SNC-Lavalin avait besoin de l’aide d’Ottawa en Libye

Avant de bénéficier de l’aide du fils de l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi, SNC-Lavalin aurait tenté d’obtenir l’appui du gouvernement canadien pour régler une importante réclamation sur un contrat en Libye.
« Ils ont essayé d’obtenir l’aide par le biais [du ministère] des affaires étrangères à travers Bob Blackburn [responsable des relations gouvernementales chez SNC-Lavalin] », a déclaré Riadh Ben Aïssa.
En contre-interrogatoire mercredi, le témoin vedette a raconté qu’à la fin des années 1990, SNC-Lavalin ne savait plus où donner de la tête pour récupérer l’argent réclamé à la Great Man-Made River Authority (GMRA) en lien avec un projet de construction qui avait mal tourné.
Sans entrer dans les détails, M. Ben Aïssa a laissé entendre devant le jury que l’aide du gouvernement canadien n’a finalement pas été obtenue.
C’est à ce moment que l’ex-président directeur général, Jacques Lamarre, lui aurait confié le « challenge » d’aller en Libye pour régler la réclamation, a-t-il soutenu.
« Si tu peux [la régler], ce sera un miracle et tu auras ce que tu veux », lui aurait dit le p.-d.g. de l’époque en présence de son supérieur immédiat Sami Bebawi.
M. Bebawi fait face à huit chefs d’accusation de fraude, de recyclage de produits de la criminalité, de possession de biens volés et de corruption d’un agent public étranger. M. Bebawi a plaidé non coupable à toutes les accusations.
Primes de réussite
Aux yeux de la firme, c’était pratiquement une mission impossible qu’on confiait à M. Ben Aïssa. Si bien que, s’il réussissait à régler la réclamation, M. Lamarre s’est engagé à lui verser la moitié de la somme récupérée, qu’il partagerait 50 / 50 avec M. Bebawi.
« J’étais très étonné, ce n’était pas habituel », a indiqué M. Ben Aïssa.
Le témoin a insisté sur le fait que ce bonus n’est pas lié au stratagème des sociétés écrans suisses utilisées par la suite pour y verser les commissions des contrats qu’il réussissait à obtenir en Libye. Le stratagème aurait été implanté en 1999, a-t-il assuré. M. Ben Aïssa a rapporté avoir rencontré M. Bebawi au Caire, en Égypte, où l’accusé lui aurait présenté sa philosophie.
« Quelque temps après, [M. Bebawi] m’a dit au téléphone, “by the way, j’ai parlé à Jacques Lamarre et il m’a dit que mes bonus sur les contrats, je vais les prendre avec toi” », a-t-il dit.
Au cinquième jour du procès de Sami Bebawi, la défense a tenté de placer M. Ben Aïssa en contradiction avec les déclarations qu’il a notamment faites aux enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
« Je vous soumets, monsieur Ben Aissa, [le fait] que la rencontre au Caire n’aurait pas pu avoir lieu en 1999 et qu’en fait, elle n’aurait jamais eu lieu avec M. Bebawi », lui a suggéré Me Alexandre Bien-Aimé.
« Alors là, je ne vous permets pas de dire ça, ok ? Je fais une grosse objection à ça […] J’ai même donné des détails de cette rencontre. Sami Bebawi, la première fois que je le vois, il a Nokia communicator 9210, un téléphone qui s’ouvrait. Il n’y avait pas beaucoup de monde qui avait ça et ça m’avait frappé. Alors je ne vous permets pas de dire ça », lui a répondu M. Ben Aïssa.
Le contre-interrogatoire de M. Ben Aïssa se poursuit vendredi au palais de justice de Montréal.