Grandeurs et misères des pêcheries gaspésiennes

Une morue de 75 livres de l’île Bonaventure tenue avec une perche par deux pêcheurs.
Photo: Musée de la Gaspésie. P79 Collection Sylvio Gauthier. P79/6. Une morue de 75 livres de l’île Bonaventure tenue avec une perche par deux pêcheurs.

Le Musée de la Gaspésie rend accessibles en version numérique quelque 180 000 nouveaux documents d’archives qui appartiennent aux archives de la compagnie Robin et de ses différentes déclinaisons, « une des plus importantes et anciennes entreprises de toute l’histoire du Canada ».

Pendant plus de deux siècles, cette compagnie profite de l’expansion mondiale de la consommation de la morue. Elle exporte le produit de la pêche des Gaspésiens sur les marchés de l’Europe, des Antilles et de l’Amérique du Sud. Mais la compagnie s’occupe aussi de bien d’autres poissons, dont le capelan. Elle sera aussi au coeur des activités de « traite » avec les Autochtones de la péninsule gaspésienne.

Ce commerce fait accumuler une fortune considérable à la compagnie dont aucun des propriétaires n’habite la Gaspésie. Les documents contenus dans ce fonds d’archives numérisées remontent jusqu’aux années 1770, c’est-à-dire quelques années seulement après la Conquête britannique du territoire.

Originaire de l’île Jersey, Charles Robin fonde une compagnie, la Robin, Ripon & Co. Des comptoirs de pêche sont ouverts tout le long de la côte gaspésienne. Un empire de pêche se dessine grâce à des conditions qui encouragent la création d’un monopole.

Photo: Musée de la Gaspésie Portrait du pêcheur Alfred Caron, portant une morue de 37 livres

Dans ses récits de voyages sur le Saint-Laurent, l’écrivain Faucher de Saint-Maurice raconte que les pêcheurs employés par cette compagnie sont à sa merci. « Quand ils veulent secouer [leurs] chaînes et porter ailleurs leur poisson, on les menace de les traduire pour dettes devant les tribunaux ».

Le pouvoir colonial assure des conditions optimales à l’entreprise qui peut prendre de l’expansion à sa guise. Un pêcheur de Gaspésie n’a bientôt pas d’autre choix que de travailler pour Robin, c’est-à-dire d’être à la merci des conditions qui lui sont faites, année après année. L’entreprise fait venir au besoin des ouvriers de Jersey. Dominée par des pratiques conservatrices et un régime de bas salaires, la pêche en Gaspésie demeure très largement artisanale alors que l’apparition de nouveaux procédés d’exploitation se dessine.

Ce retard technologique et la misère connue de père en fils vont encourager les pêcheurs à préférer des travaux forestiers ou à tout simplement abandonner la mer.

Soulèvements et émeutes

 

Des émeutes, à ce jour relativement peu connues, vont aussi secouer la vie des pêcheries en Gaspésie.

En février 1886, à Paspébiac, les pêcheurs affamés pillent les grands magasins de la compagnie. Ils n’ont plus que de la farine pour se nourrir.

Un mois plus tard, les hommes veulent à nouveau en défoncer les portes, cette fois armés d’un bélier.

Il y aura d’autres soulèvements du genre, comme celui de 1909 où les pêcheurs de Rivière-au-Renard se rebellent contre l’emprise de la compagnie. L’armée va débarquer.

Ce sont désormais 230 000 correspondances, registres de comptes, registres de transactions quotidiennes et documents de toutes sortes liés au fonds Robin, Jones and Whitman que le musée de la Gaspésie offre en ligne en consultation. Ces documents s’ajoutent à 4200 images déjà disponibles par l’entremise du site web du musée.

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