Fondation pour le patrimoine religieux - Quand l'union religieuse fait la force
Huit ans après sa création, la Fondation du patrimoine religieux, un organisme à but non lucratif et à caractère multiconfessionnel, n'a toujours pas l'intention de laisser tomber dans l'oubli les lieux de culte de la province. Le maintien et la restauration du patrimoine religieux demeurent sa priorité.
Le patrimoine religieux, toutes traditions confondues, représente une bonne part de l'histoire du Québec. Une constatation qui pousse l'abbé Claude Turmel du diocèse de Montréal, secrétaire de la Fondation du patrimoine religieux du Québec, à confier prudemment qu'un «laïcisme poussé à l'extrême peut devenir une forme d'intégrisme», et que c'est pour cela qu'il faut percevoir la protection de ce patrimoine de la même manière que celle de la culture.Force est d'admettre que, depuis plusieurs années, l'état du patrimoine religieux québécois connaît des temps difficiles. De nombreux lieux de culte doivent fermer leurs portes et être vendus à des promoteurs immobiliers qui souhaitent transformer ceux-ci en condominiums de luxe. Une réalité qui n'est pas sans décevoir les membres de la Fondation.
Près de 1700 lieux de culte
Il est certain «que, pour notre part, on désirerait pouvoir sauver l'ensemble les édifices qui ont été voués ou qui sont actuellement voués aux pratiques religieuses», admet l'abbé Turmel. Toutefois, la réalité semble différer de l'idéal souhaité. Le mandat de l'organisation ne se limite qu'aux édifices d'avant 1945. «Donc, toutes les églises construites après 1945 sont "à risque". On élabore d'ailleurs des actions afin de protéger certains édifices modernes dont le design architectural mérite une attention particulière», constate pour sa part le président de la table régionale de Montréal et représentant de l'Église Unie du Canada, David Hanna.
À l'heure actuelle, on dénombre près de 1700 lieux de culte qui s'étendent sur une période allant du Régime français à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce patrimoine religieux, mais également culturel, témoigne des diverses cultures qui ont marqué le Québec.
Si, comme le souligne M. Turmel, la Fondation entretient «une philosophie de partenariat entre les diverses traditions religieuses de la province», il en va de même pour les collaborations qu'elle développe avec d'autres organisations. Le 2 avril dernier, le Fonds Jeunesse Québec annonçait un renouvellement de son appui à la Fondation pour la deuxième phase du projet de l'inventaire des lieux de culte construits avant 1945. La somme investie atteint près de 550 000 $ et devrait permettre à 28 jeunes diplômés de travailler avec la Fondation.
Une aide de 144 millions
C'est de cette façon qu'au fil des années l'organisation a pu attirer 144 millions de dollars en subventions de toutes sortes. Onze millions de dollars lui ont d'ailleurs été octroyés par le gouvernement du Québec en 2003-2004, une situation que Claude Turmel qualifie de «satisfaisante» et qui a récemment permis à l'organisation d'élaborer une planification triennale (2003 à 2005) visant la restauration de 610 lieux de cultes répartis sur l'ensemble du territoire du Québec.
Dans le cadre de ces prévisions, Montréal récolte la plus grande part du gâteau avec une enveloppe estimée à environ 68 millions de dollars pour le maintien de 73 édifices. «La raison qui explique l'injection d'une telle somme à Montréal tient au fait que la Ville contient un plus grand nombre d'églises que les autres régions de la province», et que ces dernières sont également, pour plusieurs, plus grandes en superficie et plus vieilles.
Les projets mis de l'avant ne s'attardent pas uniquement au patrimoine catholique. Présentement, l'un d'entre eux vise justement la restauration et la préservation d'un lieu de culte de la communauté sikhe du quartier Pointe-Saint-Charles. Autre projet de restauration: l'Église Unie Saint-James, située sur la rue Sainte-Catherine ouest, dont le tiers des édifices commerciaux qui en défigurent actuellement la façade devraient être abattus au cours des prochains mois afin de lui redonner sa splendeur d'autrefois. Le projet est évalué à environ 3 millions de dollars.
Un fonctionnement unique
La Fondation peut certainement qualifier son fonctionnement d'unique, car «elle est le lieu de rencontre des petites et des grandes traditions qu'on retrouve dans la province. C'est d'ailleurs ce qui fait sa richesse», souligne David Hanna. À l'inverse de la France, où le maintien et la restauration des cathédrales relèvent de la République alors que les églises sont sous la responsabilité des municipalités, les diverses traditions religieuses de la province sont elles-mêmes responsables de leurs lieux de culte. Ils ont donc dû apprendre à collaborer pour préserver et défendre leur patrimoine.
Une pilule qui fut difficile à avaler, en 1992, lors de la création de l'association Héritage vivant, l'ancêtre de la Fondation: «Cette collaboration qui nous était imposée me rendait furieux, avoue l'abbé Turmel. C'était déjà assez difficile entre catholiques; j'essayais d'imaginer ce que cela allait être entre membres de croyances et de traditions différentes.» Cela a donc pris six mois avant que les congrégations se contactent. «Et un peu plus d'un an après, ça fonctionnait bien!»
Si la Fondation pour le patrimoine religieux préfère être définie comme une «corporation privée, à but non lucratif, qui s'est donné pour mission de travailler à la sauvegarde du patrimoine religieux, toutes traditions confondues», il n'en demeure pas moins qu'avec le temps, elle a su tirer avantage de cette union entre traditions diverses afin de s'imposer sur l'échiquier politique et culturel.