Y a-t-il des droits dans l’avion?

Avec le nouveau règlement, tous les transporteurs aériens seront logés à la même enseigne et devront rendre des comptes à leurs passagers.
Photo: Justin Tang La Presse canadienne Avec le nouveau règlement, tous les transporteurs aériens seront logés à la même enseigne et devront rendre des comptes à leurs passagers.

Retards, refus d’embarquement, perte de bagages : les passagers d’un vol au départ ou à destination du Canada pourront désormais être dédommagés par leur transporteur aérien en cas de problème. Le tant attendu Règlement sur la protection des passagers aériens est en partie entré en vigueur lundi. Certaines mesures ne seront toutefois appliquées qu’en décembre.

« C’est sûr qu’on aurait préféré que l’ensemble de la charte soit en vigueur en même temps. Mais on est surtout content que ça se fasse, il était vraiment temps », lance Pierre-Olivier Fortin, conseiller en communication pour CAA-Québec, qui offre un service d’aide aux Québécois pour planifier un voyage.

Si l’Australie, les États-Unis ou l’Union européenne possèdent leur propre charte des voyageurs depuis plusieurs années déjà, le Canada tardait à agir. « C’était difficile de faire valoir ses droits comme voyageur. Le processus était long, complexe, et ça donnait rarement des résultats », fait remarquer M. Fortin.

La question a pris une importance particulière à l’été 2017 lorsque deux avions d’Air Transat à destination de Montréal ont été cloués sur le tarmac de l’aéroport d’Ottawa en raison de conditions météorologiques difficiles. Les passagers ont attendu dans le noir, sans nourriture ni climatisation, pendant près de six heures.

Un an plus tard, l’Office des transports du Canada (OTC) a décidé qu’Air Transat devait dédommager ses voyageurs. Dans la foulée, l’OTC a commencé à travailler sur un règlement établissant les droits des passagers aériens au Canada.

Car cette mésaventure est loin de constituer l’exception.

Selon un récent sondage réalisé par CAA-Québec, 64 % des Québécois ayant déjà pris l’avion (85 % de la population) ont déjà vécu un désagrément lié à leur transport aérien. 41 % d’entre eux ont connu un retard de vol important, 27 % sont déjà restés sur le tarmac en attente d’un décollage, 26 % ont récupéré leurs bagages en retard tandis que 14 % les ont complètement perdus, et 15 % ont dû faire face à une annulation de vol.

La grande disparité de traitement des passagers d’une compagnie aérienne à l’autre dans ce type de situation était particulièrement montrée du doigt. Quand certains clients attendaient, frustrés, de savoir quand se ferait leur embarquement, d’autres se faisaient offrir un repas gratuit par leur compagnie pour excuser l’attente, ou recevaient un rabais sur leur prochain achat de billets.

Avec le nouveau règlement, tous les transporteurs aériens seront logés à la même enseigne et devront rendre des comptes à leurs passagers.

Un règlement critiqué

 

Avant même son entrée en vigueur, la charte a été contestée devant la Cour d’appel fédérale le 28 juin par des centaines de compagnies aériennes, dont Air Canada, British Airlines et American Airlines.

Elles estiment qu’une indemnisation obligatoire en vertu du règlement sur la protection des passagers viole les normes internationales et devrait être invalidée par la cour. La requête stipule que le règlement sur la protection des passagers contrevient à la Convention de Montréal, un traité multilatéral, en fixant des montants d’indemnisation en fonction de la durée du retard, mais sans égard au préjudice réellement subi par le voyageur.

Les transporteurs comptent néanmoins se conformer au règlement pour le moment. Rappelons qu’il prévoit une amende allant jusqu’à 25 000 dollars pour tout contrevenant.

Les défenseurs des consommateurs estiment eux que les nouvelles règles ne vont pas assez loin. Ils soulignent que la dispense des compagnies aériennes de dédommager leurs clients dans des « situations indépendantes de leur volonté » utilise une définition trop large et constitue une échappatoire. Ils trouvent aussi que les critères pour obtenir une compensation seront difficiles à respecter, car les passagers auront à présenter des preuves qui sont généralement détenues par la compagnie aérienne elle-même. 

Avec La Presse canadienne


Survol des nouvelles règles

Communications

Partant du principe que les voyageurs ont le droit de savoir ce qui se passe avec leur vol, les compagnies aériennes devront informer les passagers en cas de problème. Notamment sur les raisons de la perturbation du vol, le traitement dont ils peuvent bénéficier, les indemnités auxquels ils ont droit et leurs recours possibles.

 

Refus d’embarquement

La survente n’est plus un secret pour personne : la plupart des transporteurs ont l’habitude de vendre plus de billets que de places disponibles dans l’avion pour compenser le nombre de voyageurs qui ne se présentent pas à l’aéroport. Résultat : certains se font parfois refuser l’embarquement par manque de places.

Face à un tel désagrément, les compagnies devront maintenant leur réserver une place dans un autre vol pour la même destination dans des délais impartis. Si le nouvel horaire ne convient pas, le billet sera remboursé au client. Une indemnisation est aussi prévue, pouvant aller jusqu’à 2400 dollars. Elle dépend de la durée du retard en prenant comme référence l’heure d’arrivée du nouveau vol comparée à celle du vol initial.

À titre de comparaison, la Charte des droits du passager de l’Union européenne offre jusqu’à 600 euros (880 dollars canadiens) d’indemnités, calculées en fonction de la distance du vol concerné.

La Charte propose également aux clients de choisir entre la réservation d’une place dans le prochain vol, le remboursement du billet ou encore le report du voyage à une date ultérieure mutuellement convenue.

 

Retards sur le tarmac 

Si un avion est cloué au sol, le transporteur se doit de fournir les services de base aux passagers : toilettes accessibles, climatisation ou chauffage, nourriture, boissons ou même aide médicale.

Après un retard de trois heures (extensible de 45 minutes en cas de décollage imminent), l’avion devra retourner à la porte d’embarquement et permettre aux passagers de descendre.

Le règlement européen offre quant à lui la possibilité de renoncer au vol et de se faire rembourser après cinq heures d’attente.

 

Bagages perdus ou endommagés

Les passagers pourront toucher jusqu’à 2100 dollars — en fonction de la valeur des biens transportés et des preuves disponibles — dans le cas d’un bagage égaré ou endommagé.

 

Vols annulés ou retardés 

La deuxième phase du règlement — qui entrera en vigueur en décembre — concernera les vols annulés ou retardés (avant embarquement), ainsi que l’attribution des sièges pour les enfants. Une indemnité pouvant aller jusqu’à 1000 dollars est prévue en cas de retard ou d’annulation. Les compagnies devront aussi offrir de la nourriture, des boissons et l’hébergement en cas de retard ainsi qu’asseoir les enfants près de leurs parents sans frais supplémentaires dans le nouveau vol.



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