Islam - Obtenir justice
L'islam prend de plus en plus de place dans le paysage québécois. Cette religion est devenue aujourd'hui la troisième confession en importance dans la province. Les musulmans rencontrés par Le Devoir s'entendent toutefois pour dire qu'elle est encore méconnue et victime de préjugés. Un manque de tolérance serait-il à l'origine de cette méconnaissance?
«Il y a une tension terrible en ce moment dans le monde. Le sentiment de méfiance envers les musulmans est assez effarant», déplore Salah Basalamah, coordonnateur du Réseau interassociatif des musulman(e)s de l'espace francophone de Montréal et du Canada. Avec les attentats de Madrid et la montée de la violence dans le conflit israélo-palestinien, les musulmans défraient beaucoup les manchettes.Jamel Tahar, imam à la mosquée Fatima, située en plein centre-ville de Montréal, croit que certains Occidentaux considèrent les musulmans comme des terroristes assoiffés de sang. Selon les deux hommes, les médias contribuent à véhiculer cette image négative.
L'imam, qui se définit comme un réformiste, soit un musulman qui lit le Coran à la lumière du temps et du lieu où il se trouve, place la tolérance au premier plan dans sa religion. «Si vous êtes privés de quelque chose par quelqu'un, la première réaction d'un musulman est de tolérer. La religion nous appelle à tolérer et nous récompense si on y arrive», explique M. Tahar.
«La tolérance n'est qu'une étape avant d'atteindre notre but ultime, plus exigeant, en l'occurrence la justice. C'est un objectif mitoyen, donc, forcément, l'islam est tolérant», affirme M. Basalamah, aussi étudiant au doctorat en traductologie à l'Université de Montréal. Même si le Coran ne peut être remis en question et que la guerre sainte (jihad) devient légitime si l'islam est attaqué, l'imam Tahar définit sa religion comme étant ouverte et respectueuse. «L'islam ne force pas les gens, mais les incite à se conformer. Il n'y a pas de religion partielle. C'est un tout et il faut la prendre en entier», lance M. Tahar.
Cohabitation possible?
Les tensions qui existent actuellement en Israël sont souvent perçues comme des tensions religieuses. Le président du Conseil musulman de Montréal et imam à l'université McGill, Salam Elmenyawi, est catégorique: «Le conflit israélo-palestinien n'a rien à voir avec la religion. Ce sont des gens qui ont volé nos terres, nos maisons. C'est un combat entre deux peuples pour un même territoire», exprime-t-il.
«Notre problème n'est pas avec le judaïsme, mais avec l'injustice. C'est aussi bête que ça. Il faut arrêter de pointer cette soi-disant inimitié ancestrale», ajoute M. Basalamah. Selon le jeune homme, aussi responsable du groupe de réflexion Shalom-Salam qui tente de rapprocher les communautés juive et musulmane de Montréal, l'islam et le judaïsme peuvent cohabiter. Il donne l'exemple du modèle de l'Espagne andalouse au Moyen-Âge: «Les deux religions cohabitaient si bien qu'il y a eu des métissages. Les plus grands philosophes juifs de l'époque écrivaient en langue arabe avec des lettres hébraïques», souligne-t-il, enthousiaste.
M. Basalamah cite la sourate 49, verset 13, qui témoigne selon lui du droit à la différence: «Nous vous avons créés et répartis en nations et en tribus pour que vous vous entreconnaissiez.» C'est maintenant aux communautés juive et arabe à retisser les liens de leur héritage historique commun, croit-il.
Extrémismes
Si l'islam est souvent associé à sa branche extrémiste, l'intégrisme musulman, M. Elmenyawi spécifie que l'extrémisme n'est pas exclusif à sa religion. «Tout le monde parle de l'extrémisme musulman, mais personne ne dénonce l'extrémisme juif», dit-il. Il donne l'exemple de l'assassinat du chef spirituel du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, lors d'un raid israélien à Gaza, le
22 mars dernier. «Yassine a vu des villages entiers se faire raser, dont le sien, à l'aide de l'entreprise coloniale anglaise, pour créer l'État d'Israël. Il y a vu un problème. Ce n'est pas un radicalisme né d'une religion, c'est né dans la chair», soutient pour sa part, Salah Basalamah. L'universitaire insiste: «Islam vient du mot "salam" qui signifie paix.»