Récit d’un Halloween rebelle

Maelly et Charlotte n’ont pas craint la pluie, ni les rencontres inquiétantes, pour aller cogner aux portes, jeudi soir, à Rosemont.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Maelly et Charlotte n’ont pas craint la pluie, ni les rencontres inquiétantes, pour aller cogner aux portes, jeudi soir, à Rosemont.

Qui aurait cru que l’Halloween pouvait diviser le Québec à ce point ? Après l’annonce du report des tournées de bonbons par des dizaines de municipalités, une certaine confusion idéologique régnait : faut-il ou ne faut-il pas envoyer les enfants dans les rues le soir même de la fête macabre ? L’interdit municipal est-il un excès de zèle, de l’ingérence dans la vie familiale, ou une sage décision ?

Jeudi matin, le premier ministre, François Legault, a refusé de se mouiller. « Je respecte l’autonomie des municipalités. Donc, dépendamment de la température dans chacune des municipalités, ce sera à eux autres de décider », déclarait-il dans les couloirs de l’Assemblée nationale.

« Moi, je veux souhaiter une bonne fête d’Halloween à tous les petits monstres du Québec, que ce soit ce soir ou demain soir. »

La population a-t-elle finalement tranché la question ? Le Devoir est allé passer l’Halloween jeudi soir — bravant le report annoncé par la Ville de Montréal — dans le secteur du parc Molson de l’arrondissement Rosemont, habituellement un haut lieu des festivités du 31 octobre. Il a certes fini par rencontrer quelques « résistants » autoproclamés, mais pas de hordes de zombies, squelettes et magiciens battant le pavé sous la pluie battante. Récit d’un Halloween rebelle.


Qui aurait cru que l’Halloween pouvait enflammer le Québec?  

L’histoire d’un 31 octobre

En fin d’après-midi, à l’heure des tout-petits, personne ne s’était encore lancé. Chez Alexandre, on n’avait pas cogné à la porte au moment de notre passage.

« Habituellement, en quinze minutes,on a 200 enfants. Ce soir, rien encore », dit-il.

« L’an dernier, en une heure ou deux, on n’avait plus de bonbons », ajoute sa grande fille, Laurence. La petite Simone de 5 ans, déguisée en coccinelle, fait son entrée sur le perron. Va-t-elle aller faire le tour du quartier en quête de bonbons ce soir ? « Oui, je fête l’Halloween quand même », s’exclame-t-elle.

Cette année, on s’est fait voler notre Halloween !

 

Non loin de là, une maison décorée de toiles d’araignée semble d’autant plus hantée qu’aucune lumière n’est allumée à l’intérieur. Gisèle nous répond. « D’habitude, on arrête de donner des bonbons après 400 enfants, sinon ça fait trop », dit-elle. Cette année, la distribution attendra au 1er novembre.

La pluie tombe avec modération, la noirceur tombe, et pourtant, vampires, pompiers et agents secrets ne sortent pas de leur repère. Mais soudain, deux petits enfants, apparemment des sorciers sous leur manteau, surgissent.

 

« On essaie de trouver des bonbons », expliquent-ils.

Sitôt leur quête avancée d’un sachet de plus, ils bondissent vers la voiture qui les attend et poursuivent leur tournée à l’abri.

Sur un balcon, une sorcière scrute les environs, dans l’espoir de voir passer des enfants déguisés. Au bout de la rue, quelques silhouettes se dessinent. Deux petits, accompagnés de leur mère, sont en plein porte-à-porte. Finalement, y aura-t-il un peu d’Halloween ce soir ?

« Ben oui ! répond l’une des mères. Les parents, on a des choses à faire les autres soirs de la semaine. Si c’était si horrible la météo, on n’enverrait pas nos enfants passer l’Halloween de toute façon. On a du jugement. »

« C’est un peu démesuré, ajoute Joanne, l’autre mère. Comme parent, on sait ce qu’il faut faire. » Pendant ce temps, leurs deux petits sonnent à une autre porte. Elle s’ouvre. « On va aller chercher des bonbons, on n’était pas prêts », leur dit-on avec enthousiasme.

Cependant, c’est bien devant le cinéma Beaubien que Le Devoir a rencontré la faction la plus brave. Un pirate, un clown et une licorne, notamment, se posaient même en « résistants ».

« Tout le monde est confus, lance l’un des grands. La soirée est parfaite, pourtant. On a connu le froid. On a connu la neige. Là, c’est juste un peu de pluie. »

« Cette année, on s’est fait voler notre Halloween », clame-t-il, sûrement un peu ironique.

Le groupe avait convaincu ses voisins de défier les instructions municipales en leur compagnie. « Ce qui nous dérange, c’est que la Ville nous a dit quoi faire », explique une dame à la perruque bleu et à l’imperméable jaune.

Il est maintenant passé 18 h et la première soirée d’Halloween de la semaine semble avoir pris son envol, aussi modeste soit-il. Quelques dizaines d’enfants déambulent dans les rues autour du parc Molson. La bonne humeur règne, et le mauvais temps n’est finalement pas si mauvais. Le tout se fait dans le calme et la bonne humeur.

Sauf peut-être pour un garçon. Ce jeune superhéros a cogné des dizaines de fois à une porte, sans succès. Les hôtes l’ignorent royalement. Incrédule, il continue à frapper jusqu’à ce que son père vienne s’emparer de lui par la force des bras. À cette adresse, l’Halloween c’est vendredi.

Avec Marco Bélair-Cirino

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