Musées - La religion au service de l'histoire
Pour qui s'intéresse un tant soit peu à l'histoire du Québec, un détour par la religion s'impose. Car qu'on le veuille ou non, c'est le «religieux» qui a façonné la Belle Province jusqu'à ce qu'elle le rejette en vrac dans les années 1960. On connaît la suite. Mais on oublie souvent ce qui précède.
La Révolution tranquille aura causé bien des chambardements. Jusqu'à cette date charnière, les domaines de l'éducation, des soins de santé et du bien-être social ont été l'apanage des communautés religieuses. De cette faste époque elles ont conservé toute une collection d'oeuvres d'art, d'accessoires et de vêtements qui se trouvent aujourd'hui exposés dans une trentaine de maisons, de chapelles et d'églises convertis pour la plupart en musées.Pour faire découvrir ces trésors disséminés un peu partout à travers le Québec, la Société des musées québécois (SMQ), l'organisme qui regroupe, informe et anime le milieu muséal du Québec, a mis sur pied en 2002 trois parcours tracés autour du thème «Patrimoine religieux». «Les circuits thématiques — il y en a 70 en tout — permettent aux gens de mieux connaître les institutions, leurs activités et leurs collections conservées, en fonction de leur champ d'intérêt, explique Linda Lapointe, responsable du projet Musées à découvrir à la SMQ. En mettant les institutions en relation selon leurs thèmes, elles deviennent complémentaires les unes aux autres.»
Parcours aux quatre coins du Québec
Les trois circuits en question regroupent près d'une trentaine de lieux où ont oeuvré les communautés religieuses. Le premier circuit comprend les établissements situés dans la région de Québec, du Saguenay et de l'Abitibi-Témiscamingue, tandis que le deuxième s'articule autour des institutions de Trois-Rivières et de la Montérégie. Le troisième parcours compte neuf établissements, dont sept implantés dans la région montréalaise et deux à Lanaudière. La preuve qu'il n'y a nul besoin de courir au Vieux-Montréal ou au centre-ville pour trouver des musées dignes de ce nom!
D'ailleurs, seuls le Musée Marguerite-Bourgeoys, la basilique Notre-Dame et la Maison Mère d'Youville font partie du circuit touristique classique. Les autres institutions du troisième parcours — le Musée Sainte-Anne, la Maison Saint-Gabriel, le Musée des Hospitalières de l'hôtel-Dieu, le Musée des maîtres et artisans du Québec, la chapelle des Cuthbert et l'église Sainte-Geneviève de Berthier — logent respectivement à Lachine, à Pointe-Saint-Charles, dans l'ouest de Montréal, à Saint-Laurent et à Berthierville.
«On est un petit trésor que la population montréalaise ne connaît pas car le musée est excentré, observe Peter Wilson, directeur et conservateur par intérim du Musée des maîtres et artisans du Québec, une église néogothique de l'arrondissement Saint-Laurent où se côtoient les oeuvres d'artistes et artisans, anonymes ou de renom. Il n'y en a pas d'autres autour, ce qui fait qu'on a de la difficulté à rejoindre les gens.» Même constat à la Maison Saint-Gabriel de Pointe-Saint-Charles: «Spontanément, les touristes optent pour les musées du circuit touristique. Il y en a très peu à l'extérieur, comme le nôtre», informe Julie Fontaine, guide de cette ancienne maison de ferme et foyer d'accueil des Filles du Roy.
La sauvegarde du Patrimoine
Bien que les collections des communautés religieuses soient répertoriées sous la bannière «Patrimoine religieux», plusieurs exposants préfèrent mettre leur potentiel historique à l'avant-plan. «On essaie de ne pas trop se faire étiqueter comme un musée d'art religieux car on trouve ici des métiers d'art ancien de tout acabit, insiste Peter Wilson du Musée des maîtres et artisans. Ce qui ne veut pas dire qu'on dénigre les pièces du patrimoine religieux pour autant.» Chaque année, à la veille de Noël, l'ancienne église presbytérienne désacralisée depuis belle lurette extirpe de ses réserves de vieilles toiles datant des XVIIe et XVIIIe siècles pour son exposition Jésus, Marie, Joseph...
À la belle maison de pierre de Pointe-Saint-Charles, qui appartient toujours à la congrégation Notre-Dame, on se défend de toucher uniquement à la religion. «On aborde beaucoup plus l'histoire de la Nouvelle-France. À la limite, le thème religieux est secondaire», note Julie Fontaine. «L'accent est mis davantage sur l'histoire que sur la religion, confirme Linda Lapointe de la SMQ. Il n'y a que le Musée des religions — situé à Nicolet — qui traite spécifiquement de l'histoire des religions. Il est le seul au Québec à le faire. Les autres mettent en valeur le patrimoine par le biais de l'histoire des communautés religieuses.»
En fait, c'est la conservation du patrimoine dans son ensemble qui préoccupe d'emblée les communautés religieuses du Québec. À telle enseigne qu'elles se sont regroupées, il y a une dizaine d'années, au sein d'un organisme baptisé Mission Patrimoine religieux qui veille à sauver les «meubles» des congrégations. «Chaque communauté prend l'initiative de faire l'inventaire de ses biens et de les mettre en valeur, explique soeur Lucille Côté, présidente de la Mission. Au lieu de les vendre, elle fait des recherches dans ses archives pour voir lesquels sont rattachés à leur mission. Par exemple, un banc de leur première école pourrait devenir un objet patrimonial puisqu'il rappelle un événement de leur histoire communautaire.»
Plus d'une vingtaine d'entre elles sont également membres du réseau Info-Muse de la SMQ, qui offre des services d'aide à la documentation, à la numérisation et à la mise en réseau des collections. «Les communautés religieuses sont très dynamiques, contrairement à ce qu'on pourrait penser, lance Françoise Simard, responsable du réseau Info-Muse. On sentait depuis longtemps une volonté des communautés religieuses de définir leur patrimoine, de le documenter et de le faire valoir.» Toutes les informations recueillies sont comptabilisées et mises en réseau dans une base de données disponible au grand public sur le site Internet de l'Observatoire des musées québécois.
Pour en savoir plus: www.smq.qc.ca