Temps supplémentaire obligatoire: une pratique qui doit cesser

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicats
Les 15 et 16 novembre se déroulaient dans le réseau de la santé, les journées sans TSO (pour Temps supplémentaire obligatoire), orchestrées par la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ). Un événement qui visait à sensibiliser la population sur une pratique qui oblige infirmiers et infirmières à travailler jusqu’à 16 heures par jour. S’ensuivent de la détresse psychologique, de la fatigue et un risque accru d’erreurs professionnelles, dans la médication aux patients notamment.
Le déficit zéro, l’optimisation des ressources, la rationalisation et l’austérité budgétaire du précédent gouvernement ont fini par créer le chaos dans les établissements de santé et le personnel infirmier en a été une importante victime, selon Nancy Bédard, présidente de la FIQ. Le principal problème est le TSO, une pratique qui devait être exceptionnelle et le rester, mais qui s’est institutionnalisée au fil des ans.

Selon des données du ministère de la Santé et des Services sociaux, plus de 13,5 millions d’heures supplémentaires ont été réalisées par le personnel infirmier dans les établissements de santé au Québec en 2017-2018. De ce chiffre, on ne sait toutefois pas combien de ces heures ont été imposées par l’employeur.
Une autre donnée est encore plus éclairante. Selon un document interne de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), le personnel infirmier de cet établissement a fait, en 2018, 5000 heures en TSO, heures supplémentaires volontaires exclues. Cela représente une moyenne par jour de 13,69 heures. Au premier trimestre 2019, cette moyenne avait encore grimpé à 15,19 heures.
Des conséquences sérieuses
La pratique du TSO, qui persiste depuis des années, entraîne deux importants effets pervers. « Beaucoup de notre personnel, épuisé, se retire et se met en congé de maladie, et d’autres préfèrent travailler à temps partiel pour tenir le coup », affirme Mme Bédard. Deux phénomènes qui ajoutent une pression supplémentaire sur les infirmières demeurant dans le système.
Le TSO, que Mme Bédard qualifie de violence organisationnelle, a aussi des effets négatifs sur la rétention du personnel. « Des infirmières quittent prématurément le réseau en prenant leur retraite plus tôt, par exemple », indique-t-elle, ajoutant que cela réduit aussi l’attrait qu’exerce la profession auprès des jeunes.
Mme Bédard déplore que l’un des moyens utilisés par les gestionnaires pour obliger le personnel à faire du TSO soit d’évoquer le code de déontologie de la profession, chose qu’ils n’ont pas le droit de faire. Selon ce code, « les infirmières ont l’obligation d’assurer la continuité des soins en attendant une relève compétente ».
Des solutions à l’horizon ?
Le phénomène du TSO est bien connu de la ministre de la Santé, Danielle McCann. En campagne électorale, elle a d’ailleurs promis d’exiger des établissements de santé qu’ils cessent cette pratique. Il y a quelques mois, elle a aussi annoncé l’injection de 200 millions de dollars dans ces établissements. « Nous n’avons toutefois pas encore senti les effets de cette injection de fonds, et pas non plus constaté un changement significatif de pratique sur le terrain », déplore Mme Bédard, qui ajoute que la ministre sait exactement ce qu’il faut faire pour corriger la situation.
La présidente de la FIQ connaît aussi les solutions. « Il faut offrir des postes à temps complet aux infirmières auxiliaires dont beaucoup ne travaillent qu’à temps partiel, offrir des horaires de travail mieux planifiés, des opportunités de travail plus intéressantes et une stabilité au personnel », énumère-t-elle.
Un espoir pointe peut-être à l’horizon. Récemment, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Est-de-l’île-de-Montréal a annoncé qu’il s’engageait à rehausser les postes d’infirmières auxiliaires à son emploi. Pour Nancy Bédard, c’est une excellente nouvelle et elle espère que cela sera imité par d’autres CISSS et CIUSSS.
Parallèlement à cela, Mme Bédard croit qu’il faut aussi annoncer rapidement le déploiement des ratios professionnels de soins / patients. Ces ratios visent à donner au personnel infirmier des conditions leur permettant de dispenser des soins de qualité et sécuritaires pour eux-mêmes et leurs patients. C’est une revendication de la FIQ depuis des années. « Aux endroits où cela a été fait, les résultats sont au rendez-vous et le personnel infirmier se retrouve avec une charge de travail plus acceptable », démontre-t-elle. Selon elle, cela n’a aucun sens qu’une infirmière ait une centaine de patients à sa charge.
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