Projet Gazoduq: des bénéfices quasi nuls pour l’environnement

Les bénéfices environnementaux qu’entend générer l’entreprise Gazoduq avec son projet de pipeline de gaz naturel seront pratiquement nuls, préviennent des experts, puisque ceux-ci ne tiennent pas compte des importantes fuites de méthane qu’il engendrera.
« Il est vrai que le gaz naturel émet moins de gaz à effet de serre que le charbon et que le pétrole. Par contre, ce que les entreprises oublient souvent de dire, c’est que leur calcul ne tient pas compte des fuites de méthane, qui constituent un des grands problèmes du transport de gaz naturel », note Yann Chavaillaz, chercheur postdoctoral chez Ouranos et au Laboratoire de climatologie de l’Université Concordia.
L’entreprise Gazoduq a annoncé jeudi son intention de construire en sol québécois une canalisation de 750 km pour le transport de gaz naturel. Le gazoduc reliera l’Ontario au futur port minier de Saguenay, où le gaz sera liquéfié.
D’ailleurs, Gazoduq a insisté sur l’importance de son projet « pour la transition énergétique mondiale », puisque le gaz exporté doit permettre, pour des entreprises ailleurs dans le monde, « de remplacer des énergies plus polluantes telles que le charbon et le mazout ».
Le projet vise l’exportation de 11 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié vers l’Europe et l’Asie chaque année.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, le gaz naturel émet 40 % moins de CO2 que le charbon et 19 % moins de CO2 que l’essence. Toutefois, ce gain se perd presque complètement lorsqu’on tient compte des émissions fugitives de méthane, renchérit Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et directeur de l’Institut de l’énergie Trottier.
« Les émanations de méthane peuvent avoir jusqu’à 70 fois un impact plus important que le CO2. En ce qui concerne la combustion, c’est vrai, c’est plus propre que le charbon, par exemple. Par contre, pour ce qui est du cycle de vie, c’est souvent moins vert qu’on le laisse entendre. Prenons les gaz de schistes : les données ne sont pas très claires pour affirmer qu’au bout de l’équation il est vraiment plus propre », dit M. Mousseau.
Le projet Gazoduq constitue davantage une occasion qu’une nécessité, souligne Jean-Thomas Bernard, professeur auxiliaire à la Faculté de science économique de l’Université d’Ottawa, rappelant qu’avec la production croissante de gaz naturel et la recherche de marchés pour l’exporter, il y a une certaine pression pour réaliser d’importants projets d’usines de liquéfaction et de terminaux maritimes.
Il estime d’ailleurs que le corridor à l’étude est à l’avantage de l’entreprise, puisqu’il passe par des zones où la densité de population est faible.
« En ce moment, on se retrouve en Amérique du Nord avec des surplus de gaz naturel desquels les entreprises veulent tirer profit. L’avantage d’un projet comme celui de Gazoduq, c’est qu’il peut obtenir une accessibilité sociale plus facilement que s’il passait par des zones peuplées », indique-t-il.
Un BAPE élargi exigé
Le premier ministre François Legault a dit être « ouvert » au projet, qu’il a qualifié de « très, très important ». Dans un point de presse à Wendake, près de Québec, il a évoqué les discussions à faire aboutir avec les peuples autochtones, ainsi que le processus d’évaluation des impacts.
Le Parti québécois (PQ) a quant à lui réclamé que le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) tienne des audiences sur l’ensemble du projet de gazoduc. Le PQ, qui est maintenant la deuxième opposition à l’Assemblée nationale, affirme qu’il est ouvert à l’idée d’examiner le projet, mais pose plusieurs conditions sur lesquelles il demande des garanties.
Le député de Jonquière, Sylvain Gaudreault, exige de vastes consultations du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE), de l’extraction du gaz à son exportation, avec l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre (GES) du projet.
Les promoteurs du projet veulent un BAPE uniquement sur la canalisation, ce qui ne permet pas de mesurer tous les impacts, prévient l’élu péquiste. Il faut donc aussi connaître l’origine de l’approvisionnement, a-t-il insisté.
Ce projet est évalué à 4,5 milliards. Il est mené par Gazoduq, dont le premier actionnaire est GNL Québec, l’entreprise qui chapeaute aussi le projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel au port de Grande-Anse, sur le bord de la rivière Saguenay.
Au total, avec l’usine, le projet frôle les 14 milliards.
Avec La Presse canadienne