SoDRUS - Foi et droit
Qu'il s'agisse du port du kirpan ou du voile islamique à l'école ou encore des revendications autochtones s'appuyant sur des pratiques religieuses ancestrales, les questions religieuses sont de plus en plus présentes dans la société québécoise. Elles débordent désormais le simple cadre de la pratique du culte et viennent même bousculer certains fondements juridiques du droit.
C'est pour jeter un nouvel éclairage sur ces questions litigieuses que s'est formé l'an dernier le groupe Société, droit et religion de l'Université de Sherbrooke (SoDRUS). Le groupe comprend pour le moment trois membres, tous professeurs à l'Université de Sherbrooke.Directeur du groupe, Claude Gélinas est anthropologue spécialisé dans les droits religieux autochtones. Ses collègues sont Pierre Noël, théologien spécialisé dans le droit comparé des religions et Sébastien Lebel-Grenier, avocat spécialisé dans les rapports qui existent entre le droit et les questions d'identité. «Cela nous permet d'aborder ces questions de nature religieuse et culturelle par le biais de trois perspectives, soit le droit, l'anthropologie et la théologie», précise Claude Gélinas.
Ces questions litigieuses, croit-il, peuvent être résolues de trois façons. La première manière consiste à imposer un cadre normatif canadien à tous sans exception. La deuxième manière, issue du concept de multiculturalisme, consiste à accorder à ces groupes revendicateurs la liberté de se comporter comme ils l'entendent. «La troisième voie, celle que nous préconisons, se veut plutôt une solution mitoyenne. Comme il y a, entre ces groupes revendicateurs et la société, des points de contact, un certain métissage normatif est envisageable.»
Comme le SoDRUS en est à ses débuts, aucune étude sur des cas types n'a été réalisée. «Nous sommes encore à développer une approche théorique propre à notre groupe.»
Décalage
Cette approche théorique permettra de mieux cerner les points de contact entre les systèmes de valeurs et de normes en présence dans la société, tant ceux de l'État que ceux des diverses communautés, et de mieux comprendre comment ces systèmes peuvent en venir à un métissage de ces valeurs et normes. Elle permettra aussi de déterminer s'il existe un décalage entre le système normatif canadien et ce qui se vit sur le terrain. «Prenons l'exemple du kirpan. Est-ce qu'on s'y oppose simplement pour des questions de sécurité ou est-ce que c'est la présence d'un signe religieux qui dérange?»
Est-ce, dans ce cas, la société d'accueil qui éprouve des difficultés à reconnaître et accepter une norme ou une valeur qui lui est étrangère? Peut-être, répond Claude Gélinas, mais le contraire est aussi vrai. «Il y a des communautés culturelles qui semblent parfaitement adaptées au cadre normatif canadien, mais dans le réel, ce n'est pas toujours le cas. Par exemple, il y a certaines communautés hindoues en Colombie-Britannique qui pratiquent encore le mariage forcé, ce qui va nettement à l'encontre de notre cadre normatif.»
Claude Gélinas et ses collègues participeront au prochain congrès de l'Acfas et ils organisent pour l'automne prochain un colloque international sur le thème du métissage normatif. D'ici les prochains cinq ans, Claude Gélinas espère que les travaux du SoDRUS permettront d'ébaucher des pistes de solution à ces nouvelles questions qui se posent maintenant à la société québécoise.