Elle s’appelait Marylène

On a beaucoup parlé, ces dernières semaines, de Marylène Levesque et des circonstances sordides dans lesquelles elle a été assassinée, dans un hôtel de Québec. Mais qui était-elle vraiment ?
« C’était quelqu’un qui rayonnait de plus en plus », raconte celui qu’elle considérait comme un père, François Goulet. Il a connu « Mary », comme plusieurs la surnomment, alors qu’elle n’était qu’une enfant et qu’il fréquentait sa mère.
Marylène et François se sont ensuite perdus de vue avant de renouer il y a quelques années. Depuis, les deux se textaient presque tous les jours, explique-t-il.
« Elle s’intéressait à tout, pouvait jaser de chats, de chiens, d’oiseaux. De ce qui se passe dans le monde, ce que les gens vivent ailleurs. Si elle avait été là, elle aurait parlé de l’Australie ou de bouffe. C’était facile de parler avec elle de n’importe quoi. »
Originaire de Chicoutimi, Marylène a grandi en partie auprès de sa mère, en partie dans des familles d’accueil. Elle avait quitté sa ville natale pour Québec à la fin de l’adolescence, avant d’y revenir après une rupture amoureuse.
Depuis, elle faisait la navette entre les deux villes, et venait passer deux jours par semaine dans la capitale pour le travail. Puisqu’elle n’avait pas encore son permis de conduire, elle faisait le voyage en autobus ou via des services de covoiturage.
Marylène travaillait au salon de massage érotique Paradise Gentleman, dans une zone industrielle du coeur de la ville. Elle a été retrouvée morte le 22 janvier, à l’Hôtel Sépia, où elle avait rencontré un client, Eustachio Gallese qui s’est lui-même dénoncé à la police pour le meurtre.
L’affaire a fait grand bruit parce que M. Gallese, alors en semi-liberté, avait obtenu le droit de rencontrer des femmes par son agente de libération conditionnelle « seulement afin de répondre à [ses] besoins sexuels ». Et ce, en dépit du fait qu’il avait tué son ex-conjointe en 2004.
Une jeune femme solide
Les proches de Marylène savaient, pour la plupart, qu’elle gagnait sa vie en se prostituant. Mais elle leur en parlait peu et, quand elle le faisait, c’était le plus souvent pour en rire ou l’évoquer à la légère.
Surtout, disent-ils, elle n’était pas que ça. Plusieurs ont dû la défendre sur les réseaux sociaux depuis sa mort, alors que des mauvaises langues lui reprochaient de s’être placée dans une situation à risque.
D’autres travailleuses du sexe l’ont aussi défendue. « Elle ne cherchait rien. Elle voulait faire son métier puis ce n’est pas de sa faute si elle s’est fait tuer », remarquait jeudi Charlotte, une escort qui fait du bénévolat pour le projet L.U.N.E.S, un groupe d’entraide pour les travailleuses du sexe. « Il y a des escorts qui sont des mères, des soeurs, ont d’autres jobs de jour qui sont considérées comme normales ».
Mary, dit François Goulet, n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds ou se faire dire quoi faire. C’était une femme forte, débrouillarde, affirmée et en même temps, elle avait un côté « gamine » et pouvait faire preuve « d’une sorte d’insouciance ».
Elle avait à peine 22 ans quand elle a été assassinée. Malgré son jeune âge, elle exerçait le métier depuis déjà cinq ans, a confié une autre personne de son entourage. Sur certaines photos récentes, elle a encore l’air d’une adolescente. Or, sur d’autres, on pourrait lui donner dix ans de plus.
Décrite par ses proches comme une jeune femme « sensible », elle s’était aussi beaucoup endurcie par rapport à son travail. Une part d’elle avait envie de passer à autre chose, croient ses proches. Mais ce n’est pas facile de retomber au salaire minimum quand on a l’habitude de gagner en deux heures l’équivalent de deux semaines de travail.
Comment avait-elle commencé à se prostituer ? Ces circonstances restent nébuleuses. Mais chose certaine, Marylène n’a pas eu une jeunesse facile, étant passée par plus d’une famille d’accueil, a confié une personne proche d’elle.
Des rêves simples
À la vue des photos qui circulent sur les réseaux sociaux, on est d’abord frappé par sa grande beauté. De longs cheveux, souvent blonds, parfois bruns et tout récemment roses. Un sourire ravageur. Coquette, elle collectionnait les égoportraits. « Une femme fière de sa personne, toujours bien mise avec un goût de l’esthétisme très raffiné », ont écrit ses amis sur la plateforme où ils récoltent des fonds pour payer ses frais funéraires.
Mary n’avait pas de rêves de gloire, mais aspirait à des choses simples, pense François Goulet. Une vie tranquille avec son copain Gabriel, peut-être des enfants.
Joint cette semaine, Gabriel n’a pas voulu nous parler, préférant vivre son deuil en privé. Sa page Facebook déborde de chagrin. « Je revivrais toute une vie pour avoir encore tout ces moments avec toi / je t’aime mon amour / repose-toi la haut tu le mérites plus que n’importe qui / tu tes battue là où on aurais tous lâché », a-t-il écrit. « Ils étaient très amoureux », raconte M. Goulet.
Marylène était aussi très attachée à ses amis de Québec, dont Max et Michael, chez qui elle vivait la semaine. Avec deux autres amies de Québec, c’est eux qui ont lancé la campagne de sociofinancement.
Sur ses photos, elle pose presque tout le temps avec son chien. Elle y était tellement attachée que son nom — Enzo — apparaît dans sa notice nécrologique, après ses demi-frères et demi-soeurs, tout près du nom du chat.
Elle aimait tout ce qui concerne l’esthétique et disait parfois vouloir reprendre ses études pour devenir architecte ou designer, raconte François Goulet. Elle dessinait, faisait des plans de maisons sur son ordinateur, raffolait de tout ce qui était « vintage » et courait les marchés aux puces en quête de trouvailles.
Son ami Max et elle caressaient aussi le projet de lancer une chaîne de cosmétiques ensemble.
En entrevue à la radio peu de temps après le drame, il a mentionné qu’elle adorait les pivoines et qu’il n’en manquerait pas à ses funérailles cette fin de semaine. Ses proches lui rendront hommage, ce vendredi, dans un salon funéraire de Chicoutimi et lors d’une cérémonie d’adieu samedi à la chapelle Notre-Dame de Grâce.