Caméras de surveillance : il faut légiférer, selon la Commission des droits
En septembre dernier, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) a suggéré au gouvernement du Québec de légiférer pour encadrer l'utilisation croissante de la surveillance vidéo dans les lieux publics. On sait que c'est la technique que le SPVM a choisie pour contrer le trafic de drogue dans le Quartier latin à Montréal.
La CDPDJ estime qu'il faudrait à tout le moins adopter des règles publiques régissant l'utilisation d'une telle technologie, laquelle «porte notamment atteinte au droit à la vie privée». Mais elle souligne qu'une «loi aurait une force plus contraignante que de simples règles administratives ou des énoncés de principe». Cette loi pourrait comprendre par exemple l'obligation, pour toute organisation voulant placer des caméras dans un espace public, d'obtenir une autorisation particulière, laquelle serait octroyée, après étude des circonstances, par un organisme indépendant, comme cette autre commission bien connue: la Commission d'accès à l'information.Michèle Turenne, juriste de la CDPDJ qui a rédigé un mémoire sur la question, rappelle les mots d'un juge canadien: «L'exigence d'une autorisation préalable, qui prend habituellement la forme d'un mandat valide, a toujours été la condition préalable d'une fouille, d'une perquisition et d'une saisie valides.» Or la surveillance vidéo peut être assimilée à ces pratiques, dit-elle.
Mme Turenne soutient qu'une loi pourrait reprendre les «règles minimales d'utilisation des caméras de surveillance» édictées en 2002 par la Commission d'accès à l'information. La CAI est d'avis qu'avant son implantation, par exemple, il faudrait effectuer une étude des risques et des dangers ainsi qu'une analyse de la criminalité. À ce propos, Mme Turenne soutient que «plusieurs études ont prouvé clairement que les caméras n'avaient qu'un seul effet sur la criminalité: elles la déplacent. Si on veut enrayer la criminalité partout, faudra-t-il installer des caméras partout?» Au moins, dans le cas du SPVM dans le Quartier latin, l'utilisation de caméras sera provisoire.
Autre principe avancé par la CAI: avant d'installer des caméras, il faudrait s'interroger sur les solutions alternatives à leur utilisation. Se demander par exemple si, dans certains lieux, il n'est pas simplement plus efficace de faire patrouiller des policiers plutôt que d'y installer des caméras. Michèle Turenne dit qu'au moins, «on sait que le policier n'est pas en train d'enregistrer nos faits et gestes». Une loi devrait aussi, selon elle, s'attarder au type d'appareil pouvant être utilisé. Les progrès de la technologie font que certaines caméras, «grâce à des procédés infrarouges, permettent de voir ce que la personne porte sur elle».
Selon la CDPDJ, la surveillance vidéo est «un sujet capital pour notre démocratie». On oublie trop souvent, par exemple, que le droit à la vie privée n'est pas le seul à être «contré» par les caméras de surveillance. «Les caméras peuvent par exemple nuire à mon droit à l'association, souligne Michèle Turenne. Si vous allez distribuer des tracts politiques dans la rue Saint-Denis et que vous êtes filmé, vous voilà sous surveillance pendant que vous vous livrez à une action politique.»
Ginette L'Heureux, porte-parole de la CDPDJ, dit que l'annonce du Service de police de Montréal de cette semaine a démontré l'opportunité d'adopter une loi sur la surveillance vidéo.