

Les bâtiments sont souvent les victimes de valses administratives.
La préservation du patrimoine fait partie aujourd’hui d’une lutte nécessaire en faveur de l’environnement. C’est ce qu’affirme d’emblée Luc Noppen, historien de l’architecture et professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM.
« Ça coûte combien, passer notre temps à jeter des bâtiments aux poubelles ? Il n’y a rien de plus polluant comme consommation que de détruire des immeubles sans d’abord voir à les recycler. » La consommation d’immeubles nouveaux nous coûte une fortune collectivement, insiste l’historien. Plus de 4000 bâtiments sont détruits chaque année au Québec.
Plus encore, dans son livre intitulé Accusé de non-assistance à patrimoine en danger, l’ancien ingénieur Yves Lacourcière estime que depuis 1970, au moins 33 % du bâti traditionnel qui témoigne de notre histoire architecturale a été détruit.
Cette destruction en cascade appauvrit du même coup notre identité. « Le paysage bâti forme l’identité d’une société. » Ce patrimoine bâti est déterminant pour marquer une différence. « C’est toujours le paysage bâti que nous offrons d’abord aux regards des autres. Pour ceux qui viennent visiter le Québec, c’est ce qui nous distingue d’abord. Ce n’est pas pour rien qu’on leur présente des coins de pays significatifs. »
Cela compte aussi pour le regard que nous portons sur nous-mêmes. Les maisons de Gaspésie, de l’Outaouais ou des Cantons-de-l’Est ne sont pas les mêmes. « Dans les perceptions que nous avons de nous-mêmes, c’est déterminant. »
Les bâtiments sont reconnus de valeur patrimoniale dans la mesure où ils jouissent d’« un label », d’une « reconnaissance » qui témoigne de leur place dans une société. Ils disent ce que cette société a été, d’où elle vient, ce qui l’a fait, ce qui continue, bon an mal an, de susciter son intérêt et qui joue, par conséquent, dans l’image qu’elle se fait d’elle-même, sous le regard des autres.
« Bien entendu, on ne peut pas tout garder », précise le muséologue Yves Bergeron, directeur de l’Institut du patrimoine. « Le défi reste de faire des choix », mais aussi « de préserver intelligemment ce qu’on a déjà répertorié » comme valant la peine d’être conservé. « La valeur culturelle que reconnaît la communauté pour un bien en fait sa valeur. Là-dedans, comme en toutes choses, il y a des cycles. »
« Par moments, on s’intéresse par exemple davantage aux églises ou aux bâtiments de la Nouvelle-France. Aujourd’hui, on s’intéresse plus qu’avant à des bâtiments contemporains. On peut considérer de préserver non seulement une maison de la Nouvelle-France, mais aussi un bungalow d’époque, parce qu’il représente une étape importante du développement de notre société. Les gens ne comprennent pas toujours tout de suite l’importance d’éléments aussi différents dans la constitution de notre identité. »
Les bâtiments sont souvent les victimes de valses administratives.
C’est aussi au nom de l’environnement que les bâtiments doivent être protégés et réutilisés.