Collaborer pour améliorer un milieu de vie

Ce texte fait partie du cahier spécial Développement durable
L'été dernier, un stationnement en mauvais état des Habitations La Pépinière, des habitations à loyer modique (HLM) dans l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, a été repavé par l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM). L’idée venait de locataires : ils souhaitaient que ce lieu abandonné serve aux activités des enfants et à la socialisation entre voisins. En parallèles des travaux, ils ont commencé à établir un plan pour l’utilisation de cet espace commun.
Ce réaménagement découle d’un projet de recherche pas comme les autres. Piloté par Janie Houle, professeure du Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, le projet Synergie tente de renforcer le pouvoir d’agir des habitants de ces HLM. Pour déterminer les meilleures manières de maintenir une bonne santé mentale chez les populations vulnérables, quoi de mieux que de mettre à contribution les principaux concernés ? « Ce qui est important quand on fait la recherche avec des gens défavorisés économiquement, c’est d’aller près d’eux, dans leur milieu de vie, pour comprendre leur réalité », rappelle Janie Houle.
Une trentaine de locataires se sont ainsi engagés dans Synergie et se rencontrent sur une base régulière. Parmi les initiatives concrètes découlant de ce projet, notons la publication le 30 août dernier d’un premier journal destiné aux locataires. Dans celui-ci, les participants ont notamment inscrit les coordonnées d’une foule de ressources et de services, avec les trajets en transport en commun pour s’y rendre.
La grande originalité de Synergie réside plus particulièrement dans sa manière de réduire la distance entre les citoyens et les professionnels à des postes de décision. Les directions de l’OMHM, du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, de Mercier-Ouest Quartier en santé, ainsi que le maire de l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve,Pierre Lessard-Blais, participent aussi au projet. En plus de prendre part à des rencontres de coconstruction avec les locataires, ces décideurs se sont engagés à innover et à faire preuve d’ouverture à l’égard des besoins exprimés par ces derniers.
« On a un droit de parole devant des gens qui peuvent faire d’autres changements que ceux qu’on peut juste faire comme citoyens. C’est déjà un grand pas », croit Jean-Simon Brisebois, un locataire impliqué dans Synergie. Il trouve « valorisant » d’être autour de la même table que ces décideurs et assure qu’ils « sont à l’écoute ». Janie Houle observe déjà grâce au projet que les locataires ont renforcé leur réseau social, ont appris à développer une conscience critique de leur environnement, mais aussi comprennent mieux comment se prennent les décisions. À ses yeux, la démarche semble aussi formatrice pour les hauts dirigeants, touchés par l’expérience de vie exprimée par ceux qui vivent avec les conséquences des choix de leur administration.
L’idée d’intégrer des personnes en poste de pouvoir dans une recherche participative est venue à Janie Houle lors de frustrations rencontrées dans un autre de ses projets, Flash sur mon quartier. Celui-ci visait à améliorer le pouvoir d’agir des locataires de six HLM sur leur environnement résidentiel. « Les locataires avaient des désirs, des souhaits, mais on n’avait pas les acteurs en place pour prendre les décisions en mesure de leur permettre de réaliser leurs objectifs », raconte Janie Houle.
Elle a proposé cette nouvelle formule en 2017 au programme Audace des Fonds de recherche du Québec, qui lui a accordé un financement de plus de 125 000 $. Depuis, le projet prend de l’ampleur. Grâce au soutien additionnel de la Fondation de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, Synergie va s’étendre à quatre autres lieux. La chercheuse pourra ainsi déceler les différences et les similitudes dans ce qui freine ou facilite la concrétisation des changements souhaités, et distinguer ce qui peut être généralisable à l’ensemble des HLM.
Et le nombre d’acteurs impliqués pourrait être appelé à s’élargir. «On s’est rendu compte que même les hauts dirigeants sont pris parfois dans des contextes qui les empêchent de réaliser les changements désirés par les locataires», signale Janie Houle.
Métamorphose d’un autre stationnement
Le stationnement repavé l’été dernier n’est pas le premier des HLM La Pépinière à être revitalisé. L’un d’eux a retrouvé des couleurs dans les dernières années grâce à une démarche de verdissement piloté par le Projet Harmonie, un organisme communautaire mis sur pied en 1995 pour améliorer ce milieu de vie. Nommée Vert l’harmonie, cette mobilisation citoyenne amorcée en 2013 cherchait à redonner une nouvelle vie à ce lieu abandonné pour réaliser de l’agriculture urbaine, favoriser la sécurité alimentaire et réduire les îlots de chaleur. « Dans ce stationnement, il y avait des dépôts de déchets ou des attroupements nocturnes, qui créaient de l’insécurité chez les habitants, explique Marie-Ève Lapointe, directrice adjointe de Projet Harmonie. C’est né de leur volonté ce projet. » Une serre a été construite et des bacs de jardinage ont été aménagés. Depuis, plusieurs locataires ont mis la main à la terre, ont planté des semis et arrosé les végétaux, tandis que les fruits et légumes produits sont utilisés par d’autres habitants à l’intérieur des cuisines collectives. « Les gens en retirent une grande fierté », constate Marie-Ève Lapointe. De plus, cet endroit favorise les rencontres entre voisins et brise la solitude, en plus de permettre aux jeunes de renouer avec la nature grâce à un programme d’éducation sur l’environnement. Le jardin a notamment été certifié Jardin pour la biodiversité par Espace pour la vie et une volière à papillons a été installée l’été dernier. Les enfants peuvent entrer dans cette dernière et être entourés de ces insectes, qui inspirent, tout comme Vert l’harmonie, de belles métamorphoses.
Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.