Ottawa veut réduire le recours à la détention

Les immigrants en situation irrégulière pourront désormais être surveillés dans la collectivité plutôt que d’être incarcérés dans un centre de détention. Le gouvernement fédéral a confirmé mardi la mise en place d’un programme de solutions de rechange afin de réduire le recours à la détention des immigrants.
Ce nouveau programme comprend trois nouvelles mesures pour éviter aux personnes immigrantes d’être détenues lorsqu’elles ne représentent pas un risque pour la sécurité publique et qu’elles ne risquent pas de s’évanouir dans la nature.
Selon le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, cette initiative permettra à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) de « traiter les personnes dans le système de l’immigration avec dignité […] tout en tenant compte des exigences de sécurité publique ».
Les individus qui se qualifient pour une détention hors les murs pourront être surveillés dans la collectivité grâce à un partenariat entre le gouvernement et trois organismes. On peut notamment penser aux femmes enceintes, aux personnes âgées, aux malades ou encore aux familles.
Au Québec, la Société John Howard, dont la mission est de favoriser le traitement juste et humanitaire des personnes incarcérées, s’occupera de cette supervision.
« La détention et la garde devraient être utilisées avec retenue en attendant la résolution finale d’un dossier d’immigration. Le programme de surveillance dans la collectivité permettra d’encadrer les personnes immigrantes en s’attaquant aux facteurs sociaux, tels que l’emploi et l’hébergement », souligne Kassandra Roy, coordonnatrice nationale du programme de solution de remplacement à la détention à la Société John Howard. Ottawa estime qu’ensemble, les trois organismes ont la capacité de surveiller jusqu’à 800 personnes dans la collectivité.
Parmi les autres mesures, un système de déclaration vocale a été mis en place pour permettre à 10 000 personnes de confirmer leur présence à l’ASFC à des intervalles convenus.
Un projet-pilote de surveillance électronique, qui comprendra le port d’un dispositif muni d’un GPS, sera également mené auprès de 20 personnes dans la grande région de Toronto.
Jusqu’à présent, les seules autres options dont l’ASFC disposait étaient l’imposition d’un cautionnement et celle de conditions de surveillance.
Unité familiale favorisée
Ces solutions de rechange favoriseront l’unité familiale en évitant de séparer des enfants de leurs parents ou au contraire de voir des mineurs se retrouver derrière les barreaux aux côtés de leur famille.
« Les cas de détention d’enfants sont loin de ce dont on entend parler aux États-Unis, mais il reste que c’est une réalité canadienne aussi. Chaque année, des mineurs se retrouvent dans des centres de surveillance. Le gouvernement vient de faire un pas dans la bonne direction en trouvant d’autres mesures pour éviter ces situations », a souligné Paul Clarke, directeur général d’Action Réfugiés Montréal.
L’opposition officielle à Ottawa s’est montrée sceptique quant à l’adoption de ces nouvelles mesures.
« Ces changements doivent être apportés de façon à assurer la sécurité des Canadiens. Malheureusement, comme nous l’avons vu par le passé, les libéraux ont un piètre bilan de mise en application appropriée des politiques. Les conservateurs vont s’assurer que c’est fait de manière appropriée et vont demander des comptes aux libéraux si ce n’est pas le cas », a fait valoir Pierre Paul-Hus, porte-parole en matière de sécurité publique pour le Parti conservateur du Canada.
En 2016, le gouvernement fédéral a lancé le nouveau Cadre national en matière de détention liée à l’immigration, qui dispose d’un financement de 138 millions de dollars. Un des volets comprend la construction d’un nouveau centre de détention plus spacieux à Laval. L’établissement devrait ouvrir ses portes en 2021.