Appel à des mesures d'aide au logement pour les femmes vulnérables

Tandis que le Québec connaît sa pire pénurie de logements en 15 ans, et à l’approche du dépôt du budget provincial le 10 mars, des organismes de défense des droits des femmes et du droit au logement demandent au gouvernement Legault de réagir rapidement.
« Rénoviction ». Reprises de logements par des propriétaires qui ne suivent pas la loi. Locataires qui ne connaissent pas leurs droits ou qui n’osent pas les faire respecter. Logements vidés pour être loués exclusivement sur Airbnb. Appartements neufs offerts à prix astronomiques. Logements insalubres, minuscules, qui ne garantissent pas la sécurité de leurs occupants. Discrimination envers les mères célibataires, leur nombre d’enfants, leur origine.
C’est dans ce contexte de « crise généralisée » que cinq regroupements de défense des droits des femmes et du droit au logement ont décidé d’unir leur voix, dimanche. Leur but : « dénoncer les conséquences dramatiques de la pénurie de logements sur les femmes locataires au Québec », comme l’a indiqué Céline Magontier du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), lors d’une conférence tenue à Montréal.
Les organisations proposent pour ce faire deux solutions au gouvernement. À savoir : la construction de 50 000 logements sociaux en cinq ans et un contrôle obligatoire et universel du prix des loyers.
Des mesures qu’elles estiment nécessaires, surtout étant donné la faible disponibilité pour les familles des grands logements, soit ceux comptant trois chambres et plus. Comme l’a rappelé Céline Magontier, les taux d’inoccupation dans ces cas sont encore plus bas : 0,7 % à Val-d’Or et à Montréal, 0,3 % à Joliette, 0 % à Drummondville et à Rivière-du-Loup, a-t-elle énuméré. « Nous sommes vraiment dans une situation déplorable. »
Cette situation touche d’autant plus les locataires en situation de vulnérabilité, remarque Valérie Gilker Létourneau, de l’R des centres de Femmes, qui dessert l’ensemble de la province avec ses 85 installations. « Nous travaillons avec toutes les femmes. Nous ne les découpons pas en mille morceaux. Par contre, les femmes racisées, [chefs de familles] monoparentales, ayant un handicap ou un faible revenu » sont particulièrement affectées par la situation.
Valérie Gilker Létourneau a ajouté que 5,2 % des femmes au Québec doivent avoir recours à l’aide sociale. Et que la somme de 644 $ par mois ne suffit guère à subvenir aux besoins fondamentaux. « Nous souhaitons donner une voix à ces femmes qui font partie de la grande famille du Québec, Monsieur Legault ! »
Maisons d’hébergement
Pour celles qui vivent des situations de violence conjugale ou familiale, le manque de lieux à louer a des répercussions plus tragiques encore. « Certaines d’entre elles se demandent : “si je vais en maison d’hébergement, vais-je trouver un logement à la sortie ?” Malheureusement, [cette crainte] fait en sorte que, souvent, elles vont rester avec un conjoint violent », a déclaré Manon Monastesse, de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF) qui regroupe 36 maisons au Québec.
Le besoin de logements abordables se fait d’autant plus pressant que les maisons d’hébergement elles-mêmes ont un taux d’occupation élevé. Par manque de place, la FMHF a dû refuser 15 000 demandes l’an dernier, a dit Manon Monastesse. « Dans de nombreuses maisons, le taux moyen d’occupation est de plus de 100 % en ce moment. Et à Chibougamau, il est de 134 %. »
« Ce sont 50 % des femmes qui, à la sortie de nos maisons, se retrouvaient encore dans une situation d’hébergement temporaire où leur sécurité pouvait être compromise à court ou moyen terme en 2018-2019. »
Durant cette même année, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a recueilli 2800 femmes et 2200 enfants dans la province. « Bien que la violence conjugale ne fasse pas de différence entre les différentes couches socio-économiques, au moment de quitter nos maisons, 55 % de ces femmes disposaient d’un revenu de 20 000 $ et moins », a souligné la coresponsable des dossiers politiques Louise Riendeau.
Tandis que la sécurité physique et psychologique des femmes est compromise, les reprises de logement illégales se multiplient, a pour sa part affirmé Marjolaine Deneault, du Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec. « On le voit énormément sur le terrain. Des propriétaires qui envoient une notice d’éviction sans respecter les délais ou les articles du Code civil. »
Et face aux propriétaires qui demandent de quitter les lieux, comme à ceux qui augmentent le loyer de façon faramineuse, nombreux sont ceux qui ont peur de réagir. « La contestation des hausses de loyer ne compte que pour 0,5 % des dossiers ouverts à la Régie du logement, a mentionné Marjolaine Deneault. Pour ne pas nuire à leur relation, et dans un contexte où il n’y a pas de logements disponibles, les locataires ne refusent pas la hausse. Même s’ils ont le droit de le faire. »
Dans un courriel au Devoir, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a déclaré travailler de pair avec sa collègue responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, pour s’assurer que « les personnes à la recherche d’un logement pourront en tout temps se loger dignement ». « Outre cela, nous respecterons notre engagement électoral qui est de livrer 15 000 unités de logement promises par le gouvernement précédent, mais jamais livrées faute de financement adéquat. »
Avec Leïla Jolin-Dahel