L’égalité des congés parentaux réclamée par les parents adoptifs

Luis Olano est revenu de Thaïlande avec sa conjointe en compagnie de deux jeunes enfants il y a seulement dix jours.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Luis Olano est revenu de Thaïlande avec sa conjointe en compagnie de deux jeunes enfants il y a seulement dix jours.

Des groupes de parents adoptants et des organismes de soutien ont fait front commun dimanche pour presser le gouvernement Legault d’amender son projet de loi 51 afin qu’il offre la même durée de congé aux parents adoptifs qu’aux parents biologiques. Car au sommet des besoins de l’enfant adopté, disent-ils, figure le temps, à la fois pour tisser les liens comme pour s’adapter à son nouvel environnement.

Trois jours après le dépôt du projet de loi visant à bonifier le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et à lui donner plus de flexibilité, ces groupes, appuyés par le Parti québécois, ont reproché à la Coalition avenir Québec de perpétuer une situation qu’ils décrivent comme purement discriminatoire.

« Nous demandons une égalité de traitement parce que les enfants ont besoin d’au moins un an à la maison avec leurs parents », a dit Anne-Marie Morel, présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ), mère de deux enfants, dont une fille adoptée aux Philippines.

Les familles biologiques bénéficient présentement de 55 semaines de congé au total, c’est-à-dire 32 semaines de congé parental, 18 semaines exclusivement pour la mère et 5 semaines pour le père. Dans le cas d’une adoption, le congé dans son ensemble est de 37 semaines. La CAQ s’était engagée à mettre un terme à cette situation lors de la campagne électorale, a insisté Mme Morel.

Parmi les mesures du projet de loi présenté jeudi par le ministre du Travail, Jean Boulet, figure l’octroi de cinq semaines de prestations exclusives à tous les parents adoptants. En outre, pour une adoption hors Québec, « cinq semaines exclusives supplémentaires seraient ajoutées pour les parents devant séjourner à l’extérieur du Québec ».

En ne proposant pas la même durée de congé parental à tous, a affirmé la députée Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois en matière de famille et mère adoptive, le gouvernement a commis « une énorme omission ».

« C’est un projet de loi d’autant plus injuste que non seulement il continue à discriminer les enfants adoptés et les enfants biologiques, les familles adoptives et les familles biologiques, mais il crée une nouvelle couche de discrimination puisqu’il donne cinq semaines de congé supplémentaire aux enfants adoptés à l’international par rapport à ceux adoptés au Québec. »

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Pour la députée Véronique Hivon, elle-même mère adoptive, le gouvernement a commis «une énorme omission» en ne proposant pas la même durée de congé parental à tous.

Selon Mme Hivon, il coûterait au maximum « entre 4 et 5 millions » par année pour offrir les mêmes congés à tout le monde, sur un budget annuel d’environ deux milliards au RQAP.

Outre la FPAQ étaient présents dimanche le RAIS Ressource Adoption, l’Association Emmanuel, l’Association de parents pour l’adoption québécoise, PETALES Québec et l’Hybridé, de même que plusieurs familles. « On a besoin de beaucoup de temps », a confié Luis Olano, qui est revenu de Thaïlande avec sa conjointe en compagnie de deux jeunes enfants il y a seulement dix jours. « Pensez seulement à la langue. Ils parlent thaï. Il faut leur enseigner le français et l’espagnol. Et on doit aussi travailler l’attachement. »

Explications du ministre

 

En conférence de presse jeudi, le ministre Boulet avait déclaré, selon les médias présents à Québec, qu’il faut tenir compte des « effets physiologiques d’une grossesse et d’un accouchement » et que le projet de loi fait suite à un « examen rigoureux » de la question. « Ce n’est pas nécessairement les mêmes effets pour les parents adoptants », a dit le ministre.

Invité à réagir dimanche, son cabinet a renvoyé Le Devoir à une présentation faite par le ministre à Trois-Rivières jeudi qui se trouve sur la page Facebook de son ministère. Conscient de « la promesse d’assurer une équité de traitement » déjà faite par la CAQ, M. Boulet a affirmé que « le fait de ne pas reconnaître le droit des femmes enceintes à des semaines supplémentaires serait discriminatoire à leur égard, à la lumière de l’état du droit et de la jurisprudence de tribunaux supérieurs, de même que de la Cour suprême du Canada ».

Selon M. Boulet, il y aurait eu « des risques extrêmement sérieux de poursuites judiciaires de la part des mères biologiques si jamais on avait donné exactement le même nombre de semaines aux parents adoptants qu’aux parents biologiques ». Pour les parents adoptants qui vont à l’international et qui ont recours au régime de base du RQAP, a-t-il ajouté, « l’écart n’est que de trois semaines » au total, « donc c’est un écart qui est substantiellement réduit ».

Mme Hivon a souligné dimanche que personne ne remet en cause les réalités physiologiques pour la mère. « Mais opposer les types de maternité, de parentalité, les besoins des enfants selon qu’ils soient biologiques ou adoptés, c’est vraiment faire fausse route. »

Si jamais le projet était adopté tel quel, la FPAQ, qui préfère d’abord le dialogue pour convaincre la CAQ, serait prête à prendre part à une action en justice lorsqu’il entrera en vigueur, a dit Mme Morel.

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