À vélo, les hommes sont plus à risque que les femmes

La proportion de cyclistes sans casque ayant perdu la vie dans une collision s’avère plus élevée chez les hommes que chez les femmes, ainsi que parmi les jeunes de moins de 20 ans.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir La proportion de cyclistes sans casque ayant perdu la vie dans une collision s’avère plus élevée chez les hommes que chez les femmes, ainsi que parmi les jeunes de moins de 20 ans.

Parmi les amateurs de vélo, les hommes qui roulent en milieu urbain sans porter de casque sont plus à risque de perdre la vie. C’est du moins ce qui ressort d’un récent rapport de Statistique Canada.

L’organisme fédéral a compilé l’ensemble des données disponibles sur les circonstances des décès des cyclistes sur les routes canadiennes, grâce à la collaboration des coroners et des médecins légistes en chef des provinces et territoires ainsi que de l’Agence de la santé publique du Canada.

Résultat : 890 cyclistes sont décédés entre 2006 et 2017, soit l’équivalent de 74 décès en moyenne par année. Un peu plus de cinq décès sur dix (56 %) sont survenus en milieu urbain. Les données montrent également une surreprésentation des hommes dans les accidents fatals à vélo. Selon Statistique Canada, 5,6 cyclistes de sexe masculin ont perdu la vie lors d’un accident pour chaque décès d’une cycliste de sexe féminin.

Des chiffres qui étonnent peu la présidente-directrice générale de Vélo-Québec, Suzanne Lareau. « Ce sont des tendances que nous confirme chaque année le bilan routier de la SAAQ [Société de l’assurance automobile du Québec] à l’échelle de la province. Les hommes sont souvent plus téméraires, ils prennent des risques, ils roulent plus vite aussi ». A contrario, les femmes sont doublement prudentes : « elles ont davantage intégré l’idée selon laquelle à vélo il faut rouler pour soi et pour la personne qui ne nous voit pas », dit-elle.

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C’est le nombre moyen de décès de cyclistes par année au Canada. Les hommes ont cinq fois plus de risques d’être victimes d’un accident mortel que les femmes.

Selon les chiffres de Statistique Canada, les hommes sont plus nombreux à rouler cheveux au vent et à refuser de porter un casque. En 2017, 43 % des hommes ont déclaré en porter un lorsqu’ils montaient sur leur selle, contre 49 % des femmes.

Or, le port du casque entre considérablement en compte lors d’une collision avec un véhicule motorisé, un autre cycliste ou encore un objet stationnaire. De 2006 à 2017, 32 % des personnes décédées à vélo roulaient sans casque, alors que 13 % en avaient un sur leur tête. L’organisme fédéral précise toutefois que l’information concernant le port de casque ou non était manquante dans 52 % des décès enregistrés dans la base de données.

Par ailleurs, la proportion de cyclistes sans casque ayant perdu la vie dans une collision s’avère plus élevée chez les hommes que chez les femmes, ainsi que parmi les jeunes de moins de 20 ans.

Casque obligatoire ?

Des chiffres qui ne manquent pas de raviver le débat sur la nécessité — ou non — de rendre le port du casque protecteur obligatoire. Si la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard ou encore la Nouvelle-Écosse obligent tous les cyclistes à se protéger la tête, le Manitoba, l’Alberta et l’Ontario ont plutôt choisi d’appliquer cette obligation seulement aux moins de 18 ans. Au Québec par contre, aucune loi restrictive n’a pour l’instant été adoptée à ce sujet.

« Il y a une énorme polémique autour de cette question depuis plus d’une trentaine d’années. Le problème, c’est que, même si effectivement le casque est efficace pour se protéger la tête, il est difficile d’ignorer le fait que le rendre obligatoire pourrait diminuer considérablement le nombre de personnes qui font du vélo, les jeunes en particulier », note Pierre Maurice, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Il s’est intéressé à la question dans les dernières années et a coécrit un rapport sur le sujet publié en 2018. Dans leurs conclusions, les chercheurs expliquaient que, même si le casque est très efficace pour prévenir les blessures à la tête, il reste difficile d’affirmer avec certitude que le rendre obligatoire permettrait d’en prévenir encore plus.

« Il faut jauger les avantages et les inconvénients face à une telle mesure, insiste M. Maurice. Peut-être qu’en voulant protéger plus de têtes par une loi coercitive, on diminuerait la pratique de cette activité physique. On provoquerait plus d’obésité et de sédentarité dans la population, et donc davantage de maladies chroniques. »

À son avis, la sensibilisation reste la meilleure solution. Il souligne même que la proportion de cyclistes portant volontairement un casque a augmenté au cours des dernières années. « On était à des taux de 20 % il y a une quinzaine d’années, maintenant c’est plus de 50 % des cyclistes qui portent un casque. Dans certaines régions, on atteint même les 70 % », se réjouit-il.

Suzanne Lareau, de Vélo-Québec, partage son opinion, faisant également remarquer que le casque ne protège pas de tous les dangers non plus. « Casque ou pas casque, vous ne vous en sortirez pas indemne quand un camion vous rentre dedans », laisse-t-elle tomber.

Un argument mentionné dans le rapport de Statistique Canada : « Malgré le port de casque, des traumatismes mortels peuvent survenir. Il s’agit par exemple de traumatisme crânien très sévère ou de traumatisme touchant d’autres régions du corps telles que la colonne cervicale et le thorax. »

De meilleures installations

 

Pour Mme Lareau, la multiplication des voies cyclables ainsi que l’ajout de mesures d’apaisement de la circulation dans certaines rues vont davantage contribuer à garder les cyclistes en vie.

Casque ou pas casque, vous ne vous en sortirez pas indemne quand un camion vous rentre dedans

Des mesures qui portent déjà leurs fruits, selon elle, puisque le nombre de décès de cyclistes a diminué au Canada. D’après les données de Statistique Canada, on comptait 2,8 décès par million d’habitants liés au cyclisme en 2010, contre 1,3 décès par million d’habitants en 2017.

« Un mort sur la route, c’est toujours un mort de trop. Mais de voir que le nombre de décès et d’accidents baisse nous montre qu’on est dans la bonne direction », soutient-elle.

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