Cannabis et grossesse: appel à la prudence

L’usage fréquent du cannabis pendant la grossesse est notamment associé à un faible poids du nourrisson à la naissance.
Photo: Alfredo Estrella Agence France-Presse L’usage fréquent du cannabis pendant la grossesse est notamment associé à un faible poids du nourrisson à la naissance.

Augmentation du comportement agressif, altération du raisonnement, hyperactivité, trouble de l’attention et risque accru de tomber dans la toxicomanie à l’âge adulte. À plus d’un mois de la légalisation du cannabis au pays, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) a appelé jeudi à la multiplication de campagnes d’information afin de sensibiliser les adeptes de cette substance sur les effets possibles du cannabis durant la grossesse et le développement des générations montantes.

Selon lui, la fin de l’illégalité qui va toucher le 17 octobre prochain le cannabis dans les cadres récréatifs devrait être appréhendée avec prudence par les femmes enceintes, tout comme par leur entourage et les professionnels de la santé, en raison des nombreux risques que fait planer la marijuana sur le foetus, comme sur le développement des enfants en bas âge, particulièrement ceux allaités par leur mère.

En mai dernier, une étude publiée dans le journal Obstetrics Gynecologya confirmé en effet, une fois de plus, le transfert du tétrahydrocannabinol (THC), le composé psychotrope actif du cannabis, dans le lait maternel de huit femmes ayant participé à une étude préliminaire menée par la Texas Tech University.

Le mot « prudence » accompagnait également sa conclusion, qui invitait au passage à poursuivre la recherche scientifique sur le sujet.

« Il circule de nombreux renseignements erronés sur le cannabis pendant la grossesse », a indiqué Sarah Konefal, analyste au CCDUS, par voie de communiqué. À titre d’exemple, le produit est souvent convoqué dans les univers numériques comme remède miracle pour soulager les nausées matinales durant les premiers mois de la grossesse, et ce, même si « ces effets n’ont été démontrés par aucune recherche scientifique », insiste le Centre dans la version actualisée d’un document intitulé Dissiper la fumée entourant le cannabis, qu’il a dévoilé jeudi.

16,9%
Femmes en âge de procréer (de 15 à 44 ans) qui, en 2015, ont dit avoir consommé du cannabis dans l’année précédente
 

4,9%
Femmes enceintes aux États-Unis qui ont avoué consommer du cannabis en 2015

24%
Canadiens de 15 ans et plus consommant chaque jour du cannabis, en 2015

À l’intérieur, l’organisme, créé par la Parlement pour entretenir la connaissance et le partage d’informations sur « la consommation de substances au Canada », détaille les effets neurocognitifs et comportementaux qui semblent toucher les enfants exposés avant et après la naissance au cannabis. Ces effets vont du trouble de l’attention chez les nourrissons de 18 mois à l’hyperactivité des 3 à 6 ans en passant par l’altération des capacités à lire, de la coordination visuomotrice et l’apparition de symptômes de la dépression et de l’anxiété chez les 9 à 16 ans. La consommation fréquente du cannabis pendant la grossesse est associée à un faible poids du nourrisson à la naissance. Entre autres effets secondaires.

Phénomène peu documenté

 

Même si la connaissance sur ces effets est encore parcellaire et que la recherche devrait être amplifiée sur ces sujets, indique le CCDUS, le centre invite les Canadiens à rouler (le cannabis) de manière éclairée, et ce, en rappelant que le taux de grossesses imprévues au Canada a été estimé à 61 % par la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada en 2016 après un sondage mené auprès de 3200 Canadiennes. Une surprise qui fait augmenter de facto l’exposition prénatale du foetus à la substance psychotrope.

Par ailleurs, la légalisation du cannabis fait poindre un risque élevé de nouvel accident domestique, puisque la présence de la substance, de manière plus assumée dans les environnements familiaux, pourrait faire augmenter le nombre d’intoxications accidentelles d’enfants à cette substance.

Le phénomène est encore très peu documenté au Canada. Or, en France, où le cannabis se consomme toujours dans l’illégalité, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a tiré la sonnette d’alarme cet été après avoir enregistré 194 accidents domestiques du genre entre 2015 et 2017, soit 2,5 fois plus qu’entre 2010 et 2014.

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