Quand l’immobilier se fait durable

Ce texte fait partie du cahier spécial Habitation
De plus en plus de projets immobiliers s’affichent verts. Mais sont-ils si nombreux ? Malgré sa popularité grandissante, la certification LEED demeure encore loin de devenir la norme dans les nouvelles constructions résidentielles.
Le nez collé à la construction écologique, Alejandro Montero reconnaît qu’il a de la difficulté à répondre objectivement à la question de savoir si les projets immobiliers durables gagnent en popularité ou demeurent des exceptions. Néanmoins, le chiffre d’affaires de sa firme d’architecture et de construction, Tergos, habituée à la certification LEED, n’a cessé de croître dans les cinq dernières années avant d’atteindre un plateau à 3,5 millions dans la dernière année. « Ce qui a évolué surtout, c’est que les gens qui viennent nous voir sont déjà convertis, ce qui n’était pas nécessairement le cas avant, assure celui qui a démarré ses activités dans le domaine il y a plus de 15 ans. C’était vraiment une croisade à nos débuts. »
Les promoteurs immobiliers et constructeurs résidentiels orientés vers la certification LEED et le bâtiment écologique témoignent de cet engouement et de cette sensibilité plus accrue aux enjeux environnementaux chez leurs clients. « Mais ça demeure l’exception comme type de construction, surtout dans le résidentiel », indique Simon G. Boyer, cofondateur de Knightsbridge, dont le projet La Géode, à Montréal, est devenu en février le premier bâtiment multifamilial certifié LEED Platine V4 au Canada.
« C’est loin d’être la norme », abonde Emmanuel B. Cosgrove, directeur général d’Écohabitation. En 2016, le Conseil du bâtiment durable du Canada avait évalué qu’entre 2010 et 2014, le taux de pénétration du marché LEED avait été de plus de 22 % dans le secteur des bâtiments commerciaux, et avait frisé les 30 % dans le secteur institutionnel. Dans le secteur résidentiel, ce taux était demeuré, durant la même période, en bas de 2 % !
« Les nouveaux grands immeubles institutionnels et les grandes tours à usage mixte construits au Québec sont généralement certifiés […] De nouveaux projets à usage mixte incluant bureaux, hôtels, condominiums et logements innovent en visant l’obtention de plusieurs certifications de niveau élevé », signale par courriel Andrée De Serres, professeure titulaire de la Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. « Dans le secteur résidentiel (maisons, multilogements et condominiums), les demandes de certification de bâtiment durable pour les immeubles nouveaux sont moins répandues, mais la tendance est bien amorcée. »

Vue intérieure du projet Grey-Gailleur.
Dans l’ensemble, 314 projets, pour un total 2684 habitations, ont été certifiés LEED dans le secteur de l’habitation au Québec. 282 projets en cours, comprenant 4412 habitations, sont quant à eux inscrit ou en évaluation. Après un sommet de 483 habitations certifiées durant l’année 2013, ce nombre n’a jamais dépassé 450 par année depuis. Quant au nombre d’habitations visant la certification, il n’a cessé d’augmenter depuis dix ans, mais n’a jamais dépassé 450 par année, hormis en 2016, alors que le Groupe Maurice inscrivait plus de 2200 habitations à l’intérieur de seulement six projets.
« En région, on ressent une poussée en raison de la possibilité de pouvoir travailler de chez soi avec Internet », affirme tout de même Étienne Ricard, directeur architecture et design chez UrbanÉco, implanté en Estrie. « Les gens veulent s’inscrire dans un bel environnement, mais c’est nécessaire à ce moment-là pour eux d’avoir une certification ou une tierce partie qui s’assure que les choses sont faites avec soin et avec respect pour le site. »
Le rôle des municipalités
« Il y a de plus en plus de demandes. Mais est-ce que le marché est prêt à complètement prendre le virage sans une intervention [des municipalités], je ne suis pas convaincu encore », indique Simon G. Boyer, dont la firme Knightsridge, après avoir concrétisé plusieurs projets à Montréal, développe le projet Arborescence, qui vise une certification LEED en pleine nature à Bromont.

Quelques municipalités au Québec accordent actuellement des subventions ou des incitatifs financiers pour la construction d’habitations certifiées LEED. Dans la plupart des cas, il s’agit de congés de taxes complets ou partiels durant quelques années après la construction, comme à Gatineau, Lac-Mégantic, Saint-Eustache et Saguenay. La Ville de Victoriaville, quant à elle, a mis sur pied en 2011 le programme Habitation Durable, qui accorde des subventions allant jusqu’à 8000 $ à des nouvelles constructions, selon une grille de pointage et la couleur de la certification LEED. Neuf municipalités ont reproduit cette formule, la dernière en date étant Ham-Sud, qui a implanté ce programme le 5 octobre dernier. À la Ville de Victoriaville, on affirme que plus d’une nouvelle habitation sur quatre obtient cette certification sur son territoire.
Selon M. Cosgrove, les municipalités tirent avantage de tels incitatifs. Par exemple, des projets à faible consommation d’eau et avec des systèmes de récupération de pluie permettent de réduire l’engorgement du réseau d’aqueduc. Étienne Ricard salue dans sa région quelques municipalités comme Orford, qui accorde un congé de taxes selon l’évaluation, ou Waterville, qui les a soutenus et encouragés dans leur projet immobilier écologique Le Champ des possibles dont la deuxième phase de développement se poursuit. « Ça favorise l’essor des maisons certifiées LEED, mais ce n’est pas généralisé », précise-t-il.
Il demeure néanmoins « essentiel » à ses yeux de continuer dans cette voie. « On n’a pas tout découvert. On n’a pas atteint encore l’ultime façon parfaite de faire une maison », ajoute M. Ricard. D’autant plus que pour un constructeur comme UrbanÉco, qui conçoit et oriente ses maisons en fonction de la position du soleil et la provenance des vents dominants afin d’économiser l’énergie, de nouveaux défis se présentent. « Avant, on se préoccupait de se protéger du froid, explique-t-il. Depuis cet été, la nature nous a envoyé un signal que la chaleur et la canicule deviennent un aspect incontournable dont on doit se préoccuper. » Raison de plus pour redéfinir notre conception des maisons à l’aune des changements climatiques.
Des projets LEED dont ils sont fiers

Étienne Ricard d’UrbanÉco, la résidence Bonneviot-Riopel à Trois-Rivières. « J’ai un coup de coeur pour celle-ci. On a intégré des charpentes ancestrales. C’est donc une maison absolument neuve, mais avec une charpente récupérée. C’est un projet LEED extrêmement bien isolé et performant, mais avec l’âme d’une maison patrimoniale. »
Alejandro Montero de Tergos, écopropriété Habitus à Québec. « 52 maisons de ville qui sont rassemblées autour d’une cour centrale. On l’a fait à titre d’architectes. Le promoteur est Momento immobilier. On est particulièrement fiers à cause de son gabarit : plus les projets sont grands, plus c’est possible d’intégrer des stratégies écologiques, comme les toitures vertes et la gestion de récupération des eaux de pluie. »
Une version précédente de cet article associait le projet Écopropriétés Habitus au constructeur immobilier UrbanÉco. Le projet Écopropriétés Habitus est en fait conçu par TERGOS Architecture. Nous en sommes désolés.
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