Le foie gras à nouveau banni en Californie

Les opposants à la vente de foie gras dénoncent le traitement réservé aux volailles qui doivent être gavées.
Photo: Frederick Florin Agence France-Presse Les opposants à la vente de foie gras dénoncent le traitement réservé aux volailles qui doivent être gavées.

L’interdiction de vendre du foie gras est de nouveau en vigueur en Californie. La Cour suprême des États-Unis a rejeté, lundi, un recours visant à faire invalider la loi, qui avait été soumis par l’Association des éleveurs de canards et d’oies du Québec (AECOQ), la Hudson Valley Foie Gras (de l’État de New York) et un restaurateur californien.

Au nom de la lutte contre la cruauté animale, la loi californienne interdit la vente de produits « issus du gavage d’une volaille dans le but d’agrandir son foie ». Une amende de 1000 dollars américains est prévue en cas de violation de la loi.

La loi avait été adoptée en 2004, puis était entrée en vigueur en 2012. Mais dès 2015, elle avait été suspendue par la justice, pour ensuite être validée en appel en 2017. Puisque la Cour suprême avait été saisie du dossier, l’application de la loi était demeurée en suspens. La loi n’a donc été en vigueur que de 2012 à 2015. Et la saga judiciaire pourrait se poursuivre…

Dans un courriel transmis au Devoir, Benoit Cuchet, directeur général de Rougié (un producteur de foie gras de Marieville, en Montérégie) et vice-président de l’AECOQ, promet de poursuivre la bataille devant une autre instance judiciaire. « Nous allons relancer nos démarches […] pour tenter de suspendre l’application de la loi et continuer d’argumenter notre cause », a-t-il déclaré.

En rejetant le recours, lundi, la Cour suprême n’a pas fourni de justification, comme le veut la tradition. « Ceci ne signifie pas pour autant qu’elle approuve l’interprétation de la Cour d’appel », souligne Benoit Cuchet.

Au coeur de leur argumentaire, Benoit Cuchet et les autres plaignants font valoir qu’un État américain ne peut interdire un produit qui est autorisé au niveau fédéral.

« Le foie gras ne pouvant être produit par d’autres méthodes que le gavage, la loi californienne est en contradiction avec le Poultry Product Inspection Act du département de l’Agriculture des États-Unis, qui définit clairement le foie gras comme étant la résultante du gavage », mentionne-t-il.

Dans sa croisade, le groupe de producteurs québécois et américains a reçu le soutien de la France, qui estime que la loi californienne constitue « une agression » à la tradition française, le foie gras étant inscrit au patrimoine gastronomique et culturel de la France.

Selon Benoit Cuchet, l’interdiction californienne représente une perte d’environ 10 % du chiffre d’affaires pour les producteurs de foie gras québécois. « La Californie [est] un eldorado de la gastronomie », souligne-t-il.

Une pratique barbare

 

« Un foie gras, c’est un foie malade », souligne pour sa part Alain Roy, professeur de droit à l’Université de Montréal. Celui qui enseigne l’éthique et le droit animalier voit dans la décision de la Cour suprême américaine « une belle victoire ».

« On crée une pathologie au prix de très grandes souffrances animales », pour rendre un produit disponible à la consommation, dénonce-t-il.

Alain Roy rappelle que la science a maintes fois démontré que les animaux sont des êtres sensibles qui ressentent la douleur. « Si notre critère de considération morale c’est la souffrance, alors il faut être cohérent et conséquent », insiste-t-il.

« On est dans une logique de nécessité extrêmement relative, poursuit Alain Roy. Il faut mettre tout ça en perspective : est-ce que mon confort alimentaire, ma tradition, mon goût l’emporte sur la souffrance d’un être vivant qu’on reconnaît susceptible de souffrance selon la science ? »

Une lecture que ne partage pas Rougié. Le producteur de foie gras estime plutôt que le stade de « stéatose hépatique », ou « lipidose » du foie, atteint par l’engraissement maîtrisé des canards est « un état réversible et non pathologique », selon les informations publiées sur son site Internet.

Avec l’Agence France-Presse

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