Judaïsme - Pessah est la fête de la tolérance
La Spanish and Portuguese Synagogue, la plus ancienne communauté sépharade de Montréal, vieille de 235 ans, est en fête depuis une semaine. Au passage du Devoir, tout le monde s'affairait aux derniers préparatifs de la Pessah, la Pâque juive, jour où tous les juifs du monde lancent un message de liberté et de tolérance.
«La tolérance est l'essence de la Pâque juive. Le mot "Pessah" signifie la bouche qui raconte. Notre rituel est basé sur une série de questions et de réponses, car la qualité première de l'homme est d'avoir la capacité de questionner. On célèbre donc la libération de la parole, fondement même de la tolérance», souligne le président du Congrès juif canadien, région du Québec, Joseph Gabay.Le mot «tolérance» peut toutefois avoir une connotation négative. «Tolérer quelqu'un implique que l'autre se sent supérieur», croit le président de l'Institut de la culture sépharade, Judah Castiel. «Il faut aller plus loin. Il faut viser la reconnaissance, le respect total de l'autre», ajoute-t-il. M. Gabay en a une interprétation différente. «Le terme "tolérance" doit justement être compris comme le droit à la différence dans le respect de la vie de l'autre», affirme-t-il.
L'augmentation du nombre d'actes antisémites commis au Québec, notamment l'incendie d'une école primaire juive, la United Talmud Torah, à Montréal, lundi dernier, jour du début de la Pessah, fait dire aux juifs que ce droit à la différence n'est pas respecté par tous. «Gilles Vigneault a déjà dit que la violence était un manque de vocabulaire, se souvient Joseph Gabay. En ce moment, pas seulement à Montréal ou à Toronto, mais à travers le monde, les gens ne se parlent pas. Ils agissent en terroristes.»
Le rabbin Howard Joseph de la Spanish and Portuguese Synagogue rappelle que, selon la Torah, chaque être humain est créé à l'image de Dieu et que, pour cette raison, chacun est digne. «C'est la base de notre philosophie juive. Il faut aider l'autre à sortir des conditions qui nient sa dignité», explique-t-il.
La communauté sépharade, dont fait partie le rabbin Joseph, est orthodoxe. Elle représente 20 % de la communauté juive montréalaise, estimée à près de 100 000 personnes. Ce sont en grande partie des gens venant du Maghreb et du Moyen-Orient. L'autre 80 % est constitué des ashkénazes, originaires d'Europe de l'Est.
Rapports difficiles avec l'islam
Le rabbin Joseph assure que, avant le XXe siècle, les rapports entre juifs et musulmans n'étaient pas conflictuels. «Il y avait beaucoup de juifs dans les pays musulmans, car les conditions dans les pays chrétiens étaient difficiles», explique l'homme de façon posée. Selon lui, tout a changé quand son peuple a voulu retourner en terre sainte. «Les pays musulmans nous ont vus comme des Occidentaux qui voulaient les dominer. Même s'il n'y avait pas Israël aujourd'hui, il y a Oussama ben Laden qui se positionne contre l'Occident», lance-t-il.
Si la théologie de l'islam est compatible avec celle du judaïsme, selon M. Gabay, la pierre d'achoppement demeure la dimension politique. «On a un problème avec l'islam radical, qui se veut la religion universelle, avec ceux qui utilisent la religion à des fins politiques», affirme-t-il.
MM. Gabay et Joseph ne considèrent pas la mort du chef spirituel du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, tué lors d'un raid israélien à Gaza le 22 mars dernier, comme un assassinat politique. «Il ne s'agit pas d'un assassinat, mais de l'élimination de quelqu'un qui avait un seul objectif: rayer Israël de la carte. Israël a essayé par tous les moyens d'entamer le dialogue, mais la réponse qu'il a reçue, c'est la deuxième intifada», soutient Joseph Gabay. Le rabbin Joseph explique pour sa part que la tolérance n'est pas la seule valeur de sa religion, il y a aussi la protection: «Yassine voulait jeter tous les juifs dans la mer Méditerranée», lance-t-il, toujours aussi calme.
Le fossé est grand entre le judaïsme et les autres religions, si l'on en croit Judah Castiel. «Les chrétiens et les musulmans doivent revenir aux sources et ne pas se laisser prendre en otage par un certain extrémisme. Israël, lui, ne se laisse pas déborder par l'extrémisme», exprime-t-il. L'homme qui dit parler avec son coeur conclut en affirmant que «la tolérance doit être la première loi d'un pays».