Le Dr Julien et Jasmin Roy sonnent l’alarme sur l’application de la loi contre l’intimidation

Dénonçant une « géométrie variable » dans l’application de la loi contre l’intimidation, le pédiatre Gilles Julien et l’animateur Jasmin Roy exigent du ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, qu’il s’assoie avec des enfants victimes d’intimidation pour prendre conscience des outils dont ils ont besoin.
Dans un manifeste envoyé jeudi au gouvernement du Québec, onze jeunes âgés de 9 à 19 ans et ayant été victime d’intimidation lancent un cri du coeur.
« Nous éprouvons les sentiments d’injustice, d’humiliation, d’impuissance, d’abandon et d’être seul en mer devant le manque d’intérêt des adultes responsables de nous protéger dans le milieu scolaire et face à l’absence de conséquences réelles pour nos intimidateurs et agresseurs », écrit le groupe composé d’enfants autant du milieu public que privé.
Écouter les jeunes
Les jeunes demandent « aux adultes » de les inclure dans la recherche de solution dans la lutte contre l’intimidation.
« Parce que nous, enfants et jeunes ayant été intimidés, menacés et violentés par nos pairs dans le milieu scolaire […] voulons faire changer les choses », disent-ils.
Ce manifeste prouve selon MM. Julien et Roy qu’encore beaucoup de cas d’enfants intimidés passent sous le radar.
« Il y a eu des avancées avec la loi, mais son application reste assez variable et l’efficacité des mesures est très discutable », dit le Dr Julien.
Le pédiatre social confie devoir faire le malheureux constat que, encore en 2018, des situations sont banalisées, voire ignorées.
« Ce n’est pas de la mauvaise foi. Il y a beaucoup d’adultes qui semblent démunis [lorsqu’un enfant signale être victime d’intimidation], note le Dr Julien. On a beau signer des papiers pour dire qu’on va appliquer la loi et qu’on est contre l’intimidation, quand ils y font face, il se passe trop peu de choses, certains vont nier la situation ou même la tourner en ridicule. »
Dans une lettre d’appui au manifeste, les deux hommes interpellent non seulement le ministre Proulx, mais aussi le premier ministre Philippe Couillard, soulignant l’urgence d’agir.
« Il va falloir qu’on se pose des questions d’adultes, mais en écoutant les revendications d’enfants », martèle M. Roy.
L’animateur rappelle que la Loi sur l’instruction publique et la Loi sur l’enseignement privé imposent aux milieux éducatifs d’assurer des milieux sains et sécuritaires pour que les enfants puissent se sentir en sécurité, socialement, émotionnellement et physiquement.
« Il y a des enfants qui nous ont dit qu’ils ne savent pas à qui se confier », déplore M. Roy, soulignant que près de 20 % des jeunes au secondaire disent ne pas connaître un adulte de confiance.
Lacunes
Il rappelle également qu’en novembre dernier, le Protecteur du citoyen a constaté de graves lacunes dans le traitement des plaintes dans le réseau scolaire et déploré l’absence quasi généralisée de reddition de comptes à cet effet.
Le rapport a tracé un bilan sévère, observant l’inefficacité des mécanismes de traitement des plaintes mis en place après la création, en 2010, de la fonction de Protecteur de l’élève dans le réseau scolaire. Un rôle qui devait favoriser un traitement impartial des plaintes visant écoles et commissions scolaires.
D’ailleurs, les écoles privées ne disposent toujours pas d’un Protecteur, note M. Roy.
Les parents d’enfants signataires de la lettre espèrent que la voix de leurs enfants sera enfin entendue.
« L’intimidation, c’est une épreuve qui affecte toute une famille. Voir son enfant, son frère ou sa soeur souffrir d’anxiété, être incapable de dormir et être démotivé, c’est bouleversant », souligne Christine Gingras, qui avec Nancy Woods, Véronique Perreault et Sonia Grenon multiplie les actions pour que Québec agisse.
C’est la souffrance quotidienne dont ont été témoin ces quatre mères d’enfants victimes d’intimidation qui les a amenées à se tourner vers les deux fondations.