Alexandre Bissonnette connaîtra son sort vendredi

Le soir du 29 janvier 2017, Alexandre Bissonnette a ouvert le feu sur une dizaine de fidèles de la grande mosquée de Québec, tuant six personnes et en blessant d’autres.
Photo: Capture d'écran Le soir du 29 janvier 2017, Alexandre Bissonnette a ouvert le feu sur une dizaine de fidèles de la grande mosquée de Québec, tuant six personnes et en blessant d’autres.

Pratiquement deux ans jour pour jour après un attentat qui a marqué la province, c’est à 9 h 30 vendredi que le tueur de la mosquée de Québec connaîtra sa peine pour avoir enlevé la vie de six fidèles et en avoir blessé six autres. Une décision attendue non seulement par les proches des victimes, mais aussi par de nombreux avocats qui estiment que le dossier est loin d’être réglé.

« C’est une journée très attendue, mais qui sera difficile parce que les blessures ne sont pas cicatrisées. Il y a à peine quelques jours, nous nous souvenions que ça fait deux ans que nos vies ont basculé », confie Boufeldja Benabdallah, président du Centre culturel islamique de Québec. Il confie qu’encore aujourd’hui, il est difficile pour sa communauté d’accepter qu’aux yeux de la loi, cet attentat n’est pas considéré comme un geste terroriste.

Le soir du 29 janvier 2017, Alexandre Bissonnette s’est présenté armé à la grande mosquée de Québec, vers 19 h 50, après la dernière des cinq prières quotidiennes musulmanes. L’homme de 27 ans a ouvert le feu sur une dizaine de fidèles, tuant six personnes et en blessant d’autres.

150
C’est le nombre d’années de prison dont pourrait écoper Alexandre Bissonnette pour avoir tué de sang froid, en janvier 2017, six membres de la communauté musulmane qui étaient alors à la mosquée de Québec. Six autres personnes avaient aussi été blessées par le meurtrier.

« Cette soirée-là, on a vécu la terreur. Si son arme ne s’était pas enrayée, c’est sans doute 45 personnes qui auraient été tuées. Il est venu avec les munitions pour faire un carnage ; pour nous, ç’a été un geste terroriste, mais ça ne l’est pas pour la loi », se désole-t-il.

M. Benabdallah ne souhaite pas se prononcer sur les attentes des proches des victimes quant à la durée de la peine. « Nous faisons confiance au juge », se limite-t-il à dire.

Ce que l’on sait déjà, c’est qu’Alexandre Bissonnette, qui a plaidé coupable aux accusations en mars 2018, écope de la prison à vie. La décision du juge François Huot portera sur le nombre d’années à purger avant d’être admissible à une libération conditionnelle.

« C’est un jugement qui sera très fort et on peut penser que l’une ou l’autre des deux parties va sans doute vouloir exercer son droit d’appel », estime l’avocat criminaliste Jean-Claude Hébert.

Depuis 2011, le Code criminel permet aux juges qui le souhaitent de prendre en compte chaque condamnation pour meurtre dans leurs sentences. À l’époque, on avait ajouté cette disposition pour châtier davantage les auteurs de meurtres multiples. Dans ce contexte, Alexandre Bissonnette pourrait écoper de la peine la plus sévère de l’histoire judiciaire du Canada, soit 25 ans pour chacun des meurtres commis, pour un total de 150 ans. Jusqu’aujourd’hui, la peine la plus sévère a été de 75 ans sans possibilité de libération pour Justin Bourque. En 2015, l’homme avait abattu trois policiers à Moncton.

C’est ce qui explique que plusieurs criminalistes suivront de près la décision du juge Huot. « C’est certain que ça pourrait être une décision historique », souligne Me Mia Manocchio, présidente de l’Association québécoise des avocats et des avocates de la défense (AQAAD). « Nous sommes tous très conscients de la peine qui a été causée à toute une communauté, mais comme avocats de la défense, nous ne sommes pas favorables aux peines cumulatives, parce qu’elles écartent complètement la réhabilitation », explique Me Manocchio.

Jean-Claude Hébert n’hésite pas à comparer les peines cumulatives à une condamnation à mort. « C’est certain qu’il faudra avoir une réflexion sur le droit à la réhabilitation, parce que ce que fait une peine cumulative, c’est comme annoncer un long cancer à un malade en lui disant qu’il aura raison de lui […] Alexandre Bissonnette, comment peut-on affirmer aujourd’hui qu’il n’y a rien à faire avec ce bonhomme-là pour le reste de sa vie ? » demande le criminaliste.

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