35 ans d’innovation sociale et économique au service des travailleurs

Rabéa Kabbaj Collaboration spéciale
Le fait que le Fonds favorise l’accès au crédit pour les PME est un autre élément notable dans une optique de croissance inclusive, dans la mesure où cela permet de réduire le fossé qui les sépare des grandes entreprises, qui ont plus de moyens et guère de difficulté à se trouver du financement.
Photo: Tony Dejak Associated Press Le fait que le Fonds favorise l’accès au crédit pour les PME est un autre élément notable dans une optique de croissance inclusive, dans la mesure où cela permet de réduire le fossé qui les sépare des grandes entreprises, qui ont plus de moyens et guère de difficulté à se trouver du financement.

Ce texte fait partie du cahier spécial Les 35 ans du Fonds de solidarité FTQ

Réussite spécifiquement québécoise sans nul équivalent réel ailleurs dans le monde, les fonds d’investissement de travailleurs peuvent également se targuer d’avoir été parmi les premiers à s’inscrire dans une démarche de croissance inclusive. Ainsi, si cet objectif n’a été consacré et popularisé que depuis la crise de 2008, le Fonds de solidarité de la FTQ constitue depuis 35 ans déjà un instrument d’innovation économique et sociale en vue de sa réalisation.

« Les Fonds d’investissement de travailleurs touchent à peu près les mêmes fonctions que ce que la croissance inclusive suggère comme instruments et solutions. On peut tout à fait dire que le Fonds de solidarité FTQ était précurseur à ce niveau-là parce que ça a été lancé dans les années 1980 », indique Nicolas Zorn, doctorant en science politique à l’Université de Montréal et chercheur associé à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), qui s’est penché sur la question dans le cadre de ses travaux.

Créé au lendemain de la grave récession du début des années 1980, le Fonds est né du besoin de favoriser l’emploi et l’accès au crédit pour relancer la croissance économique. « Ce que le gouvernement et les différents acteurs de la société civile cherchaient à faire à ce moment-là c’était de générer de la croissance inclusive. Aujourd’hui, on se retrouve à une époque où les enjeux restent les mêmes », souligne M. Zorn.

Un concept récent

 

Apparue dans le sillage du mouvement Occupy Wall Street de 2011, qui dénonçait notamment le rôle de la finance dans l’exacerbation des inégalités entre le 1 % le plus riche et le reste de la population, la croissance inclusive est la réponse apportée par les institutions économiques internationales à ces contestations. « La croissance inclusive couvre deux choses. D’une part, c’est un concept d’analyse qui émet un diagnostic sur la nature des problèmes économiques et sur les instruments à employer pour retrouver la croissance et pour qu’elle profite à tout le monde. D’autre part, c’est un objectif politique désormais promu par les institutions internationales. On assiste donc à un changement de paradigme puisque les inégalités deviennent importantes. Avant la crise de 2008, on parlait juste de la croissance. Maintenant, on entend se préoccuper de sa répartition », explique Nicolas Zorn.

Dans cette perspective, le chercheur estime que la mission et le travail accompli par les fonds d’investissement de travailleurs — tant celui de la FTQ que Fondaction de la CSN — s’inscrivent en parfaite adéquation avec les recommandations et la vision des institutions économiques internationales en matière de croissance inclusive.

Des actions concrètes pour la croissance inclusive

 

À ses yeux, un fonds comme celui de la FTQ participe à la réduction des inégalités par bien des façons. « D’abord, en trouvant de bons emplois, payants, et qui ne nécessitent pas nécessairement des diplômes de deuxième ou troisième cycle. On peut penser à l’aérospatiale, où les besoins de formation sont moindres que pour devenir médecin ou ingénieur, et qui, malgré tout, constitue un secteur capable de donner des emplois satisfaisants, accessibles à beaucoup de monde. Fournir de bons emplois à un grand nombre, c’est un bon exemple de croissance inclusive », fait valoir M. Zorn.

Le fait que le Fonds favorise l’accès au crédit pour les PME est un autre élément notable dans une optique de croissance inclusive, dans la mesure où cela permet de réduire le fossé qui les sépare des grandes entreprises, qui, à la différence, ont plus de moyens et guère de difficulté à se trouver du financement.

« Par ailleurs, offrir du soutien et du conseil auprès des entreprises, des communautés en région et parler à des petits acteurs qui ne sont pas nécessairement les clients habituels des banques, c’est sûr que cela aussi permet de créer de bons emplois et de favoriser les PME. Là encore, en nivelant le terrain de jeux et en appuyant les régions qui sont moins favorisées par la croissance économique, le Fonds cadre bien avec la croissance inclusive », souligne Nicolas Zorn.

De surcroît, la démocratisation de l’épargne facilitée par les fonds d’investissement de travailleurs est une autre pierre notable à l’édifice de la croissance inclusive. « Cet instrument financier est très utilisé et, pour beaucoup, c’est la toute première fois qu’ils épargnent et préparent leur retraite. Or, comme Thomas Piketty l’a bien démontré dans son ouvrage Le capital au XXIe siècle, les inégalités ont eu historiquement tendance à s’accroître en faveur des plus aisés : les rentes vont généralement avoir un taux de rendement plus élevé et ceux qui ont déjà de l’argent vont avoir plus de facilité à générer plus. Sur ce point également, le Fonds permet de rééquilibrer les choses, en venant favoriser aussi le petit épargnant », relève M. Zorn.

Un acteur clé bien de son du temps

Si la réduction des inégalités est un processus complexe qui demande le travail combiné de toutes les forces vives, et qui ne saurait se résumer à « un simple menu dans lequel une ou deux mesures à appliquer pourraient être pigées à notre convenance », les fonds d’investissement de travailleurs représentent cependant un instrument de politique publique qui a le mérite d’apporter de nombreuses solutions. « C’est rare d’avoir des politiques qui agissent sur autant de fronts, mais c’est le cas ici et leur capacité de succès n’est plus à démontrer », remarque M. Zorn, en rappelant que la capitalisation des fonds de travailleurs ne cesse d’augmenter, et qu’ils sont ressortis renforcés par la tentative ratée de leur supprimer leur crédit d’impôt.

Ces fonds semblent par conséquent bel et bien être là pour de bon à une époque où l’idée même de croissance inclusive est sur toutes les tablettes des grandes institutions internationales, comme en témoignait encore, la semaine passée, sa mise à l’ordre du jour thématique du dernier G7.

« Il y a une ouverture à exporter cette innovation sociale très québécoise pour pouvoir l’adopter ailleurs et essayer ainsi de nouvelles choses. De plus, les fonds d’investissement de travailleurs ne coûtent pas très cher. En matière de politiques, ce ne sont pas des subventions directes. Pour les gouvernements qui n’aiment pas trop intervenir ou trop réguler, ils offrent une très belle solution de compromis. Et si on considère que cela fonctionne bien, tout en répondant à autant d’objectifs différents, je pense que ces fonds ont un bel avenir devant eux », assure Nicolas Zorn.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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