Le jour où les nazis ont fait main basse sur la Pologne

La Pologne a dû capituler au bout d’à peine cinq semaines de combats après l’invasion des nazis le 1er septembre 1939. Sur la photo, des soldats allemands entrent sur le territoire polonais.
Photo: Agence France-Presse La Pologne a dû capituler au bout d’à peine cinq semaines de combats après l’invasion des nazis le 1er septembre 1939. Sur la photo, des soldats allemands entrent sur le territoire polonais.

Le dimanche 1er septembre marque le 80e anniversaire du début de la Seconde Guerre mondiale, avec l’invasion de la Pologne par l’armée allemande du régime hitlérien. Une attaque aux conséquences brutales pour les Polonais, mais encore pire pour les juifs du pays. Plusieurs décennies plus tard, les impacts de cette occupation meurtrière continuent d’ailleurs de susciter des controverses politiques.

Le 1er septembre 1939, les soldats allemands franchissent aux aurores la frontière polonaise en attaquant sur trois axes différents, dans le cadre d’un plan élaboré à la demande d’Adolf Hitler dès le début du printemps. Après l’annexion de l’Autriche, puis celle de la Tchécoslovaquie, le régime nazi lance ainsi une campagne militaire qui sera par la suite reconnue comme le point de départ de la Deuxième Guerre mondiale, un conflit qui fera plus de 45 millions de morts.

« Hitler voulait détruire ce qui restait du Traité de Versailles [signé en 1919, après la fin de la Première Guerre mondiale] en mettant la main sur des territoires retirés à l’Allemagne, dont le couloir de Dantzig, accordé à la Pologne pour lui donner un accès à la mer. Dantzig coupait le territoire allemand en deux, en isolant la Prusse-Orientale, ce qui était inacceptable pour les Allemands », explique l’historien Benoît Lemay, spécialiste de l’histoire du conflit et professeur au Collège militaire royal du Canada.

« Hitler voulait aussi, et surtout, faire de l’Allemagne une superpuissance européenne en conquérant des territoires supplémentaires en Europe de l’Est. Et la Pologne se trouvait sur le chemin de la conquête de cet « espace vital », qui incluait pour lui l’URSS », ajoute M. Lemay. Mais en septembre 1939, il n’est pas encore question d’envahir l’immense territoire soviétique, une attaque qui allait néanmoins survenir en juin 1941. Le 23 août, le régime hitlérien et celui de Staline ont plutôt convenu d’un « pacte » de non-agression par lequel ils convenaient de ne pas s’attaquer pendant au moins une décennie, mais aussi de se partager le territoire polonais, de façon à faire disparaître le pays.

En lançant ses troupes, ses avions et ses blindés sur la Pologne, le Führer est d’ailleurs confiant. Il est convaincu que la France et la Grande-Bretagne, deux pays alliés de Varsovie qui ont promis de lui venir en aide en cas d’attaque, ne feront rien. Or Hitler se trompe… en partie. Le 3 septembre, Londres et Paris déclarent la guerre à l’Allemagne (le Canada suivra le 10 septembre). Mais la France, dont la doctrine militaire est alors essentiellement défensive, ne lance aucune opération d’attaque de grande envergure, même si cela aurait obligé l’armée allemande à se battre sur deux fronts.

Pendant ce temps, à l’Est, l’URSS attaque à son tour la Pologne, le 17 septembre. Cela signifie que le pays, déjà très désavantagé sur le plan militaire face à la Wehrmacht, se trouve, lui, à devoir combattre sur deux fronts, rappelle Benoît Lemay. « Le combat était très inégal. » Au final, l’armée polonaise, confrontée à la tactique de « guerre éclair » allemande, s’effondre rapidement. La Pologne doit capituler au bout d’à peine cinq semaines de combats.

Grande noirceur

 

Débute alors une période de profonde noirceur pour les Polonais, puisque le régime nazi « utilise le pays comme laboratoire pour expérimenter ses politiques d’occupation brutale, d’épuration ethnique, de déportations et d’exécutions sommaires », souligne M. Lemay.

Dès le mois d’octobre, Hitler nomme Hans Frank comme « gouverneur général des provinces polonaises occupées ». Ce nazi convaincu coordonne ainsi l’élimination des élites du pays, le pillage économique du territoire et l’extermination des juifs polonais. C’est d’ailleurs lui qui instaure les premiers ghettos dans le pays, dont celui de Varsovie. Il est aussi un partisan de la « Solution finale », soit l’élimination complète de tous les juifs d’Europe.

En tout, six millions de Polonais vont mourir durant la guerre, dont pas moins de trois millions de juifs victimes de la Shoah. Plusieurs ont d’ailleurs été assassinés dans l’un des terribles camps de concentration installés sur le territoire : Auschwitz-Birkenau, Majdanek, Treblinka, Sobibor, Belzec et Chelmno.

Le régime nazi sera aussi brutal avec les civils, notamment lors de l’insurrection de Varsovie, en août 1944, contre l’occupation allemande. Pas moins de 200 000 Polonais vont mourir au cours de cette révolte armée désespérée, tandis que l’armée soviétique, pourtant aux portes de la ville, décide de ne pas intervenir. Et Varsovie sera détruite à plus de 85 %.

Quelque 80 ans plus tard, alors que la Pologne doit accueillir dimanche plusieurs délégations politiques étrangères pour des cérémonies de commémoration de l’invasion du pays, le sort des biens spoliés aux juifs par les nazis, puis nationalisés par le régime communiste d’après-guerre, continue de hanter le gouvernement polonais.

Il faut savoir qu’en 2017, le Congrès américain a adopté la « loi 447 », qui stipule que le département d’État américain doit faire rapport au Congrès des mesures prises par les pays européens en faveur de la restitution des biens des victimes de l’Holocauste, ainsi que de leur indemnisation. Cette restitution des biens est d’ailleurs demandée par les familles et les associations juives. Mais le parti conservateur et nationaliste au pouvoir en Pologne a rejeté à plusieurs reprises l’idée de rouvrir cet épineux dossier, qu’il juge réglé depuis plus de 50 ans.

Controverses

 

Dans le même temps, Varsovie a aussi relancé la semaine dernière une autre controverse découlant de la Deuxième Guerre mondiale, en réclamant des milliards d’euros de réparations de guerre à l’Allemagne. « La Pologne n’a pas encore reçu d’indemnisation adéquate. […] Nous avons perdu six millions de personnes au cours de la Seconde Guerre mondiale, soit beaucoup plus que d’autres États qui ont reçu d’importantes réparations. Ce n’est pas juste. Cela ne peut pas rester en l’état », a ainsi affirmé le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki.

Selon des estimations des autorités polonaises, le pays a perdu 20 % de sa population entre 1939 et 1945, dont près de 40 % de son élite intellectuelle. De plus, 40 % de son patrimoine économique, et notamment une grande partie de son industrie, a été détruit durant le conflit.

Berlin reconnaît certes sa responsabilité pour les atrocités de la guerre, mais rejette les nouvelles demandes de réparations. « La position du gouvernement allemand reste inchangée, la question des réparations allemandes est juridiquement et politiquement close », a fait valoir la semaine dernière à l’AFP une porte-parole de Berlin, Ulrike Demmer. L’Allemagne a notamment versé, dans les décennies suivant la guerre, des sommes aux travailleurs forcés polonais, mais aussi aux survivants de l’Holocauste.

Avec l’Agence France-Presse

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