Profession: dirigeant de fondation

Ce texte fait partie du cahier spécial Philanthropie
Dans un monde philanthropique en pleine transformation, qu’est-ce qui fait un bon dirigeant de fondation ? Formation, compétences, qualités personnelles ; qu’est-ce qui compose l’ADN des détenteurs de postes de haute direction dans le monde de la philanthropie ? Entretien sur le sujet avec Diane De Courcy, directrice générale de l’Association des professionnels en gestion philanthropique (APGP).
Existe-t-il un profil type de dirigeant de fondation ?
Plutôt que de profil, on pourrait parler de compétences communes. Les dirigeants de fondation ont d’abord un fort niveau d’empathie, autant envers les personnes qui bénéficient des services de l’organisme qu’envers les philanthropes. Ils comprennent les motivations de ces donateurs et leurs besoins particuliers.

Ce sont ensuite de solides experts en gestion de projets, qui arriment les intentions des philanthropes aux besoins des personnes touchées par la cause. Enfin, ils font preuve d’intégrité en tous points de vue, parce qu’ils manipulent beaucoup d’argent, et pour ne pas être en porte-à-faux avec la cause.
Un autre aspect important du dirigeant est qu’il sait comment se comporter dans le monde de la philanthropie. Certains apprennent par eux-mêmes le métier et ses techniques, d’autres suivent des formations, notamment le certificat en gestion philanthropique de l’Université de Montréal.
Quels sont les défis liés à la transformation du monde philanthropique ?
La transformation majeure aujourd’hui est d’ordre générationnel. La jeune génération envisage son rôle en philanthropie de façon un peu différente que ses aînés, en étant plus mobile dans les causes qu’elle soutient et en ayant le désir d’être impliquée plus activement. On s’ajuste grâce à la formation continue et en se rapprochant de ceux qui nous donnent généreusement.
L’autre changement dans le domaine concerne le numérique. Si le courrier postal est encore très important, le courriel et les médias sociaux doivent être intégrés pour diffuser l’information et solliciter les personnes. Cela inclut également notre nouvelle capacité à faire parler les données que nous avons recueillies depuis des années, qui mettent en lumière le profil des donateurs et leurs intérêts.
Quels sont les outils qu’offre votre association pour s’adapter à ces changements ?
L’APGP regroupe 355 membres qui proviennent de tous les horizons et de partout au Québec : des organisations, des individus ou des étudiants qui ont un intérêt pour la philanthropie. Nous contribuons à la recherche de bons candidats pour le milieu grâce à notre service d’offres d’emploi (envoyées à 900 personnes environ).
Nous entamons également cette année un virage assez important dans la formation. Nous avons ainsi développé un partenariat avec le Carrefour philanthropique de données de l’Institut de valorisation des données (IVADO) de l’Université de Montréal. Des étudiants de HEC et le Laboratoire en philanthropie des données analyseront les données d’organismes en philanthropie. C’est une formule intéressante pour accélérer l’appropriation des données.
Les firmes Prospek et Morin Relations publiques ont aussi décidé d’unir leurs forces pour donner bénévolement 12 heures de conseil en communication. Le Collectif 109 — pour « sang neuf » et pour « 109 minutes / heures / dollars » — permet d’offrir des formations en communication à moindre coût.
Plus de besoins que de personnel
Comme dans plusieurs domaines, la pénurie de main-d’oeuvre frappe le domaine de la philanthropie. « Il y a toujours eu plus d’offres d’emploi que de demande dans le secteur, mais c’est particulièrement un problème en ce moment », affirme Sylvie Battisti, vice-présidente Talent chez KCI, une firme d’experts-conseils dans le secteur. Diane De Courcy, directrice de l’APGP, considère plutôt la question sous l’angle de la mobilité : « Un peu comme les jeunes philanthropes sont mobiles, cette main-d’oeuvre l’est aussi. »
Tous les corps d’emplois sont touchés par ce manque à gagner, mais le recrutement de dirigeants et de membres du CA est particulièrement délicat pour les OBNL comme les fondations, qui cherchent de bons gestionnaires intègres, avec une intelligence émotionnelle et sociale, et partageant les valeurs de l’organisme. « Nous sommes en compétition avec le milieu privé, qui offre de meilleurs salaires », explique Mme Battisti.
Travailler pour un organisme de philanthropie offre par ailleurs des avantages sociaux intéressants. Mais surtout, « ces postes offrent l’occasion à des gens qui le veulent d’avoir un impact sur les autres et la société », souligne Mme Battisti. « La jeune génération va avoir le coeur à l’ouvrage pour aller dans des organisations qui offrent un salaire modeste, pour que le maximum de l’argent amassé profite à la cause. Elle va être prête à faire ce sacrifice-là », remarque Mme De Courcy.
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.