Un projet de rue partagée ambitieux pour Hochelaga-Maisonneuve

L’un des projets de rues partagées les plus ambitieux de Montréal verra le jour autour de la place Simon-Valois, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Sur deux tronçons de rues, dont l’un est situé rue Ontario — une artère commerciale névralgique de l’arrondissement —, la circulation automobile sera limitée à 20 km/h et piétons et cyclistes pourront investir la chaussée.
« Ça va être une fierté pour l’arrondissement », s’enthousiasme Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. D’ici la fin de l’année 2020, deux sections de rues partagées seront aménagées autour de la place Simon-Valois, qui sera en outre agrandie. Le coeur commercial d’Hochelaga sera ainsi remanié pour donner la priorité aux piétons et cyclistes.
« C’est un vrai projet de transformation du quartier qui pourra devenir une inspiration pour les autres rues commerciales de l’arrondissement et pour celles de la ville de Montréal », croit M. Lessard-Blais.
Le projet, qui s’inscrit dans le cadre du Programme des rues piétonnes et partagées de la Ville de Montréal, permettra de réduire la vitesse automobile à 20 km/h rue Ontario, entre Nicolet et Bourbonnière, et sur l’avenue Valois, entre de Rouen et La Fontaine.
« Tous les utilisateurs de la rue vont pouvoir continuer de l’utiliser, qu’ils soient automobilistes, cyclistes ou piétons. Mais la zone de rue partagée va être aménagée de façon à ce que la priorité soit accordée aux plus vulnérables », explique le maire d’arrondissement. Même les autobus de la STM, qui circulent rue Ontario, pourront circuler sur la rue partagée. Selon Pierre Lessard-Blais, l’apaisement de la vitesse sur le site — qui sera officiellement appelé Zone de rencontre Simon-Valois — permettra d’accroître la sécurité des piétons et des cyclistes à cette intersection qu’il juge « dangereuse ».
Contrecarrer la « ségrégation »
Sorte de compromis entre la rue piétonnière et la rue traditionnelle, la rue partagée met fin à la « ségrégation » des modes de transport, explique Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en ville. « Dans une rue partagée, on fait en sorte que tous les modes de transport cohabitent plutôt que de laisser à chacun sa section. »
« C’est une belle manière d’éviter la complexité d’accessibilité que peut amener une piétonnisation complète tout en ayant une ambiance urbaine qui s’en rapproche », souligne-t-il.
Dans une rue partagée, les piétons ne sont plus cantonnés aux trottoirs et les cyclistes aux pistes cyclables. Ils peuvent circuler où bon leur semble — même à contresens — et traverser la rue là où ils le souhaitent.
Un temps d’adaptation est nécessaire pour que la cohabitation devienne fluide. Peu de projets de cette ampleur ont été déployés à Montréal jusqu’à maintenant ; la plupart des rues partagées existantes ayant été aménagées sur des tronçons de rue moins passants. Le temps nous dira donc si la cohabitation peut être aussi fructueuse pour une artère commerciale de cette ampleur, mentionne Christian Savard. « Ce qui est le plus important, c’est de créer un environnement qui envoie le signal que c’est une rue partagée », avance-t-il.
Ainsi, à l’entrée de la Zone de rencontre Simon-Valois, des panneaux de signalisation officiels « Rue partagée », accordant la priorité aux piétons sur l’ensemble de la chaussée, seront installés. Et l’aménagement de l’espace urbain — conçu par les firmes civiliti, François Courville, UDO design et Axor experts-conseils — permettra d’établir une signature visuelle particulière délimitant la zone.
« Tout va être perçu comme un seul espace […] avec des pavés en béton allant jusqu’aux façades de l’autre côté de la rue », dit Fannie Duguay-Lefebvre, designer urbaine associée chez civiliti.

« À l’approche de la zone de rencontre, on va sentir un grand resserrement de la chaussée », explique-t-elle. Les espaces de stationnement seront éliminés sur les deux rues partagées. Des trottoirs — également en pavés de béton — seront maintenus, mais se fondront à la chaussée. « Les piétons qui voudront poursuivre un chemin linéaire plus habituel pourront le faire, mais on cherche à développer une porosité dans l’autre sens », évoque Mme Duguay-Lefebvre. Les rues partagées seront ainsi perçues comme le prolongement de la place Simon-Valois.
L’appel d’offres a été lancé et les travaux devraient débuter à l’automne. Quelques bonifications seront apportées à la place en tant que telle, notamment en ce qui concerne les lampadaires et les cubes de béton faisant office de bancs. « Mais on ne refait pas la place Simon-Valois, c’est déjà une réussite, cette place-là », soutient Pierre Lessard-Blais.
« Sur la place, on voit des gangs en triporteurs, des familles, des hipsters, des personnes âgées, des personnes à revenu plus modeste : cette mixité, c’est toute la richesse d’Hochelaga-Maisonneuve et on souhaite à tout prix la préserver », conclut M. Lessard-Blais.
D’autres projets
Plusieurs projets de rues partagées — un concept inspiré des woonerf aux Pays-Bas — fourmillent à Montréal. « Ça fait partie d’un grand mouvement mondial de réappropriation de la rue comme espace public », soutient Christian Savard. Une douzaine de projets ont été réalisés dans la métropole ou sont en voie de l’être. Des tronçons de rue partagée ont vu le jour rue Émery dans le Quartier latin et rue De La Gauchetière dans le Quartier chinois. Un projet-pilote a été proposé sur le boulevard Gouin Est dans Ahuntsic-Cartierville.Et la plus longue rue partagée de Montréal sera aménagée sur une distance de 1,3 km rue Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal. Les travaux, qui ont débuté, devraient être achevés d’ici la fin de 2020. Un projet qui satisfait les résidents du secteur, rapporte Christine Caron, présidente de l’Association des résidents du Vieux-Montréal.
Avec la forte affluence de touristes et la présence de trottoirs étroits, des « embouteillages de piétons » se créaient dans la rue Saint-Paul. « On était tous conscients que le statu quo n’était pas une solution viable », explique Christine Caron. Et permettre aux véhicules de se stationner rue Saint-Paul nuisait à la mise en valeur des édifices patrimoniaux du Vieux-Montréal, estime-t-elle. « On est globalement satisfaits du projet, mais pour autant que de nouvelles places de stationnement réservées aux résidants soient créées à proximité. »