Les philanthropes s’unissent pour lutter contre la pauvreté

Etienne Plamondon Emond Collaboration spéciale
Une démarche de lutte contre la pauvreté qui innove en unissant les philanthropes et en laissant les collectivités déterminer les projets à financer.
Photo: iStock Une démarche de lutte contre la pauvreté qui innove en unissant les philanthropes et en laissant les collectivités déterminer les projets à financer.

Ce texte fait partie du cahier spécial Le Québec généreux

Centraide du Grand Montréal pilote depuis près de deux ans le Projet impact collectif (PIC), une démarche de lutte contre la pauvreté qui innove en unissant les philanthropes et en laissant les collectivités déterminer les projets à financer.

Dans la cour arrière de l’école Louis-Joseph Papineau, à Montréal, un jardin a été aménagé et des ateliers pédagogiques sur l’agriculture urbaine y sont organisés pour les élèves du secondaire. En plus de servir d’outil d’aide à la réussite scolaire et d’occasion pour les jeunes d’acquérir une expérience de travail pour favoriser leur employabilité, l’initiative se greffe à la mise sur pied d’un système alimentaire local dans le quartier Saint-Michel, dont le but consiste à fournir des fruits et légumes frais à une population habitant en plein coeur d’un désert alimentaire.

Il n’y a pas si longtemps, il aurait été difficile de financer une telle démarche jouant sur de multiples tableaux. Mais l’arrivée du Projet impact collectif (PIC), en 2015, piloté par Centraide du Grand Montréal, a permis d’ouvrir des sommes à ce genre d’approche. « Ça nous a donné l’occasion de démarrer des actions qui se soutiennent les unes les autres, explique France Émond, directrice générale de la table de quartier Vivre Saint-Michel en santé. On n’avait plus de bailleur de fonds normé qui nous disait que pour obtenir de l’argent, il fallait travailler spécifiquement en alimentation ou en habitation. On a pu avoir des projets qui mélangeaient et maillaient différents aspects de notre plan de quartier. »

Révolutionner la philanthropie

 

Le PIC, démarré discrètement il y a un peu plus deux ans, a créé une petite révolution dans le monde de la philanthropie. Du moins, il bouscule complètement la manière dont elle se pratique depuis quelques décennies au Québec. Neuf fondations différentes, parmi lesquelles on retrouve la Fondation Lucie et André Chagnon, la Fondation Mirella et Lino Saputo et la Fondation Molson, verse à travers ce projet des fonds dans une enveloppe commune opérée par Centraide du Grand Montréal. Près de 23 millions sur cinq ans sont ainsi mobilisés pour lutter à grande échelle contre la pauvreté sur l’île de Montréal.

« Pour nous, il y a un défi de pouvoir investir dans la continuité », explique Myriam Bérubé, directrice du PIC à Centraide du Grand Montréal. Pour l’organisme, il s’agissait d’une façon de dépasser les campagnes annuelles à travers lesquelles il amasse et décaisse des sommes sur un horizon d’un an. « On avait cette idée de développer un autre type de don, qu’on a appelé les fonds transformationnels, qui sont de plus grands dons échelonnés sur plusieurs années et qui nous permettent d’aller beaucoup plus loin dans les objectifs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. »

Du même coup, le PIC renverse le modèle de décisions en vogue depuis quelques décennies dans la philanthropie : plutôt que ce soit les philanthropes qui décident où seront investis les sous, ce sont les collectivités qui déterminent les initiatives prioritaires pour leur quartier. Les bailleurs de fonds n’imposent aucun ordre du jour prédéfini et considèrent que les citoyens des quartiers sont les mieux placés pour connaître leurs besoins ou trouver les solutions les mieux adaptées à leur réalité. « Depuis des années, les tables de quartier travaillent à se donner des plans d’action, soulève Myriam Bérubé. Mais une fois qu’elles avaient consulté la population, qu’elles avaient priorisé leurs grands enjeux, qu’elles s’étaient organisées, elles se retrouvaient devant le défi de frapper à chacune des portes de chacun des bailleurs de fonds afin de trouver du financement pour les priorités qui avaient été définies localement. Ça posait un enjeu énorme, parce que chaque bailleur de fonds avait ses objectifs, ses orientations, ses échéanciers, ses contraintes administratives. Il fallait faire un bricolage financier. »

Investir dans la confiance

 

Centraide du Grand Montréal entretenait déjà des relations bilatérales avec les différents bailleurs de fonds, mais les asseoir autour d’une même table a comporté son lot de défis. « Il y a eu une confiance à construire, soulève Myriam Bérubé. Chaque fondation a sa couleur, sa vision, sa propre compréhension du changement social […] Ça nous amène une saine tension et on ne peut pas s’installer dans un confort comme responsable de projet. On est constamment appelé à faire mieux. » Le PIC compte aussi trois partenaires stratégiques, soit la Ville de Montréal, la Direction régionale de santé publique de Montréal ainsi que la Coalition montréalaise des tables de quartier.

Le projet est désormais entré dans sa phase de mise en oeuvre et d’expérimentation. 17 quartiers ont été ciblés pour recevoir du soutien. Au départ, une certaine somme a été accordée aux tables de quartier pour organiser des processus de consultation, de collaboration et d’idéation, afin de rallier différentes parties prenantes autour de grandes orientations.

Les quartiers Saint-Michel, Centre-Sud, Saint-Léonard, Côte-des-Neiges et Parc-Extension bénéficient d’un soutien plus intensif. Outre le projet de système alimentaire et d’agriculture urbaine, le PIC a accordé un financement à Vivre Saint-Michel en santé pour l’organisation d’une démarche d’urbanisme participatif, un forum citoyen et l’embauche d’une personne afin de concevoir un plan d’aménagement pour l’ancienne carrière Francon. Le but : désenclaver le quartier et améliorer la mobilité sur le territoire. Les plans y prévoient, par ailleurs, la construction d’une maison communautaire pour répondre aux besoins des organismes du quartier en locaux.

Les douze autres quartiers reçoivent, quant à eux, un soutien modéré regroupé à travers trois projets, qui répondent à des besoins communément déterminés dans ces quartiers, soit la mise sur pied d’un système alimentaire local, la construction d’équipements collectifs, ainsi que des actions pour rejoindre les personnes les plus isolées ou vulnérables.

Jusqu’à maintenant, 5 millions ont été décaissés. Le plus gros des actions reste à venir. Le PIC va aussi aider, dans les prochaines années, les acteurs locaux à renforcer leurs capacités en ce qui concerne l’évaluation des répercussions de leurs actions. « Souvent, quand on fait des projets, on ne sait pas exactement c’est quoi les retombées, admet France Émond. Là, on a des outils de collectes de données. Donc on espère pouvoir documenter l’impact réel. »

« On ne peut pas dire maintenant ce que le PIC va laisser au bout des cinq ans comme héritage à Montréal, parce qu’on est trop tôt dans l’action, dit Myriam Bérubé. Mais il y a une chose qui est certaine : c’est que la collaboration philanthropique ne sera plus jamais la même entre les fondations. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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