Quel verdict pour Harvey Weinstein?

Tout au long du procès, Harvey Weinstein a été décrit avec constance comme manipulateur, agressif, accroc au sexe, cynique, mais pour l’envoyer en prison, il faut la conviction qu’il a commis un acte criminel.
Photo: David Dee Delgado / Getty Images / Agence France-Presse Tout au long du procès, Harvey Weinstein a été décrit avec constance comme manipulateur, agressif, accroc au sexe, cynique, mais pour l’envoyer en prison, il faut la conviction qu’il a commis un acte criminel.

Le jury d’un tribunal pénal de Manhattan a entamé mardi ses délibérations après trois semaines et demie de procès du producteur Harvey Weinstein, dont le sort paraît incertain.

Celui qui fut jadis un des producteurs de cinéma indépendant le plus puissant au monde est-il coupable de viol et d’agression sexuelle, avec comportement prédateur comme circonstance aggravante ? C’est la question à laquelle vont devoir répondre à l’unanimité les douze jurés du procès.

En cas de désaccord persistant sur tout ou une partie des cinq chefs d’accusation, le procès serait annulé et un autre procès vraisemblablement organisé, avec de nouveaux jurés. « Vous allez devoir statuer sur la question ultime : est-ce que l’accusation a démontré la culpabilité [de l’accusé] au-delà du doute raisonnable ? », a expliqué aux jurés le juge James Burke, qui a présidé aux débats. « Vous devez appliquer [aux délibérations] le même sens commun […] que dans votre vie de tous les jours », a-t-il ajouté. Vers 11 h 30, le jury s’est retiré pour délibérer. Un peu après 16 h 30, le juge a suspendu leurs délibérations, qui reprendront mercredi matin.

On ne vous demande pas d’aimer [Harvey] Weinstein. Ce n’est pas un concours de popularité.

S’il est reconnu coupable de tous les chefs d’accusation, Harvey Weinstein (67 ans) encourt la prison à perpétuité compte tenu de la circonstance aggravante. Sa peine serait alors déterminée ultérieurement par le juge Burke. Il s’agirait de la première reconnaissance de culpabilité dans une affaire post-#MeToo, celle de l’acteur Bill Cosby résultant de poursuites entamées en 2015.

Si six femmes se présentant comme victimes ont témoigné au procès, parmi les plus de 80 qui ont accusé le producteur, seules deux sont au centre des débats, le reste des faits allégués étant prescrit. D’une part l’ancienne assistante de production Mimi Haleyi, qui affirme avoir été agressée sexuellement dans l’appartement new-yorkais d’Harvey Weinstein, en 2006. D’autre part, l’ancienne actrice Jessica Mann, qui assure, elle, avoir été violée par l’ancien patron du studio Miramax, dans une chambre d’hôtel en 2013. Harvey Weinstein assure que ces relations étaient toutes consenties.

« Pas un concours de popularité »

Tout au long du procès, Harvey Weinstein a été décrit avec constance comme manipulateur, agressif, accroc au sexe, cynique, mais pour l’envoyer en prison, il faut la conviction qu’il a commis un acte criminel.

« On ne vous demande pas d’aimer M. Weinstein. Ce n’est pas un concours de popularité », a exhorté l’une des avocates de la défense, Donna Rotunno, lors de sa plaidoirie, jeudi. « L’accusé n’a pas à prouver qu’il est innocent », a-t-elle poursuivi. « Peut-être est-il coupable, il est probablement coupable. Ce n’est pas suffisant. »

Dans un dossier sans preuve matérielle et sans témoin, concernant des faits anciens, qui plus est rapportés longtemps après, tout est suspendu au témoignage des deux victimes présumées.

 

Un verdict de culpabilité constituerait un tournant majeur pour le mouvement #MeToo, mais aussi pour la jurisprudence de ce type d’affaires, qui donnent très rarement lieu à des condamnations. Si le jury exonérait, au contraire, l’accusé, il fragiliserait le prolongement du mouvement devant les tribunaux. Même en cas d’acquittement, M. Weinstein aurait néanmoins encore à répondre d’autres inculpations pour deux agressions sexuelles à Los Angeles, annoncées début janvier.

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