Pascale Brillon. L’information transmise doit être juste, mais pas trop dramatisante, en laissant de la place aux nouvelles encourageantes (par exemple, le taux élevé de guérison). Sinon, la population panique, tombe en impuissance acquise (« c’est tellement gros et épouvantable qu’on ne peut rien faire ») ou en déni (« ils exagèrent », « c’est un complot »). « Jeudi, j’ai l’impression que cet équilibre a été un peu brisé », signale-t-elle.

Il est aussi important, conviennent les deux psychologues, de choisir des sources d’information fiables et d’éviter la surexposition à de l’information négative. « Le cerveau est ainsi fait que si on entend la même nouvelle 20 fois dans la journée, on va avoir l’impression qu’elle est pire puisque la nouvelle devient omniprésente », explique Christine Grou.

De ces moments intenses naissent aussi une bienveillance et une solidarité entre citoyens, dont les médias doivent faire écho, fait valoir Pascale Brillon. « On est plus souvent exposé aux gestes négatifs (par exemple, le vol de masques de protection) qu’aux gestes positifs. C’est important de les mettre en évidence pour maximiser la résilience des gens. Et pour encourager ces gestes, il faut des modèles. »

D’autant plus que le meilleur remède à la peur, c’est la solidarité. « La peur, ça nous rend très individualistes, fait remarquer Christine Grou. Le meilleur facteur de protection, c’est d’avoir une conscience collective, de se serrer les coudes, de prendre soin les uns des autres. »

Une façon aussi de donner un sens à tout ce qui se déroule sous nos yeux et sur lequel on n’a que peu d’emprise. Sans oublier d’en rire un peu. Puisque l’humour est un magnifique mécanisme de défense.

Ruée vers le papier toilette

Pourquoi tant de gens se ruent vers le papier toilette ? Les images provenant d’Italie où le papier toilette est soudainement devenu très prisé ont certainement eu un effet d’entraînement, analyse Pascale Brillon. Et le caractère difficilement remplaçable du précieux bien a bien sûr contribué à cette course irrationnelle. « Mais il y a aussi quelque chose de plus symbolique dans l’inconscient », estime la psychologue. « Il y a cette idée de ne pas tomber dans quelque chose de dégradant, dans la déchéance. Le papier toilette est associé à ce symbole de dignité, de se dire je suis capable d’endurer bien des choses si j’ai au moins ça. »


Comment traverser avec succès la crise du coronavirus

  • Poser des actions positives et constructives : se laver les mains, éviter les contacts sociaux, annuler un voyage.
  • Être solidaires envers les plus vulnérables.
  • Maintenir les liens sociaux via des applications vidéos.
  • Faire de l’activité physique.
  • Se distraire, s’amuser, avoir du plaisir.
  • S’informer uniquement auprès de sources fiables.
  • Éviter la surexposition aux informations négatives.



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