Développement durable: vers un tourisme d’affaires plus propre

Hélène Roulot-Ganzmann Collaboration spéciale
Le mont Albert, situé dans le parc national de la Gaspésie
Photo: Mathieu Dupuis Le mont Albert, situé dans le parc national de la Gaspésie

Ce texte fait partie du cahier spécial Tourisme d'affaires

Les organisateurs de congrès et d’autres événements d’affaires ont tous bien conscience de l’empreinte écologique qu’ils génèrent et de l’importance de poser des gestes écoresponsables. Reste maintenant à passer véritablement à l’action.

Catherine Noppen est enseignante à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et spécialiste en gestion responsable d’événements. Elle raconte qu’avec ses collègues, ils se disent souvent à la blague que la véritable et seule façon d’organiser des événements écoresponsables, c’est de ne pas organiser d’événement du tout.

« Quoi que l’on fasse, on émet toujours des gaz à effet de serre (GES), ajoute-t-elle. Cela dit, les organisateurs d’événements sont aujourd’hui très conscients de l’importance de poser des gestes écoresponsables. Rien n’est encore complètement installé, mais la volonté est là. »

Crédits carbone

 

Le pôle le plus polluant en matière de tourisme d’affaires : le transport, et ce, quelle que soit la taille de l’événement. Il faut faire venir tout le monde sur le site, des quatre coins du Québec, du Canada et parfois de la planète.

« Lorsque ce sont des rassemblements à l’échelle locale ou régionale, les organisateurs proposent de plus en plus aux conférenciers et aux participants des moyens d’éviter de venir en voiture solo, explique Mme Noppen. Il y a l’option du train, du bus ou du covoiturage. »

Sauf que les participants s’y prennent bien souvent à la dernière minute et qu’ils sautent finalement dans leur voiture pour rejoindre la ville hôte. Sans parler de ceux qui viennent de la Nouvelle-Zélande ou du Japon pour participer à un congrès à Montréal. Pour eux, la seule solution est de prendre un vol. Quel que soit le mode de transport emprunté, les touristes d’affaires sont alors très souvent incités à compenser leurs émissions de GES.

« Il y a différentes formules, explique Catherine Noppen. Les participants sont invités, soit au moment de l’inscription, soit sur place, soit encore par l’entremise des compagnies aériennes, à calculer leurs émissions de GES et à les compenser en donnant de l’argent à une compagnie qui va planter des arbres. L’idée est là, mais en réalité, bien peu de gens encore la suivent. »

Selon Mme Noppen, cela vient d’un manque de confiance. Les gens calculent et ils sont invités à payer. Mais là, ils se demandent si l’arbre sera vraiment planté et si cela compense vraiment leurs émissions.

« Pourtant, tous les spécialistes s’accordent pour dire que planter des arbres demeure aujourd’hui la compensation la plus efficace, souligne Mme Noppen. Si on ne se résout pas à arrêter de prendre l’avion, il va falloir planter des arbres. »

Norme québécoise en gestion responsable d’événements

Il manquerait cependant d’incitatifs pour que les gestes posés soient vraiment suivis d’effets. Aujourd’hui, les organisateurs d’événements proposent des solutions, mais ils ne les prennent pas assez à leur charge, ou du moins ils ne les partagent pas. Catherine Noppen rappelle que les budgets alloués à ces rassemblements sont en constante diminution et que cela n’aide pas à faire des gestes. Va-t-on enlever un verre de vin aux participants pour offrir des crédits carbone ? L’industrie n’en est pas encore là. Mais de plus en plus elle se tourne vers les commanditaires. Au lieu d’offrir des cadeaux, un week-end au spa, une promenade en traîneau à chiens ou un tour de motoneige, ils s’engagent à payer la compensation des gaz à effet de serre émis par l’événement.

« C’est loin d’être ancré, mais dans les années à venir, ce type d’initiative va mûrir », affirme Mme Noppen.

Si le transport est effectivement le nœud du problème, Fanny Beaulieu Cormier, analyste en veille stratégique à la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM, préfère regarder le problème dans une perspective holistique. Le transport, donc, mais aussi les sources de l’énergie consommée sur place, la gestion des déchets, l’alimentation et les initiatives d’insertion sociale. Elle rappelle que ce sont d’ailleurs les cinq critères retenus par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) pour évaluer si un événement répond ou non à la norme québécoise en gestion responsable d’événements et, si oui, à quel niveau.

« Il y a toutes sortes d’initiatives un peu partout dans la province, indique cette spécialiste en tourisme durable. Ça va de l’achat de crédits carbone, donc, au bannissement du plastique à usage unique et à l’utilisation de vaisselle compostable en passant par le choix d’un traiteur qui cuisine avec des produits locaux et biologiques, ou encore par la mise en place d’un service de location de vélos. On note de plus en plus la présence de fontaines et la distribution de bouteilles réutilisables. Les organisateurs travaillent également sur place avec des organismes de réinsertion sociale. »

Certification Leed

 

Les infrastructures qui accueillent les événements, hôtels ou centres des congrès, ont pour leur part fait de gros progrès en la matière ces dernières années. Les nouveaux bâtiments, à Levis, Saguenay ou Drummondville, par exemple, ont tous fait des efforts pour aller chercher une certification Leed.

Les autres se sont transformés. Ainsi, le toit du Palais des congrès de Montréal est devenu un véritable laboratoire d’agriculture urbaine et accueille également des ruches. À Québec, tous les événements qui se tiennent au Centre des congrès répondent aux critères du niveau 1 de la norme BNQ Développement durable – Gestion responsable d’événements. Le site Internet de ce haut lieu du tourisme d’affaires propose également aux organisateurs d’événements des trucs et astuces pour réaliser un congrès écoresponsable ainsi qu’un calculateur de GES. Ailleurs, certains hôtels ont maintenant leur propre potager, ils font travailler les artisans locaux et impliquent la communauté.

« Autant de bonnes pratiques qui nous viennent beaucoup de l’Europe du Nord, fait remarquer Catherine Noppen. En matière de développement durable, ils ont pris de l’avance dans tous les secteurs. C’est devenu un réflexe naturel pour tout le monde, population y comprise. C’est plus lent ici, mais je crois que de plus en plus de gens sont prêts à faire plus attention. »

L’enseignante apporte cependant un petit bémol à son analyse pour ce qui est de la clientèle la plus aisée. « Elle descend dans des hôtels cinq étoiles et elle s’attend au service qui va avec ces hôtels, précise-t-elle : le petit savon individuel, le shampooing et les serviettes changées tous les jours. De ce côté-là, il y a encore du travail à faire. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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